
Marcher pour la santé, pour l’âme, pour le cerveau, au bon rythme. Se déplacer à pied n’a jamais été aussi avantageux, à en croire le nombre de livres et de reportages sur le sujet. L’activité a même gagné des lettres de noblesse notamment avec les pèlerinages qui mobilisent des milliers de randonneurs, de Compostelle à Québec.
Un texte de Véronica Lê-Huu
L'activité qui consiste à marcher sur de longues distances vers un lieu de pèlerinage, la « marche pèlerine » comme la nomme Michel O’Neill, ancien professeur en sociologie à l’Université Laval et chercheur pour la Chaire de recherche jeunes et religions, est à la mode dans le monde contemporain.
Cette popularité découle d’un regain d’intérêt relativement récent pour le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, qui avait été instauré il y a 1200 ans.
« C’était tombé dans l’oubli pendant plusieurs centaines d’années et c’est devenu à la mode dans les années 80. Ça a remis au goût du jour l’idée de marcher longtemps pour aller dans un lieu de pèlerinage », explique M. O’Neill.

À la différence des longues randonnées en sentiers ou des treks en montagne, la marche pèlerine, à travers des lieux habités, est à la portée de tous, ce qui constitue son principal attrait.
« On n’a pas besoin d’être aussi en forme, de traîner autant de choses et les enjeux de sécurité sont moins complexes. À cause de ces possibilités, ça a déclenché toute une série d’intérêts pour les gens d’aller vers Compostelle, entre autres », souligne le chercheur.
Et les Québécois ne font pas exception. Entre 40 000 et 50 000 d’entre eux y sont allés depuis 1995.
Pas que des baby-boomers
Si à l’origine les motifs religieux poussaient à prendre la route de Compostelle, les nouveaux marcheurs s’y adonnent pour diverses raisons : santé, défi, dépassement personnel, entre autres.
Les marcheurs ont généralement en commun de vouloir prendre une pause en période de transition, observe toutefois M. O’Neill. Entre la fin des études et le travail, la fin du travail et le début de la retraite, à l’occasion d’une rupture amoureuse, d’un deuil. La longue marche est propice à la réflexion.
« Ça permet, ce genre de marche, de faire une sorte d’introspection, de réfléchir. »

Selon les données répertoriées à Compostelle, la marche pèlerine ne touche pas que des baby-boomers, affirme par ailleurs M. O’Neill.
En fait, près de 50 % de la clientèle serait composée de millénaires ces dernières années.
Compostelle au Québec
Et Compostelle transcende les frontières. Au fil du temps, des Québécois qui ont apprécié l’expérience ont décidé d’instaurer la démarche ici. Dans les 20 dernières années, quelque 28 chemins de pèlerinage ont vu le jour au Québec, le plus vieux étant le Chemin des Sanctuaires vers Saint-Anne-de-Beaupré.
En 2017, 1700 personnes ont foulé ces chemins de pèlerinage québécois, comparativement à 3400 qui sont allés à Compostelle.
Une proportion toutefois minime comparativement au nombre de personnes qui visitent des lieux de pèlerinage. L’an dernier, 875 000 personnes se sont rendues (en autocar ou en voiture) à Saint-Anne-de-Beaupré et 2 millions à l’oratoire Saint-Joseph.

Mais l’idée d’entreprendre de longues routes à pied à travers les territoires est en progression. Même le tourisme a rallié le concept.
« C’est rendu tellement dans le langage populaire que dans les médias, on voit très souvent par exemple le Compostelle de l’île d’Anticosti, mentionne M. O’Neill. Or, il n’y a pas sanctuaire à l’île d’Anticosti. […] C’est devenu presque synonyme de grandes randonnées ».
M. O’Neill croit par ailleurs que la tendance est là pour rester. Cette idée de se donner une pause touche toutes les générations dans un monde effervescent et effréné, qui, dit-il, n’est pas près de changer.
Michel O’Neill est l’auteur du livre Entre Saint-Jacques-de-Compostelle et Sainte-Anne-de-Beaupré. La marche pèlerine québécoise depuis les années 1990.
Le reportage complet à voir dans l'épisode du 6 août, diffusé à 18 h 30 à Québec sur demande.
