Destruction (Destroyer) : Kidman dans le bain d’un polar poisseux

Une série B d’action portée par une Nicole Kidman méconnaissable et assez géniale.
Il y a 17 ans, à Los Angeles, la détective Erin Bell a infiltré un gang de braqueurs redoutable. Et si les traces qu’elle en a gardées sont immenses, elles n’en deviennent que plus brûlantes lorsque le chef du gang redonne signe de vie…
Dans les années 90, ce genre de polar violent de série B dominait le cinéma de masse. Aujourd’hui, il n’apparaît que plus sporadiquement, mais lorsqu’il est abordé par une réalisatrice comme Karyn Kusama (Girlfight, Aeon Flux, Jennifer’s Body), qui s’est toujours amusée à inviter des femmes dans des univers et des archétypes habituellement réservés aux hommes, on a davantage envie de tendre l’oreille. Et on fait bien. Car Destruction remplit sa mission.
Plus militante qu’une Kathryn Bigelow, Kusama sait en effet qu’elle réinvente des clichés masculins au féminin, ce qu’elle exhibe fièrement d’ailleurs : ainsi, la scène de bataille flic-malfrat, sanglante et vue 1000 fois, prend une saveur nouvelle, en donnant simplement ces deux rôles à deux femmes. Mais s’il ne s’agissait que de ça…

Non, ce qui fait tout l’intérêt de Destruction, c’est bel et bien Nicole Kidman qui le porte de bout en bout.
Enlaidie, vieillie, elle est cette détective hantée et bouffée par la culpabilité et l’envie de vengeance jusqu’au bout des ongles. Mieux, elle traîne avec elle, par sa présence de femme lessivée, l’idée même d’un pays sordide et brutal, où elle n’est pas une garante de l’ordre moral, comme un Dirty Harry en jupons, mais où elle symbolise cette idée noire que les États-Unis n’ont même plus d’ordre et de morale, qu’ils ne sont plus qu’un monde primitif où l'on doit essayer de sauver sa peau en appliquant la loi du plus fort.
Et par une étrange alchimie, alors que son personnage de porc-épic à la dérive est tout sauf aimable, l’actrice – souvent géniale il faut le rappeler – parvient alors à susciter un attachement assez étonnant (et à faire oublier le gros travail de maquillage…), mais aussi à élever cette série B âpre et naturaliste, au retournement de scénario assez malin, en étude de personnage passionnante.
La bande-annonce (source : YouTube):
