Les jours: vivre avec le cancer du sein

Un an aux côtés d’une jeune femme atteinte d’un cancer du sein : un documentaire fort et lumineux
Marie-Philip a appris une semaine avant son anniversaire de 29 ans qu’elle était atteinte d’un cancer du sein au stade 3.
Durant l’année de traitements, de doutes, d’espoirs et d’apprentissages qui a suivie, la cinéaste Geneviève Dulude-De Celles (Une colonie) l’a filmée et accompagnée, ne cachant rien de ce parcours marqué par la résilience et la force de Marie-Philip – qui aujourd’hui va mieux –, et par extension de toutes celles qui affrontent cette maladie.
Nous avons rencontré la cinéaste.

Vous affirmez dans votre dossier de presse que le cancer du sein est la maladie la plus répandue autour de vous. C’est aussi une maladie dont le cinéma a très peu parlé. Comment l’expliquez-vous?
Geneviève Dulude-De Celles: Au Québec, il y avait eu les chroniques d’Anick Lemay parues dans Urbania, puis le documentaire qui en avait été tiré pour la télévision. Mais j’imagine que ce peu d’attention est peut-être lié à la peur d’aborder des sujets plus difficiles.
C’est ce que font remarquer des femmes qui ont eu ce cancer, ou Marie-Philip : quand les gens le savent, il y a une certaine gêne, on ne sait pas trop comment aborder ça. Le mot cancer est fort.
De mon côté, depuis que j’ai commencé la recherche sur ce sujet, jusqu’à aujourd’hui, je trouve incroyable le nombre de gens qui me disent ma sœur, ma mère, ma tante ont vécu ça
. C’est très très répandu, mais peut-être qu’on a de la misère à l’aborder parce que, comme face à n’importe quel sujet délicat, c’est difficile de trouver le bon ton. Même Marie-Philip, quand on a commencé à parler du projet, avait peur que ce soit dramatique, lourd. Elle-même avait cette image-là.

Vous avez rencontré Marie-Philip durant la pandémie. Mais comment l’avez-vous convaincue de participer à ce film?
G.D.D.C.: L’approche que j’avais était beaucoup reliée au temps. Je voulais vraiment avoir une personne qui vient d’avoir son diagnostic pour la suivre du début à la fin, voir son évolution autant physique que psychologique dans cette épreuve. On était en septembre 2020, tout était fermé, mais contrairement à [ce que j’ai fait dans] Bienvenue à FL, mon documentaire précédent, je ne voulais plus être dans une position où j’avais à convaincre, mais dans une position où j’offrais quelque chose, et où les personnes intéressées venaient vers moi. On a donc fait un appel de casting en mode fiction, avec une agente qui a joint tous les groupes de soutien, les hôpitaux, les groupes Facebook. C’était cartes sur table. C’était difficile, mais ça a fait en sorte que Marie-Philip est venue de son propre chef, et pour elle, il y avait quelque chose de positif dans l’expérience de partager ce qu’elle vivait.
Elle venait d’avoir son diagnostic, et ce qu’elle trouvait sur Internet, dans les groupes de soutien, était beaucoup destiné à des patientes plus âgées. Elle, à 29 ans, se sentait isolée, et ça lui a donné un moteur. Elle s’est dit, je vais participer et faire entendre la voix de quelqu’un de plus jeune.

Vous incluez dans le film des vidéos qu’elle-même a tournées, et vous dites qu’elles étaient plus parlantes que tout ce que vous auriez pu filmer. C’est-à-dire?
G.D.D.C.: Au départ, je ne voulais que des entrevues, me concentrer sur la parole, et un corps qui évolue, mais toujours dans le même contexte.
Mais Marie-Philip m’avait invitée dans son groupe privé Facebook où elle faisait des mises à jour. La première, c’était une vidéo de son père, torse nu, qui lui faisait une injection en jouant au monstre. C’était tellement humain. Et il y avait de l’humour.
En n’incluant pas ça, ça laissait un angle mort dans le portrait que je faisais de cette femme. J’ai fait des entrevues avec toute sa famille, avec ma bonne lentille, ma bonne caméra, mais au montage, on a réalisé que c’était plus touchant de la voir, elle, faire une entrevue. On la suit, elle, à son rythme. Ça a été une très belle collaboration, de très près, en cohérence avec ce qu’elle voulait montrer d’elle.

La question est difficile, mais auriez-vous fait le film, même si les traitements n’avaient pas fonctionné?
G.D.D.C.:
C’est peut-être de la naïveté, mais j’ai toujours cru que ça allait bien aller pour elle.
Quand on se met à lire sur le cancer, on comprend que le diagnostic dit à quel stade on est. Elle, c’était au stade 3. Au stade 4, il n’y a pas de rémission. C’est sûr que j’aurais abordé le projet autrement si elle avait été au stade 4. Si je suis honnête, je ne sais pas ce que j’aurais fait. J’imagine qu’il aurait été question de la mort. J’aurais probablement poursuivi les tournages après aussi. Ça aurait été de grandes questions :sur quoi finir, que veut laisser la personne comme message? Ce que je sais, c’est que c’est une cocréation et que je me verrais mal présenter le film seule. Il y a tellement de Marie-Philip là-dedans.
Les jours, en salle le 29 septembre.
La bande-annonce (source : YouTube)
