Alcootest : l’ivresse selon Saint-Vinterberg

Boire trop : une prison ou une libération?
Le postulat est provocateur (mais depuis Festen, on n’en attend pas moins du réalisateur danois Thomas Vinterberg) : pour être équilibré, l’être humain devrait
rattraperle déficit d’alcool dans le sang que nous aurions tous et toutes dès la naissance.
Bien sûr, les quatre héros d’Alcootest, tous professeurs aussi démotivés que fatigués, ne résistent pas à l’envie de tester cette théorie imaginée par Finn Skårderud, un psychologue norvégien. Et vogue la galère des shooters et autres litrons dans le gosier.

Au début, tout se passe bien, et le pouvoir désinhibiteur de l’alcool rend nos quatre zozos aussi joyeux que dynamiques. Flasques de fort dans les poches, ils s’enfilent des grands crus cul sec, contrôlent leur taux d’alcoolémie aux toilettes (l’expérience se veut scientifique), se bataillent comme des enfants, jusqu’à ce que…
Car bien sûr, ces quatre hommes ne peuvent se le cacher longtemps : ils sont, et étaient malheureux. Dans leur vie, leur travail, leurs amours, leurs amitiés… Et si l’alcool commence par les libérer, il se laisse bien vite comprendre comme un cache-misère qui ne fait que révéler encore plus la tristesse insondable de ces hommes au quotidien monotone et sans joie.
Sans mentionner ces effets indésirables que sont les disputes de plus en plus fréquentes et violentes, et les dérapes de plus en plus incontrôlables.
Si le prétexte de l’alcool est aussi puissant que bien trouvé par Vinterberg, ce dernier creuse pourtant cette même idée mélancolique et désespérée qui irrigue ses films depuis le début : l’être humain est peut-être tout simplement incapable de bonheur. Et l’amitié, branche à laquelle on peut se raccrocher pour éviter de sombrer devant cet affreux constat (du même genre que celui que faisait Pierre Perreault dans son troublant La bête lumineuse), n’est qu’une illusion destinée à faire avaler la pilule de la solitude, de l’amertume et de la déchéance inhérentes à la condition humaine. Voilà bien qui donne en effet envie de boire…

Pourtant, ce qui plaît tant dans Alcootest, Oscar du meilleur film étranger en 2021, c’est que cette noirceur n’est pas soulignée par Vinterberg, qui au contraire, accompagne ce chemin vers la destruction par une mise en scène d’une empathie redoutable, notamment soutenue par une direction photo chaude et lumineuse et un point de vue sans jugement ni complaisance qui ne tarde pas à émouvoir au plus haut point.
Oh oui, on gardait le meilleur pour la fin. L’un des quatre amis, celui qui mène le bal de ce chemin vers une renaissance improbable, c’est Mads Mikkelsen, dont la vulnérabilité et la profondeur n’auront peut-être jamais autant affleuré. À la vôtre!
Compléments:
La bande-annonce (source : YouTube)
