Gibraltar, ou la recette du bon petit polar

À quoi reconnaît-on un bon polar? Aux ingrédients qu'utilise Gibraltar, diffusé le dimanche 1er novembre, à 1 h 09, sur ICI Télé.
En 2013, le cinéaste français Julien Leclercq signe un polar maritime tendu et sombre, dans lequel un homme ordinaire est forcé de se transformer en indicateur, puis en agent infiltré dans le terrible monde des narcotrafiquants, le tout pour le compte des douanes françaises. Une mission qui, évidemment, se révélera plus compliquée que prévu et par laquelle – comme nous l’avait appris le roi du film à suspense, Alfred Hitchcock – c’est bel et bien l’innocent qui devra souffrir. Mais quels sont donc les ingrédients qu’utilise Gibraltar pour s’inscrire dans la catégorie du "bon petit polar"?

Le réel
Depuis que le film noir est ce qu’il est, un de ses terrains de prédilection est le réel. La preuve? Un nombre incalculable de faits divers est à la source de la plupart des récits criminels. Et Gibraltar, adapté par Abdel Raouf Dafri (scénariste de Mesrine) de l’histoire vraie de Marc Fievet – qui l’avait racontée dans son roman L’aviseur, et qui a d’ailleurs désavoué le film – ne fait pas exception.

Un lieu
Le film ne s’en cache pas : Gibraltar n’est pas un décor comme les autres. Décrivant, dès son générique, diverses données (27 844 habitants; 6,5 kilomètres carrés de superficie, entre l’Espagne et le Maroc, où transite 20 % du trafic maritime mondial… et donc une bonne part de drogue), le film se sert de cet endroit si particulier, au confluent de différentes cultures, pour mieux insuffler au récit une atmosphère de mystère et de réalisme inimitables.

Une masculinité vacillante
Gilles Lellouche en propriétaire de bar et nouveau père perdu qui n’arrive plus à payer les traites de son bateau; Tahar Rahim, toujours bien mis, mais dont les comportements n’ont pas toujours la même élégance; Riccardo Scamarcio en importateur de cocaïne constamment sur le qui-vive; malfrats de tout poil dont la fragilité affleure malgré des physiques de durs à cuire : oui, Gibraltar est un film éminemment masculin. Mais d’une masculinité – fronts ridés et mines basses; mensonges et faux-semblants constants – toujours proche de se casser la figure et de perdre de sa superbe à mesure que l’engrenage se referme.

Une atmosphère
Bien sûr, il y a la mer, celle où l’on peut cacher bien au fond les secrets qui dérangent. Mais il y a aussi la musique, angoissante et judicieusement utilisée; l’harmonie des bruns, ocre et beiges; et, surtout, la photographie nette et en reliefs, qui joue des clairs-obscurs avec un sens de l’artisanat à l’ancienne. Tout cela fait énormément pour l’ambiance de ce petit film au récit parfois tiré par les cheveux, certes, mais dont la noirceur (tant des âmes que des lieux, malgré le fait que l’action se passe bien souvent en pleine carté, à l’extérieur) ainsi que le clin d’œil assumé aux grands polars américains des années 70 ne pourront que ravir les amateurs.
Gibraltar, sur ICI Télé, le dimanche 1er novembre, à 1 h 09. La bande-annonce (source: YouTube) :
