Trois influences à repérer dans La carte des étoiles

Satire fascinante du merveilleux monde d'Hollywood, le film de David Cronenberg (sur ICI Télé, le vendredi 29 janvier, à 23 h 05) s'est aussi placé sous trois brillants auspices.
Est-ce un sans-faute? Regarder le parcours de David Cronenberg, de son tout premier film, l’iconoclaste et politique Stereo en 1969, à La carte des étoiles (Maps to the Stars) en 2014, son dernier à ce jour, c’est constater qu’il n’y a, en effet, presque aucun faux-pas dans la carrière du cinéaste canadien.
En observant avec la délectation d’un fauve regardant sa proie une jeune femme au corps et au visage marbré de brûlures, une actrice vieillissante hantée par le souvenir de sa mère décédée, un enfant-vedette irrécupérable et un royaume décadent corrompu par l’appât du gain, de la jeunesse et de la beauté, Cronenberg frappe fort… Comme s’il condensait en un film assez génial tous ses grands thèmes et toutes ses formes, lui qu’on surnomme le cinéaste de la chair. Mais La carte des étoiles laisse aussi la place à trois autres influences.

La touche littéraire avec Bruce Wagner
David Cronenberg n’en était certes pas à son premier flirt avec la littérature, qu’il a visiblement toujours préférée audacieuse et acide. Stephen King (Dead Zone, 1983), William S. Burroughs (Le festin nu, 1991), David Henry Hwang (M. Butterfly, 1993), J. G. Ballard (Crash, 1996), John Wagner (Une histoire de violence, 2005), Don DeLillo (Cosmopolis, 2003) : il les a tous adaptés. Mais pour La carte des étoiles, c’est plus directement qu’il s’est associé au romancier Bruce Wagner (Toujours L.A.), qui est scénariste de cette fable cruelle et féroce.
Ses dialogues d’une ironie cinglante semblent nés pour habiller les obsessions de Cronenberg : la violence, le corps, le fantastique, qu’une mise en scène frontale et précise particulièrement implacable rend encore plus intenses.
La touche culture populaire avec Carrie Fisher
On le sait, l’après-Guerre des étoiles a été, pour celle qui restera pour toujours la princesse Leïa, un rien difficile. Héritant souvent de rôles peu stimulants (malgré une seconde carrière de scénariste plus joyeuse), Carrie Fisher n’avait ainsi rien tourné au cinéma depuis 2009 lorsque David Cronenberg la sollicita en 2014 pour jouer… son propre rôle. Pleine d’autodérision, mais parfaitement à l’aise dans l’univers plus sombre et cruel du cinéaste, elle interprète donc une version d’elle-même qui, ayant noué des liens amicaux sur Internet avec Agathe, une jeune fille de Floride, la présente à Havana, une star hollywoodienne sur le déclin, pour qu’elle devienne son assistante personnelle.
Dans le rôle secondaire, Fisher impose sa présence, non conformiste, charismatique et attachante.

La touche cinématographique avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane?
Impossible de ne pas le voir : La carte des étoiles s’inscrit, à sa façon plus moderne et violente, dans la droite ligne de la satire cruelle des actrices hollywoodiennes que réalisait Robert Aldrich en 1962.
En particulier grâce à l’interprétation à la fois hystérique et bouleversante, réussissant à allier grotesque et grande vulnérabilité, de Julianne Moore dans le rôle d’Havana, et qui, après Bette Davis, porte fièrement le flambeau des actrices qui sont là pour jouer, et non pour faire joli. Logiquement, Julianne Moore, impressionnante, a reçu le prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes en 2014 pour ce rôle.
Compléments
La bande-annonce de La carte des étoiles (source YouTube). Le film est diffusé sur ICI Télé le vendredi 29 janvier, à 23 h 05.
