Le daim : le blouson qui rend fou

Quentin Dupieux embarque Jean Dujardin dans un film fou. Au propre comme au figuré.
Si Quentin Dupieux a toujours aimé le bizarre, le déjanté, le déglingué (de son premier, Steak, à son plus loufoque et policier, Au poste!), il a aussi toujours associé à ses idées étranges une forme d’humour, parfois noir, qui permet la distance, le petit pas de côté associé aux comédies.
Dans Le daim, fini la rigolade : son étrangeté se marie ouvertement au noir, à la folie, au récit de tueur en série. Et cela lui va bien.
Complément:
Le daim, c’est cette matière soyeuse, épaisse et douce dont Georges, un quarantenaire paumé qui a tout lâché, s’entiche du jour au lendemain. Au point d’en devenir fou, pour ne pas dire dictatorial, voire un véritable psychopathe.
Car depuis qu’il a acheté son blouson en daim à franges (offert avec un caméscope numérique), c’est plus qu’une obsession qu’il a développée : c’est une seconde identité : celle d’un pseudocinéaste, rêvant maintenant d’être en daim de la tête aux pieds, et qui convainc la serveuse d’un bar local, monteuse à ses heures, de croire à son projet – celui d’un film sur un homme voulant être le seul au monde à porter un blouson – sans tout lui dire, bien sûr.

Il y a du thriller, de la mise en abyme, de l’horreur et du noir dans Le daim. Mais aussi du western crépusculaire dans ce décor montagnard des Pyrénées plein de brume, de bois et d’angoisse sous-jacente (et pas juste à cause des franges!).
C’est un mélange des genres audacieux qui, malgré ses éléments disparates, fonctionne à plein, puisque Dupieux unifie le tout par une astuce de mise en scène aussi futée que symbolique : c’est que Le daim, loin d’être rutilant, ou sophistiqué, affiche une douceur délavée faisant passer ses images pour des genres de pastels, ce qui reflète bien les idées de flou et d’effacement qui dirigent l’existence de Georges.
Dans ces images aux couleurs passées privilégiant l’ocre, le marron, le beige, la fable de l’homme au blouson, aussi tonifiée par une bande musicale assez géniale (de Joe Dassin à Duke Ellington), prend alors toute son ampleur.
Mais surtout, elle permet à Jean Dujardin, toujours aussi charismatique, d’aborder – enfin – une nouvelle facette de son jeu, plus sombre et inquiétante, d’une richesse étonnante.
La preuve, même la formidable Adèle Haenel embarque dans son jeu. On ne peut que la suivre.
La bande-annonce (source : YouTube)
