Les trois petites musiques de Frances Ha

Le film-phénomène de Noah Baumbach et Greta Gerwig est diffusé sur ICI Télé le dimanche 4, à 2 h 26.
Frances Ha a 27 ans. L’âge des rêves, des passions, des projets flous et des premières désillusions. L’âge où l’on pense encore pouvoir percer comme chorégraphe, sculpteur ou éditeur juste parce qu’on y croit. L’âge où les amitiés sont plus importantes que les amours, où l’on peut partir à Paris pour un week-end, et où les colocations s’enchaînent comme dans une valse pas si bien huilée. Et même si 27 ans, "c’est déjà très vieux", comme lui dit son ami, Frances préfère vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain, son insouciance en bandoulière.
Succès-surprise de 2013, le 6e film de Noah Baumbach, coécrit par son actrice, Greta Gerwig, capte dans un noir et blanc aussi lumineux qu’intemporel un air du temps, une douceur de vivre, un esprit aussi furtif et charmant que la jeunesse.
Hommage à son énergie, à la ville de New York, à la liberté, il est aussi une célébration de la musique et du cinéma. La preuve par trois.

Modern Love, de David Bowie
Frances n’a pas que la vingtaine hésitante. Elle a aussi la vingtaine galopante. Constamment en mouvement, son corps un rien pataud, maladroit, que Baumbach filme comme s’il était issu du slapstick et du burlesque, s’anime tout le temps selon une insolente logique du mouvement perpétuel.
Elle se rêve danseuse, mais c’est dans les rues de New York que Frances s’exprime le plus, courant, sautant, virevoltant, tombant même dans d’adorables et attachants pieds de nez à la dictature du cool et de l’élégance à tout prix. Clou du spectacle : cette scène à la fois tendre et mythique où Frances, entre deux appartements, entre deux boulots, entre deux directions, presse le pas et sautille au son du Modern Love de David Bowie, exactement comme l’avait fait Denis Lavant dans Mauvais sang, de Léos Carax, auquel Frances Ha rend ouvertement hommage.
Frances danse dans les rues au son de Modern Love (source : YouTube)

Every 1’s a Winner, de Hot Chocolate
Dans les films, en général, le coup du week-end à Paris est un summum de romantisme échevelé, d’amour illimité, de passion débridée. Chez Noah Baumbach, avec un humour assez ravageur, il devient plutôt le temps de la prise de conscience.
Désorganisée, hésitante, indolente même, Frances a beau être à Paris, elle est seule et fatiguée, et s’ennuie, flânant pour mieux s’oublier. Non, même au cinéma, les week-ends à Paris n’ont parfois rien d’idyllique et les vingtenaires ne sont pas forcément les gagnants qu’on imagine.
Un extrait de Frances Ha (source: YouTube, uniquement disponible en anglais)

Les musiques de Georges Delerue, de Jean Constantin et d’Antoine Duhamel
Le premier a notamment composé les musiques de Jules et Jim, de François Truffaut, et du Mépris, de Jean-Luc Godard. Le deuxième, entre autres, celle des Quatre cents coups, de Truffaut. Et parmi les compositions du troisième, on trouve aussi celle faite pour Domicile conjugal, de Truffaut.
Trois musiciens d’un certain cinéma classique français, adoré par Noah Baumbach, qui, non content de l’évoquer dans ses récits où la philosophie existentielle se marie à une légèreté épicurienne très "nouvelle vague", le cite directement dans Frances Ha (en plus de Gainsbourg, Allen, Ophüls…) en utilisant les musiques primesautières et aériennes des trois artistes.
Frances Ha, à voir sur ICI Télé le dimanche 4, à 2 h 26.
La bande-annonce (source: YouTube)
