Pourquoi il faut voir L’assistante

Le film, auscultation oppressante du monde du travail dans l'ère Weinstein, sort en salle le 14 février.
Récemment, Scandale (Bombshell) chroniquait avec virulence le harcèlement systémique subi par les femmes au sein de Fox News. C’est au tour de la Weinstein Company, bien qu’elle ne soit jamais nommée explicitement, de recevoir le même traitement, mais avec une puissance incomparable, dans la première fiction de la documentariste australienne Kitty Green (Casting JonBenet).
Alors, pourquoi faudrait-il voir L’assistante?

Parce qu’il laisse place au silence : Dans un monde de bruits, d’opinions, de tweets incessants et de cris de colère, Kitty Green laisse son film dépeindre le travail invisible d’une assistante – celle du grand patron dont nous n’entendrons que la voix au téléphone – en évitant tout spectaculaire pour plutôt chroniquer une atmosphère. Celle du silence, de la complicité forcée, de la terreur insidieuse. Et dans ces grandes séquences de bureau filmées dans des tons froids et doux, tout, absolument tout, peut se lire sur le visage de cette jeune femme, extraordinairement bien jouée par Julia Garner, littéralement prise au piège.
Parce qu’il nous fait prendre conscience de la réalité pré-#MoiAussi : Ce que le film scrute, ce ne sont pas les agressions, les abus, le tumulte. Non, ce sont les moments à côtés, les petites choses subtiles et tragiques que personne ne remarque, mais qui laissent des cicatrices. Comme une jeune femme que l’assistante attend à sa sortie de l’ascenseur pour lui remettre un collier « oublié », ou cette même assistante commençant sa journée de travail en nettoyant un canapé…

Parce qu’il montre très précisément le système de protection des puissants mis en place : Dans une séquence ravageuse, l’assistante décide de se confier au représentant des ressources humaines, bien consciente que ce qu’elle peut observer n’est pas très légitime. La réponse qu’elle reçoit? « Sais-tu combien de jeunes femmes voudraient ta place? », « Tu vas vraiment mettre en péril ta carrière pour du vent? », « Est-ce qu’au fond, tu ne serais pas simplement jalouse de l’attention? »…

Parce qu’il va droit au but : Même si L’assistante manque un peu de résolution et que sa fin semble un rien trop ouverte, voilà bien un film qui réussit, avec très peu de moyens mais énormément de maîtrise, à être ce complément essentiel à ce qui se joue dans notre monde depuis que le mot-clé #MoiAussi est apparu : une véritable immersion, toute en retenue et en sobriété, au cœur de l’enfer mortifère que les femmes, témoins, victimes ou simplement parce qu’elles étaient là, ont pu vivre au sein de cette compagnie de production new-yorkaise.
L’assistante, à voir en salle, le 14 février. La bande-annonce (source : YouTube)
