Le miracle d’Anomalisa

Oui, le film de Charlie Kaufman (sur ICI Télé le dimanche 2 avril, à 23 h 25) a quelque chose de miraculeux
En 2015, 7 ans après Synecdoche, New York, et 16 après son premier scénario pour Dans la peau de John Malkovich (Being John Malkovich), le scénariste le plus torturé du cinéma américain – et sûrement mondial – signe une deuxième réalisation qui capte toutes les nuances de l’expérience humaine, sans complaisance, gentillesse ou cruauté forcées… grâce à des figurines en feutre animées.

Un travail d’animation inouï
Bien sûr, on connaît les progrès techniques qui ont rendu le monde du cinéma d’animation capable de mimer presque parfaitement la vraie vie.
Mais aidé techniquement par Duke Johnson, Charlie Kaufman réussit quelque chose d’autre : doter ces figurines d’une humanité, d’une émotion et d’une véracité démentes.
Comment? En créant des mouvements selon la technique image par image (stop motion en anglais) d’une fluidité et d’un réalisme vertigineux. Mais aussi, et surtout, en heurtant ces mouvements de toutes petites saccades, à peine visibles, qui viennent symboliser ce que vit et ressent le héros d’Anomalisa, Michael Stone.

Des personnages au bord du gouffre
Michael Stone, un auteur de livres d’épanouissement personnel, spécialisé dans le service à la clientèle, est en voyage à Cincinnati pour y donner une conférence.
Cet homme perdu, mal à l’aise dans sa propre vie, seul, désaxé et sans repères, rencontre alors Lisa, une jeune admiratrice qui a bien du mal à comprendre que son idole la regarde, elle que personne n’a jamais regardée.
Et, en plus d’une scène d’amour physique touchante, maladroite, sincère et vulnérable, le film a encore cette magnifique idée de signifier cette impression que Michael a d’être étranger au monde en donnant à tous les autres personnages, excepté Lisa, la même voix d’homme monocorde.

Une écriture qui fait gagner (de quelques centimètres) le doux sur l’amer
Comme dans d’autres films du même genre (Mary et Max, d’Adam Elliot, ou Le sens de la vie pour 9,99 $, de Tatia Rosenthal), les marionnettes deviennent alors un miroir dans lequel nous observer, nous, êtres humains, avec nos tares, nos faiblesses, nos tristesses, nos sentiments intenses de déconnexion, nos vulnérabilités et nos amours déçues ou maladroites. Rien de bien joyeux, bien sûr, n’eût été l’humour si particulier avec lequel Kaufman parvient à observer tout cela.
Un humour un rien cynique, mais surtout nourri par une empathie naturelle à l’égard des gens marginaux, des êtres différents et mal dans leur peau.
Un cœur, une âme, un regard comme fenêtre sur leur – et notre – âme… Oui, vraiment, ces marionnettes ont tout d’une anomalie. La plus belle et la plus sincère qui soit.
Anomalisa, sur ICI Télé, le 2 avril, à 23 h 25
La bande-annonce (source : YouTube)
