Crash : de chair, de sang et d’acier

Quand Cronenberg s’attaque à J. G. Ballard, on frôle le chef-d’œuvre.
Peut-être la prochaine fois, chérie. Peut-être la prochaine fois.
Un film lamentable
; « au-delà des limites de la dépravation »; un scandale
… voilà comment des critiques ont accueilli le film sulfureux de David Cronenberg dès sa présentation au Festival de Cannes en 1996, duquel il est pourtant reparti avec un prix spécial du jury remis pour son audace et son originalité. Le temps leur a-t-il donné raison? Évidemment que non.
Car Crash, non content d’être resté comme le film maître de l’œuvre du cinéaste canadien – roi incontesté de ce qui est étrange, malsain et dérangeant –, est encore et toujours un film fascinant.
Une ode à la chair et à l’acier qui choque autant qu’il enthousiasme. Une œuvre d’art qui repousse les limites pour mieux interroger notre rapport maladif au monde et à la sexualité.
Une leçon de mise en scène des névroses et des pulsions qui rentre sous la peau. Oui, même 26 ans plus tard.

L’histoire seule de Crash, adapté du roman de J. G. Ballard – Cronenberg s’est fait une spécialité de tirer de grands films de livres réputés inadaptables, comme Spider ou Cosmopolis… –, a bien sûr de quoi saisir. James Ballard, un producteur de pub en quête de nouvelles sensations sexuelles, provoque la mort d’un homme lors d’un accident de voiture. En rencontrant la Dre Helen Remington, la veuve de la victime, il découvre aussi un monde où la pulsion sexuelle naît des mutilations et cicatrices causées par des accidents.
Pour public adulte et averti, donc (le film a d’ailleurs été interdit aux moins de16 ans à sa sortie, et carrément banni dans un quartier de Londres).
Mais si le récit lui-même s’aventure du côté d’une marginalité que peu regardent, si James Spader et Holly Hunter trouvent là des rôles inouïs dans lesquels il et elle libèrent une puissance presque animale, c’est aussi, surtout, la mise en scène de Cronenberg qui nous cloue à notre fauteuil. Frontale mais jamais obscène, lyrique mais jamais racoleuse, glaciale mais jamais rebutante, elle organise ce chaos de chair et d’acier avec une élégance violente et érotique qui coupe le souffle. Mieux,
en appuyant sa caméra du côté des chairs tuméfiées et des corps brisés, en jouant avec notre propre voyeurisme, elle métaphorise la pulsion libidinale de mort et crée un état de transe hypnotique dont personne, avouons-le, ne s’est encore remis.
Compléments:
Crash, à voir sans faute sur ICI Tou.tv Extra.
La bande-annonce (source : YouTube)
