L’ombre des corbeaux : trauma, héritage et résilience

Le nouveau film de Marie Clements, en salle le 2 juin, jette un regard sensible et ample sur le système des pensionnats canadiens pour Autochtones.
C’est un film que je sentais que je devais faire.
Présenté comme un film, mais qui sera suivi d’une série de cinq épisodes diffusée en septembre prochain sur CBC, L’ombre des corbeaux revisite avec ambition une partie de l’histoire canadienne que peu ont osé regarder : celle qui concerne les peuples autochtones et le système des pensionnats. À travers le destin d’Aline, une femme crie qui a connu cette horreur enfant et qui la mènera jusqu’au Vatican, la réalisatrice métisse Marie Clements signe un film qui rappelle que derrière les systèmes iniques, ce sont toujours des hommes et des femmes qui souffrent.

Le film a été tourné à Kamloops, en Colombie-Britannique, au moment où l’on y découvrait 200 tombes anonymes d’enfants autochtones. L’expérience a dû être éprouvante…
Marie Clements : Absolument. C’était impossible à anticiper, et même à imaginer.
Et lorsque c’est arrivé, ça a bien sûr été très dur pour tout le monde, mais je crois que ça a donné de la force à toute l’équipe, et un sentiment de responsabilité aussi.
Les raisons pour lesquelles nous faisions ce film sont devenues encore plus importantes. Cette collision entre le passé et le présent nous a vraiment fait saisir à quel point ces événements de l’histoire étaient encore bien vivants.

Votre film a plusieurs fois été comparé à la série Roots. Êtes-vous d’accord?
M.C. : Roots a en effet été une grande inspiration. Je l’ai vue très jeune et ça m’a marquée. Avec mes productrices, nous avons vraiment voulu créer une histoire multigénérationnelle pour mieux observer l’histoire autochtone au Canada et en comprendre les répercussions encore aujourd’hui. Nous avons donc choisi une famille pour mieux comprendre comment ce système des pensionnats pouvait avoir eu un effet au fil des années. À ce titre, Roots est une bonne comparaison. Ceux et celles qui l’ont vue à l’époque ont pu avoir un regard différent sur ce qu’a été l’expérience afro-américaine.
Nous avons ce même espoir, que le visionnement de L’ombre des corbeaux puisse changer le regard sur l’histoire autochtone au Canada et qu’il amorce un dialogue en stimulant notre empathie collective.
Votre actrice, Grace Dove, est impressionnante. Le rôle a-t-il été écrit pour elle?
M.C. : C’est une actrice extraordinaire. Elle joue Aline de 16 à 60 ans, tout en maintenant une forme de gravité au fil des décennies, mais en permettant à son personnage d’évoluer. Sa capacité à se transformer d’un état à l’autre est formidable, mais le rôle n’avait pas été écrit pour elle, non!

Karine Vanasse et Rémy Girard sont également présents dans votre film!
M.C. :
Mais qui ne voudrait pas les avoir! Je voudrais qu’il et elle soient dans tous les films que je fais.
Ce sont deux immenses stars canadiennes, mais surtout deux présences extraordinaires. J’étais très touchée qu’il et elle acceptent de mettre leur talent au service de ce récit.

Vous avez également fait place à une petite, mais marquante, apparition d’Alanis Obomsawin!
M.C. : Mais oui!
Quelle artiste extraordinaire! Quelle femme! Quelle cinéaste! Nous l’aimons beaucoup et c’est un grand honneur qu’elle soit dans le film.
Je pense que sa présence évoque aussi l’idée de transmission présente dans le récit. Son personnage est celui de la diseuse de vérité, qui a enregistré plusieurs témoignages de survivants et survivantes. Et c’est ce qu’Alanis Obomsawin est : une diseuse de vérité.
Compléments:
L’ombre des corbeaux, en salle le 2 juin
La bande-annonce (source : YouTube)
