Deux fils : trois hommes au bord de la crise de nerfs

L’acteur Félix Moati réalise un premier long métrage sensible et singulier.
– Ton oncle était vraiment métastasé.
– Merci beaucoup. Oui, c’est vrai, c’était quelqu’un de bien.
La Sainte Trinité, les trois actes d’une tragédie, les Trois Grâces, les trois marches du podium… le chiffre trois est plus souvent qu’à son tour présent dans nos mythologies quotidiennes, impliquant souvent l’idée d’une hiérarchie, ou, du moins, d’une complémentarité. Pour sa première réalisation, qui porte le titre de Deux fils, Félix Moati rebrasse un peu les cartes.
C’est que le trois sur lequel il s’appuie pour construire son récit n’est assurément pas pyramidal, mais bien linéaire, pour ne pas dire entièrement à plat. Le père, le fils… et le plus jeune fils au cœur de son film sont en effet au bout du rouleau.
Le père médecin parce que son frère est mort d’un cancer et qu’il traverse une crise existentielle profonde en se rêvant écrivain; le fils aîné, doctorant en psychanalyse en plein abandon, parce qu’il est en peine d’amour; et le dernier parce qu’il ne sait plus à quel saint se vouer pour trouver un guide, un modèle.

Exploration de la masculinité en crise, Deux fils l’est, mais il l’est en parvenant à trouver un ton particulièrement original. Ni triste ni drôle tout en l’étant, il se balade sur un fil ténu : celui d’un récit d’observation tantôt profond, tantôt léger, tantôt vif, tantôt nonchalant, tantôt mélancolique, tantôt plein de vie.
Le plus touchant là-dedans – au-delà de la présence toujours juste et toujours charismatique de Benoît Poelvoorde, de Vincent Lacoste et du jeune Mathieu Capella –, c’est toutefois le regard empreint de bienveillance et de lucidité du réalisateur sur ce qui pèse constamment sur les hommes. Il faut être fort, puissant, viril, séduisant et combattif, intimidant et irrésistible… Néanmoins, lorsque les repères s’écroulent, lorsque les diktats sociaux ne se révèlent que de nouvelles barrières, lorsque le monde s’entête à faire couler les autres plutôt qu’à les glorifier, comment être un homme?
Quelques notes de jazz, une mise en scène au naturalisme souvent nocturne et entêtant, trois acteurs solides, un récit chaleureux et profond : Deux fils a le charme et la pudeur de ces réponses que l’on donne à demi-mots aux grandes questions humaines.
La bande-annonce (source : YouTube):
