Le cinéma québécois 2021-2022 en trois coups de cœur

Le Gala Québec Cinéma approche; c’est le temps parfait de faire un bilan.
Salles qui ferment et rouvrent, industrie en quête constante de solutions face à la domination de plus en plus manifeste des plateformes en ligne, films cherchant à tirer leur épingle du jeu dans un contexte de loi du plus fort : les embûches sur le chemin du cinéma québécois lors de la dernière saison ont été nombreuses. Et pourtant, ce dernier nous a tant donné. À l’approche du Gala Québec Cinéma (sur ICI Télé le 5 juin), nous avons eu envie de le célébrer en trois coups de cœur, trois pas de côté dans une cinématographie qui semble, malgré tout, faire de plus en plus de place à des propositions étonnantes.

La sensualité de Sin La Habana, de Kaveh Nabatian
Un danseur cubain se laisse persuader par sa copine de séduire une jeune touriste canadienne d’origine iranienne pour espérer pouvoir immigrer au Québec. Immigration, amours compliquées, choc des cultures : les thèmes étaient là pour risquer le pensum socioculturel bien-pensant ou donneur de leçons.
Mais ce petit miracle qu’est Sin La Habana transcende tout sur son passage, porté par une mise en scène époustouflante d’inventivité et de grâce, de puissance et de vie.
Personnages riches et attachants, actrices et acteur impliqués (formidables Yonah Acosta Gonzales, Evelyn Castroda O’Farrill et Aki Yaghoubi), regard singulier sur le monde, le film fait du mouvement son maître-mot, nous entraînant au bord de la transe dans son atmosphère fébrile, texturée et pleine d’une sensualité qui détruit sans complexe tous les clichés liés à notre cinéma. Vive la diversité. Vive le cinéma qui vit et vibre (et qui permet de récolter sept nominations, dont une pour le meilleur film de l’année).

L’humour d’Hygiène sociale, de Denis Côté
Radical, austère, cinéphile pur et dur, gris. On a tout dit – et pas forcément le plus flatteur – au sujet du cinéma de Denis Côté. Mais comme un lapin sorti d’un chapeau, voilà que l’auteur nous joue un nouveau tour en laissant apercevoir un jupon encore plus déroutant, inspiré par la lecture de Robert Walser. Par une succession de tableaux filmés en pleine nature (et en pleine pandémie), un homme et cinq femmes devisent avec élégance et anachronisme d’amour, d’argent, de Dieu, en adoptant un ton aussi badin que théâtral.
Un cinéma qui regarde le monde et l’art, de biais, de façon aussi décalée, et qui joue de façon aussi libératrice des contraintes, avec un humour sophistiqué : pourquoi ne pas s’en réjouir (le film, par ailleurs primé pour sa réalisation au Festival de Berlin, aurait d’ailleurs mérité quelques nominations pour un prix Iris…)?

L’humanité de Dehors Serge dehors, de Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe
Depuis des années, le formidable comédien Serge Thériault semble être disparu. Les documentaristes Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe retrouvent sa trace. Confiné chez lui, souffrant d’une dépression sévère, il bénéficie pourtant du soutien sans faille de son épouse, de sa fille et de son voisin et sa voisine du dessous.
Après l’extraordinaire Manoir, les deux cinéastes signent un film bouleversant sur l’aide naturelle et la prison de la dépression, faisant œuvre de bienveillance et d’empathie, aussi tragique qu’elle est lumineuse.
Un film dont le cœur bat fort et qui reste en mémoire longtemps (notamment nommé pour l’Iris du meilleur documentaire).
Compléments:
Le Gala Québec Cinéma, à 20h sur ICI Télé le 5 juin!