Capote : le roi Philip

Le premier film de Bennett Miller a valu son premier Oscar à Philip Seymour Hoffman. À voir sur ICI Télé le 26 mars, à 23 h 25.
L’annonce de sa mort, en 2014, nous avait coupé le souffle. D’abord, parce que 46 ans, ce n’est un âge pour mourir. Et puis, il y avait sa filmographie aussi. Que ce soit dans Boogie Nights, Before the Devil Knows You’re Dead, The Big Lebowski, Magnolia, The Master, A Most Wanted Man ou The Talented Mr. Ripley, pour ne citer que ces films, ses présences avaient convaincu le public qu’il pouvait bien être de cette race des géants immortels.
Il nous reste heureusement ces images pour mieux s’en persuader, notamment dans l’inoubliable Capote, de Bennett Miller.
Rappel des faits : En novembre 1959, Truman Capote, qui vient d’écrire Breakfast at Tiffany’s, est la coqueluche des salons américains. L’intérêt de l’homme se porte toutefois vers un sordide fait-divers au Kansas, là où il pourra écrire In Cold Blood et redéfinir les frontières entre fiction et réalité.

L’art de l’incarnation
Sur le papier, incarner Truman Capote relevait du pur piège. Comment ne pas tomber dans l’imitation? Comment ne pas succomber aux tics, aux manières? Comment être à la hauteur du mythe sans le caricaturer?
Philip Seymour Hoffman a trouvé, propulsant sa voix dans les hauteurs et dans le nez, pour mieux saisir l’auteur d’In Cold Blood.
Un simple effet de voix? Non. Car c’est aussi dans son corps que l’acteur l’incarne, crédibilisant autant l’attrait du grand auteur pour les flashs et les hourras que son envie, sincère, d’être enfin pris au sérieux.

Une mise en scène au couteau
Avant même Moneyball ou Foxcatcher, Bennett Miller faisait de Capote la matrice de son approche incroyablement rigoureuse de la mise en scène.
Sobrissime, contrôlée et minutieuse, elle accompagne ces cinq ans d’enquête que mène Capote sur un homme emprisonné avec une puissance contenue qui ne fait que souligner la gravité et la profondeur de ce qui se joue. C’est un terrain de jeu parfait et débroussaillé pour que Seymour Hoffman déploie lui aussi tout son talent.

Une réflexion vertigineuse sur l’écriture
Une mise en scène fascinante, un acteur au sommet, un retour sur un des livres les plus importants de la littérature américaine (De sang froid a, d’une certaine façon, lancé cette mode inépuisable des histoires de crimes réels)… Capote est tout cela, mais il est aussi et surtout une passionnante réflexion sur ce qu’implique l’acte d’écrire : de l’invention, oui, mais aussi un étrange processus de vampirisation où le sujet devient matière à récits, mais qui force aussi l’auteur à trouver sa place face à lui, quelque part entre morale et ambition.
Parasiter la vie d’un condamné à mort et minauder dans les cercles littéraires? Être sans cesse tiraillé par cette ambiguïté fondamentale? C’est bien la marque des grands, de Truman Capote à Philipp Seymour Hoffman.
Compléments:
Capote, sur ICI Télé, le dimanche 26 mars, à 23 h 25.
La bande-annonce (source : YouTube)
