Je me soulève : extension du domaine de la poésie

Hugo Latulippe filme avec passion la création d’un spectacle poéticopolitique
Nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir
Sa visibilité médiatique reste peut-être à conquérir, mais la poésie québécoise peut compter sur des artistes et un public qui en feraient beaucoup pour la soutenir, la faire vivre, et rappeler sans cesse que les mots savent être porteurs de tellement plus que de leur signification.
En 2019, c’est bien la conviction qui habite Véronique et Gabrielle Côté, alors qu’elles préparent Je me soulève, œuvre collective qui sera présentée sur la scène du Trident, à Québec. C’est aussi elle, mêlée de doutes, de questionnements, de réflexions que filme Hugo Latulippe (Bacon, le film) lors des ateliers préparatifs pour cette pièce réunissant une vingtaine d’interprètes et visant à extirper de ce matériau fécond qu’est la poésie québécoise contemporaine l’esprit du temps
.

C’est une des premières choses qui nous frappent en regardant Je me soulève : à quel point derrière ces lignes écrites pour rêver plus haut que notre simple condition se tiennent des hommes et des femmes debout, libres, en vie, les deux pieds bien ancrés dans l'ici et maintenant.
Et si le film de Latulippe leur rend assurément hommage, il sait aussi mettre en valeur les poèmes eux-mêmes, les laissant être déclamés sur des images somptueuses de notre territoire et de nos quotidiens. Car la poésie est chez elle partout, d’une cuisine à un parc, d’un chalet à un champ.
Le film épate aussi par sa capacité à comprendre la poésie comme un art profondément politique (et vice-versa). Que Catherine Dorion ait été choisie par les sœurs Côté pour faire partie du spectacle n’est évidemment pas anodin. De plus, lorsque vers la fin du film, on assiste à son élection à l’Assemblée nationale, l’émotion qui naît en observant une horde de poètes l’acclamer en osant rêver à des lendemains qui chantent est aussi sincère que profonde.
Oui, la poésie est politique, car elle est une question d’avenir, d’idéal que l’on s’emploie à bâtir, de regard collectif sur le monde, d’un espoir que l’on s’autorise, et de courage, en particulier dans un monde où l’on accorde peu de poids aux gens qui pensent du cœur, face à ceux et celles qui gagnent et réussissent.
En observant ces artistes réfléchir, construire un spectacle en s’interrogeant sur leurs origines, leur relation avec ceux et celles qui suivent, et prendre naturellement leur place dans les luttes climatiques, on le constate bien vite aussi : c’est bien lorsque l’imagination est au pouvoir que peuvent naître les révolutions.
Compléments:
La bande-annonce (source : YouTube)
