Suzanne : trois fois une femme

La souffrance au féminin, vue par une cinéaste sincère et fougueuse? À voir absolument sur ICI Télé le vendredi 26 février, à 0 h 54
En 2013, la cinéaste Katell Quillévéré confirmait tous les espoirs placés en elle après son magnifique premier film, Un poison violent. Pour être honnête, elle les dépassait même un peu, en déclinant son geste de cinéma entre le mélo pur, genre qu’elle aurait dépouillé jusqu’à en laisser voir l’os, la chronique sociale jamais insistante et le récit initiatique au triple féminin.

Une cinéaste au regard franc et intègre
Quelque part entre les années 80 et 90, Katell Quillévéré filme un destin. Littéralement. Sur près de 25 ans, elle découpe la vie de sa Suzanne en maîtrisant le rythme au point de transformer le temps en transe, et surtout en refusant tout étalage sentimentalo-vulgaire.
Droit, net, précis, le regard de Quillévéré, fruste peut-être, mais jamais agressif et ponctué de sauts de puce temporels comme de belles respirations, a du panache dans le fond de l’iris. C’est rare.

Une héroïne tragique, sur le destin de laquelle on ne s’appesantit pas
Suzanne est un petit brin de femme que l’on va regarder grandir et s’enfoncer. On ne s’abreuvera pas ses souffrances et on ne pleurera pas à ses déchirements; c'est qu’elle accumule les mauvaises décisions. Presque avec insouciance.
Car le récit de Suzanne a cette intelligence : rappeler qu’une vie, même brisée, c’est autant de bulles de respirations, de complicité partagée (notamment avec sa sœur), de tendresses que les mauvais coups du sort n’effacent jamais tout à fait.

Une actrice dont la lumière ne cesse d’irradier
D’autres auraient peut-être choisi l’interprétation doloriste, hurlante ou ravagée. Sara Forestier (découverte dans L’esquive) fait le contraire. Même dans le pire, elle reste lumineuse, vibrante, bouleversante. Aux côtés de la terrienne et irrésistible Adèle Haenel, Forestier a ce sens des nuances qui fait les grandes, celui qui lui permet de se transformer d’adolescente tonique en femme brisée, en passant par la rebelle exaltée, l’amoureuse passionnée, la mère à bout de souffle.
La roue ne cesse de tourner, nous laissant en admiration devant ce petit brin d’actrice qui révèle à chaque scène une force et une complexité nouvelles et époustouflantes.
Compléments
Suzanne, à voir sur ICI Télé le vendredi 26 février, à 0 h 54. La bande-annonce (source : YouTube)
