Effacer l’historique : l’humanité ruinée par le tout-numérique

Le monde va mal? Mieux vaut en rire…
Depuis Aaltra, en 2004, road-movie à l’ironie féroce ainsi qu’au noir et blanc velouté, leur cinéma fait office de poil à gratter contestataire dans le paysage souvent sage du cinéma français. Et avec le temps (Louise Michel, Mammuth, Le grand soir…), Gustave Kervern et Benoît Delépine ne se sont assurément pas assagis. Tant mieux!
La preuve est toujours dans cette dixième réalisation en duo, Effacer l’historique, qui tire à boulets rouges sur notre société du tout-numérique, qui certes peut faciliter certaines choses, mais qui finit surtout par déshumaniser le monde en entraînant l’être humain dans une course toujours plus folle à la consommation et au repli sur soi.
Mondialisation effrénée et solitude grandissante : le combo est explosif, et c’est bien lui que mettent à jour les deux réalisateurs, n’hésitant pas à regarder droit dans les yeux les pauvres petites choses pathétiques que nous sommes maintenant.
Et l’intelligence artificielle, en plein boom, n’arrangera pas les choses!

Comment conserver ses mots de passe, comment ne pas gâter pourrir
son enfant, comment protéger ses données personnelles, comment ne pas succomber à l’envie de vivre à crédit, comment supprimer une information stockée dans un nuage virtuel… et autres réjouissances sont donc au programme d’Effacer l’historique.
Ces thèmes sont partagés équitablement entre trois personnages, qui ont en commun d’être parfaitement au bout du rouleau et de vouloir mener une bataille contre les géants d’Internet,
mais aussi d’être interprétés par trois acteurs et actrices au capital de sympathie assez irrésistible (et dont la persona semble naturellement s’intégrer à l’univers Kervern-Delépine, il faut le dire).
Denys Podalydès, Corinne Masiero et Blanche Gardin, donc, dans le rôle d’un père dont la fille est harcelée, d’une femme victime de sextorsion, et d’une autre, chauffeuse, qui ne parvient pas à obtenir de bonnes notes de sa clientèle, mais aussi quelques apparitions de leurs fidèles Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste ou Bouli Lanners. La bande est là, montrant les crocs de concert avec les deux réalisateurs. Certes, on pourra trouver le ton un rien didactique parfois, ou les enjeux soulignés au crayon rouge, mais force est de constater que
face aux dérives de notre monde, le rire, aussi gras soit-il, est souvent une excellente parade.
La bande-annonce (source : YouTube)
