The Guilty: écouter le pire

Un homme, un téléphone, un crime... et un polar aussi terrifiant qu'haletant.
Le formidable balado Urgence sur la ligne nous a fait découvrir, par leurs témoignages mêmes, la réalité du difficile métier des répartiteurs et répartitrices du service 911. Concentration constante, sang-froid, écoute : les qualités nécessaires à l’exercer sont nombreuses. Et le contexte dans lequel elles se manifestent offre aussi une matière à fiction formidable.
Car qu’y a-t-il de plus prenant, et de confrontant, que d’entendre une conversation entre une personne dans une situation d’urgence et une autre tentant de lui porter secours uniquement par téléphone?
L’imagination humaine étant ainsi faite qu’il suffit de cela pour qu’elle s’emballe, crée des images, remplisse les trous à son gré.
C’est exactement de cette situation que part The Guilty, saisissant polar à pure dimension humaine, réalisé par le danois Gustav Möller en 2018, et prix du public aux festivals Sundance et de Rotterdam.

Un répartiteur du service 112 (le 911 danois), policier placé là à la suite d’une affaire ayant mal tourné dans la rue, une femme au bout du fil, en pleine détresse qui dit avoir été enlevée, et c’est tout.
D’elle, nous ne verrons aucune image. Quant à lui, il bougera à peine de son poste, casque d’écoute sur les oreilles et bureau sans charme ni personnalité éclairé froidement au néon. La communication sera plusieurs fois coupée, faisant à tout coup monter la tension d’un cran.
Scénarisé avec un sens du rebondissement assez hallucinant – et il en fallait pour ainsi nous tenir en haleine avec un contexte si minimal – et mis en scène avec un goût du gros plan plus que bienvenu (sur l’incroyable visage de l’acteur Jakob Cedergen, tour à tour inquiet, déterminé, découragé), The Guilty est aussi haletant que terrifiant.
Car au cœur de ce film, ce qui se joue également au-delà des apparences, c’est la confrontation entre deux culpabilités dévorantes qui rendent nos deux personnages encore plus fébriles, encore plus émouvants.
Chez un réalisateur aguerri, ce serait déjà épatant (pour l’anecdote, on raconte qu’Alfred Hitchcock rêvait de réaliser un suspense dans une cabine téléphonique!). Mais The Guilty, notons-le, n’est que la première réalisation du jeune Gustav Möller. Si le cinéma danois a, au cours des dernières années, révélé au monde des cinéastes maintenant indispensables (Susanne Bier, Thomas Vinterberg, Lars Von Trier, Nicolas Winding Refn), gageons qu’il vient d‘ajouter un nouveau nom à la liste de ceux qu’il faudra retenir : celui de Gustav Möller.
La bande-annonce (source : YouTube)
