Chute libre (Falling): quand Viggo devient réalisateur

Le premier film de l’acteur Viggo Mortensen se penche avec sensibilité sur une relation père-fils complexe.
Sur papier, la famille paraît tirée d’une publicité bien-pensante pour la diversité. John vit avec son mari infirmier d’origine asiatique et leur fille adoptive dans l’accueillante Californie. Mais – puisque, bien sûr, il faut un mais – le bel équilibre sera perturbé lorsque John décidera d’héberger son père, Willis, un conservateur pur jus (déjà, à l’époque, il haïssait Kennedy) à l’esprit rongé par le machisme, l’homophobie et l’alzheimer.
Peut-on réellement changer? Voilà bien la question que pose Chute libre, première réalisation de l’acteur Viggo Mortensen, inspirée par quelques souvenirs d’enfance (sans pour autant être autobiographique).
Pour ce vieil homme, en colère contre cette société qu’il voit changer sans qu’il ne puisse rien y faire, et dont les souvenirs d’un temps qu’il préférait s’effritent, c’est presque déjà trop tard. Mais pour John, non. Comment pardonner? Comment grandir soi-même en s’affranchissant d’une certaine culpabilité? Comment faire la paix avec un homme qui nous a pourtant construit autant que détruit? Comment communiquer avec ceux et celles dont on est censé être si proche en en étant pourtant si loin?

Si le sujet n’est pas forcément neuf, et si Chute libre se construit sur un système d’oppositions relativement classique et répétitif (moderne vs ancien; calme vs grossièreté…), reste un film dont la sincérité touche. Car en tirant le portrait de cet homme haineux à l’aide de (nombreux) retours en arrière, Mortensen ne cherche pas de faux-semblants, comprenant bien qu’il faut aussi départager ce qui relève de l’homme lui-même de ce qui n’est que le produit d’une éducation et d’un contexte socio-politique.
Personne n’est intrinsèquement mauvais, personne n’est intrinsèquement bon, et cela prend parfois du courage pour le reconnaître.
Ce qui sépare ces deux hommes, c’est aussi l’immense division idéologique qui ravage les États-Unis sans que personne n’y puisse grand-chose.
Bien sûr, si le film fonctionne, c’est en grande partie grâce à la présence de Lance Henriksen (81 ans au moment du tournage), qui joue ce vieil homme sénile avec une force pétrie de sensibilité particulièrement touchante.
Cependant, il faut aussi reconnaître la patte de Viggo réalisateur – qui joue bien sûr John –, jamais trop insistante, jamais exubérante, qui crée par sa mise en scène un calme et une retenue faisant ressortir toute la violence de cette relation père-fils abîmée et douloureuse. Un grand film, Chute libre? Non, certainement pas, mais un film honnête et attentif sur l’idée même de pardon. Il y a en prime une apparition de David Cronenberg, le cinéaste qui a tant fait pour la carrière d’acteur de Mortensen. Un autre père…
Compléments:
La bande-annonce (source : YouTube)
