Crise R.H. : plongée glaçante dans le monde du travail

Travailler, c’est trop dur? Oui, surtout quand le harcèlement s’en mêle.
Le cliché est établi : le mot
travailviendrait étymologiquement du latin « tripalium », désignant un instrument de torture. Travail = torture? La rengaine, que tant de travailleurs et travailleuses peuvent confirmer, a aussi été chantée par tant de films.
Ressources humaines, de Laurent Cantet, Carole Matthieu, de Louis-Julien Petit, Up in the Air, de Jason Reitman, Deux jours, une nuit, des frères Dardenne… Le moins que l’on puisse dire, c’est que le monde du travail n’a pas bonne presse au cinéma, qui a souvent pris un malin plaisir à en dévoiler les rouages les moins reluisants.
Crise R.H. (Corporate, dans son titre original français!), premier film réalisé par Nicolas Silhol, s’ajoute à la liste. Et si son constat n’a rien de nouveau – l’entreprise broie l’humain et il y règne une loi du plus fort aussi cynique qu’injuste –, il est dévoilé au fil d’un récit glaçant, empruntant au thriller son sens du suspense (et son dénouement un rien tiré parles cheveux!) et au drame social, son implacable logique d’exploitation.

Ce qui est en jeu dans Crise R.H. est rien de moins qu’une question de vie et de mort : celle que chaque employé et employée d’une entreprise doit se poser après qu’un des travailleurs se soit suicidé sur place, poussé à bout par des mois de « mobilité suggérée », de mise au placard qui ne porte pas son nom, d’évaluations de performance et autres barbarismes. Toutefois, celle qui doit se la poser avec encore plus d’acuité, c’est Émilie (touchante Céline Sallette), gestionnaire des ressources humaines, recrutée pour son profil de tueuse et qui était responsable de cet employé. Sa prise de conscience ne sera que plus vive après le début de l’enquête sur le drame par une inspectrice du travail.
Décors gris et sans âme (le champ de compétence de l’entreprise en question n’est jamais nommé, augmentant encore l’idée de vide, de vacuité), univers oscillant entre le beige et le bleu marine, rigidité des comportements et des mécanismes de travail, angles et langage bureaucratique :
tout le décor de Crise RH évacue symboliquement l’être humain de chaque plan, comme il l’est dans les faits d’un monde du travail où la performance et la rentabilité restent les principaux enjeux.
L’effet est saisissant, mais pas autant que celui causé par le fait de savoir que le cinéaste Nicolas Silhol a entièrement composé ce récit en se basant sur des recherches menées auprès de vraies gestionnaires et inspectrices du travail….
La bande-annonce (source :YouTube)
