Parasite : la géniale boîte à surprises

Le lauréat de la Palme d'or 2019 : un rare cas de succès public et critique
L’histoire retiendra bien sûr de ce long métrage palmé d’or qu’il est le premier à venir de Corée. Tout comme le fait qu’en remportant quatre Oscar (meilleur film international, meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleur film), son réalisateur, le génial Bong Joon-ho égalisait un record jusque là détenu par Walt Disney!
Mais au-delà de ces reconnaissances cinéphiles, il faut reconnaître qu’il est quasi-impossible de ne pas se laisser séduire par ce diable de film qui refuse de se laisser classer autant qu’il avance sur des chemins connus.
Et pourquoi le film de Bong Joon-ho plaît-il autant partout où il passe? Parce qu’il refuse de choisir et nous convie à un buffet cinéphile irrésistible.

C’est le propre des films de Bong Joon-ho (Memories of Murder, The Host, Okja…) : toujours se tenir sur une patte et oser les bifurcations les plus folles, sans jamais perdre le fil. Cette fois, ce mouvement dans la trame narrative, tout comme dans l’esthétique, prend comme point de départ un ton de comédie, en débutant au sein d’une famille pauvre dont le père en particulier est un puissant ressort comique. Mais la famille riche, en contrepoint de celle-ci et dans laquelle le fils pauvre parviendra à se faire engager, n’est pas vue avec moins d’humour, voire de caricature.
Oui, on rit devant Parasite, mais jaune, ou même noir.
Car le film lorgne aussi du côté des films de Ken Loach en dépeignant une situation sociale coréenne où règnent les injustices et inégalités, tout autant que du côté d’Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda, où la débrouillardise et les entourloupes au système deviennent autant de façons de survivre, observées avec chaleur.

Une famille pauvre, une famille riche, de la jalousie et des arnaques : bien sûr, le polar ne tarde pas à montrer le bout de son nez. Mais Bong Joon-ho montre aussi son amour pour le cinéma de Claude Chabrol en jouissant visiblement à dépeindre les coulisses viciées et étouffantes de la vie bourgeoise, beaucoup moins lisse que le luxueux décor le laisse imaginer. Plus encore : dès les premières minutes, on le devine. Les membres de la première famille se frotteront forcément aux membres de la seconde.
Et sur ce chemin pourtant balisé, Parasite ose alors toutes les surprises, tous les retournements, tous les rebondissements pour mieux nous prendre dans les filets d’un suspense imprévisible, tonique et palpitant. Oui, palpitant, car Parasite a plus d’un tour dans son sac.
Même lorsque l’inimaginable se produit, il ose bel et bien se retourner sur lui-même pour mieux se réinventer et imaginer une nouvelle bifurcation particulièrement brutale et saisissante.
Le plus génial là-dedans? S’il tire 1001 ficelles, fait 1001 clins d’œil, s’il mélange les genres avec une maestria époustouflante, Parasite reste en réalité parfaitement inclassable. Brillant et tragique, loufoque et social, familial et de classe, il est encore une œuvre géniale sur l’illusion parfaite de la liberté. Celle que tous recherchent, mais que ni la condition de classe ni les fortunes ne peuvent réellement acheter.
La bande-annonce (source : YouTube):
