Démineur : tension, guerre et Oscar historique

Avec Démineur, diffusé sur ICI Télé le dimanche 29 novembre, à 23 h 25, Kathryn Bigelow marquait l'histoire, mais d'autres réalisatrices auraient aussi pu en faire autant.
En 2009, Kathryn Bigelow devenait la première (et seule à ce jour) femme à remporter l’Oscar de la meilleure réalisation. Réparons partiellement l’injustice. Voici, en plus de son film, quatre longs métrages réalisés par des femmes, qui auraient tout autant mérité cette reconnaissance.

Tension et explosion: Kathryn Bigelow et Démineur (2009)
Image chargée de grain, direction photo transmettant la lourdeur d’un climat étouffant même en plein air, découpage des plans et montage qui font ressentir une poussée d’adrénaline, caméra à l’épaule et super 16 mm : le moins que l’on puisse dire, c’est que Bigelow maîtrise la tension comme personne. Suivant une unité de déminage américaine en plein Bagdad, alors que la guerre bat son plein, elle fait de son film un objet viscéral, qui prend aux tripes en nous plaçant au cœur même de cette unité et, surtout, en pimentant son approche documentaire de tout ce qui peut faire le sel des films les plus spectaculaires (angles de prises de vue instables, musique sourde, suspense démultiplié). Une approche du cinéma plus vrai que vrai qui fait du concret et de l’action ses chevaux de bataille.

Sensualité et malaise: Andrea Arnold et Fish Tank (2009)
Quelque part entre l’âpreté sociale d’un Ken Loach et la sensualité trouble d’un Pedro Almodovar, il y a Andrea Arnold. Caméra à l’épaule fébrile, frontalité n’empêchant jamais la pudeur, droiture dans le regard magnifique : Fish Tank n’est pas qu’un film bouleversant sur le mal-être d’une jeune ado britannique tombant dans les filets d’un beau-père pervers, il est un exemple de réalisation aussi maîtrisée qu’incarnée, qui nous fait aussi découvrir une jeune actrice, Katie Jarvis, véritable diamant brut magnifié par la caméra sensible et audacieuse d’Arnold.

Intériorité et rigueur formelle: Lynne Ramsay et You Were Never Really Here (2017)
En travaillant les lumières, les textures et les sons, en n’hésitant pas à provoquer chez son spectateur un véritable choc sensoriel, Ramsay réussit un tour de force dans son plus récent film : celui de faire pénétrer le spectateur dans le cerveau d’un vétéran malade et persuadé de devoir faire justice lui-même. Toutefois, au-delà de la rigueur formelle hypnotique, son long métrage est aussi un exemple de ce qu’un réalisateur doit savoir faire pour réussir son film : la direction d’acteurs, que la cinéaste pratique comme un art en jouant des nuances et des subtilités que son acteur, le stradivarius Joaquin Phoenix, lui donne.

Inventivité et inquiétude: Ana Lily Amirpour et A Girl Walks Home Alone at Night (2014)
Une jeune femme entièrement voilée traverse la nuit de Bad City… Sur cette idée un peu folle, et flirtant avec un féminisme rafraîchissant, la jeune Ana Lily Amirpour façonne une œuvre d’un style enthousiasmant. Noir et blanc velouté sur lequel se créent des images fortes, références constantes (de la musique évoquant Ennio Morricone à l’existentialisme de Jim Jarmusch, en passant par quelques icônes du cinéma des années 50 et 60) : le premier film de la cinéaste témoigne autant d’un ton que d’une forme, pop, séduisante et inquiétante, entre le western, le film de vampire et la romance.

Adolescence et excès: Catherine Hardwicke et Thirteen (2003)
La jeunesse américaine y est vue sous son versant le plus explosif et tragique à la fois. Punk, rude, rentre-dedans, coloré au point d’en être criard, mais que sa mise en scène rend bouleversant et tendre, Thirteen suit les déboires d’une jeune fille intégrant une bande dont la mauvaise influence ne tardera pas à se faire sentir. Inspirée par la vie de sa jeune actrice Nikki Reed, Catherine Hardwicke compose, sans avoir froid aux yeux, un premier film à la fois envoûtant et terrifiant, dont l’éclat et la sauvagerie habitent encore le spectateur plusieurs années plus tard.
Démineur, sur ICI Télé le dimanche 29 novembre, à 23 h 25. La bande-annonce (source : YouTube)
