Tout ce qu’il me reste de la révolution: changer le monde ou se changer soi-même?

Comment devenir une parfaite petite révolutionnaire? C'est la question posée par ce premier film.
Militants et militantes, rêveurs et rêveuses, activistes, idéalistes : plus que souvent, le cinéma en a fait ses sujets, les célébrant avec héroïsme et souffle. Ils et elles ont changé le monde, après tout! Mais qu’en est-il de ceux et celles qui arrivent après? Ceux et celles dont les parents sont montés aux barricades, la fleur au fusil, et ont parfois renoncé pour mieux suivre les rails de la société telle qu’elle est (travail – consommation – performance!)? Quel est leur héritage? Leur sort est-il de s’adapter et de trahir?
Tout ce qu’il me reste de la révolution s’intéresse exactement à cela en suivant la jeune Angèle, que l’on rencontre au moment où elle est virée de son emploi d’urbaniste et dont la mère, ex-marxiste, a depuis longtemps quitté sa vie de militante pour se ranger, laissant ses filles croire qu’elle les avait abandonnées, et dont le père, lui, persévère à vouloir un monde meilleur (au prix de sa propre aisance financière, notamment).
Biberonnée au maoïsme et aux grandes idées, Angèle, forcément, a elle aussi la résistance chevillée au corps. Au point d’en être rigide… Mais dans un monde qui scande bien plus facilement flexibilité et rentabilité que liberté, dans un univers où pragmatisme et réalisme dominent, peut-elle encore trouver sa place de future révolutionnaire?

Elle-même ne le sait pas, et si ce premier long métrage de l’actrice Judith Davis (inspiré par son spectacle et qui joue elle-même Angèle avec beaucoup de conviction) ne cherche pas à asséner de réponse, il en propose tout de même deux : la colère et la frustration ne font assurément pas avancer, et l’action – en particulier politique – est bien plus difficile à déclencher que l’on peut penser.
Tonique, ironique et lucide, ce petit film qui fait plus dans la tranche de vie que dans le récit structuré a aussi le mérite de dresser par la bande un portrait d’une acidité rare du monde du travail. Sans chercher à faire vibrer la corde empathique, à produire des déclarations rageuses ou à opposer un humanisme clairvoyant aux affres du monde moderne, il montre surtout des femmes et des hommes rendus fous (et même violents) par ce que le travail – celui où les objectifs ont remplacé le bien-être et le bien commun – impose.
Au milieu de ce marasme, peut-on continuer à croire? Angèle veut s’y accrocher. Mais avec tendresse, Tout ce qu’il me reste de la révolution rappelle aussi cette évidence : et si changer le monde, c’était d’abord accepter de changer soi-même?
La bande-annonce (source : YouTube):
