Louise Archambault : la beauté des autres

La cinéaste dévoilera son troisième film le 13 septembre, un récit émouvant tricoté autour de trois ermites et des idées de liberté et de deuxième chance.
Adapté du roman éponyme célébré de Jocelyne Saucier, Il pleuvait des oiseaux est assurément un des films attendus de cette rentrée cinéma, d’autant plus qu’il réunit trois acteurs d’une solidité à toute épreuve – Andrée Lachapelle, Rémy Girard et Gilbert Sicotte –, et qu’il est signé Louise Archambault, déjà réalisatrice de deux films ayant marqué les esprits, Familia et Gabrielle.
Nous avons rencontré Louise Archambault.
À la lecture d’Il pleuvait des oiseaux, qu’est-ce qui vous a semblé cinématographique?
Louise Archambault : Bien sûr, j’ai été interpellée par l’histoire, mais c’est surtout par la suite, plusieurs mois après, que j’ai réalisé que le roman m’était resté en tête. L’ambiance, les personnages qui portent tous un bagage, mais sans misérabilisme ou sans que ce soit édulcoré, la thématique, l’ouverture sur la différence, sur l’autre, l’ode à l’amour, à la vie… Ça revenait tout le temps dans ma tête et je me suis dit que j’avais vraiment envie de partager ce sentiment-là. Je ne savais pas si c’était casse-gueule, mais je savais que je le voyais, je voyais les images.
Peut-être parce qu’à la lecture, je sentais bien qu’il y avait quelque chose de plus grand que moi dans cette histoire. Dans cette forêt, on devient forcément humbles!
Puis, c’est aussi un récit qui fait du bien, et je trouve qu’on est dans une ère où l’on est parfois cyniques. Tendre la main vers l’autre et la différence, ça fait du bien, sans pourtant que ce soit juste gentil, parce que le côté brut des éléments, de la nature, mais aussi des personnages qui restent authentiques ressort bien. Cette lueur d’espoir, ce côté « peu importe ce que tu as vécu, ouvre-toi aux autres parcours possibles » me parlait.

Est-ce que le choix des acteurs s’est fait immédiatement? Réunir Rémy Girard, Gilbert Sicotte et Andrée Lachapelle, c’est comme conduire trois Rolls en même temps!
L. A. : Pendant l’écriture, j’avais Andrée Lachapelle en tête, parce qu’elle a quelque chose d’angélique, d’évanescent, une grâce. Je voulais une actrice capable d’interpréter ce personnage naïf, enfantin, mais qui au fil du récit voit une force et une assurance naître en elle. Quand on l’a approchée, on a appris qu’elle offrait ce roman qui l’avait bouleversée à tous ses amis! Et elle ne voulait plus jouer, mais elle a décidé de tout de même faire ce dernier rôle, son chant du cygne. Et je lui en ai demandé beaucoup : aller dans le bois, dormir dans des habitations monacales, faire du quatre-roues, de la chasse, de la pêche… Elle s’est donnée à 400 % sans jamais se plaindre, malgré les défis, et avec une énergie incroyable! C’est une femme que j’admire énormément, tant sur le plan personnel que professionnel. J’ai voulu qu’elle ait du plaisir.
Gilbert, je l’avais en tête depuis un moment aussi. Il avait joué dans la série que j’avais réalisée, Catastrophe, un homme qui souffre d’alzheimer. Je l’avais trouvé tellement généreux et le fun. Il était un peu jeune pour le rôle, mais je voulais retravailler avec lui. Puis, quand je l’ai vu dans Le vendeur [de Sébastien Pilote], tellement transformé, j’ai su qu’il n’y aurait aucun problème. Je voulais quelqu’un avec du charisme, quelqu’un de fort, de calme.
Pour Rémy, ça a été plus long. Je tenais à trouver un acteur qui peut chanter et jouer de la guitare, parce que ces moments musicaux témoignaient aussi de la sensibilité, de la vulnérabilité, de l’intériorité de cet homme plus bourru, qui ne parle pas de ses émotions. J’ai même pensé à des chanteurs, comme Plume Latraverse, qui est aussi un excellent acteur, mais rien ne fonctionnait.
Finalement, Rémy m’a envoyé deux chansons guitare-voix, de Tom Waits et de Richard Desjardins (qui est dans le film) et je me suis dit : « Mais il est bon, le p’tit maudit! » (rires).
Je lui ai envoyé le scénario, il m’a dit : « C’est le rôle de ma vie. Je veux le faire. » Je l’imaginais plus vieux, plus maigre, mais il m’a dit : « Le bois, c’est moi. J’adore la forêt, je peux passer des jours là, j’y suis bien et je comprends le personnage. »

La façon dont vous filmez les corps de ces acteurs est très touchante.
L. A. : Je voulais qu’ils soient beaux, magnifier le moment et eux. Bon, pendant le tournage, notamment pendant la scène d’amour, j’étais comme une vendeuse d’encan : « Ok, ok, ok, mets ta main là, va à droite, va à gauche… » (rires) Mais je voulais vraiment qu’ils soient beaux. En y pensant, c’est la première fois que je me dis qu’il y a peut-être un lien. Plus jeune, à l’université, je suivais des cours en dilettante de dessins et de peintures avec des modèles vivants. C’est là, je crois, que j’ai appris à voir les lumières, les ombres, la beauté, peu importe les corps. Là, j’avais envie que ces corps se désirent. Qu’on ressente que c’est le fun de toucher et d’être touché. Puis, les codes de société nous ont inculqué des choses fausses. Comme dans Gabrielle, où l’on a combattu cette idée qu’on ne peut pas voir des handicapés faire l’amour… Mais ça ne marche pas! Ce ne sont que des humains, qui ont envie d’aimer et d’être aimés.
Dans Familia, vous suiviez une femme plus marginale, dans Gabrielle, une jeune femme handicapée, et là, des ermites. D’où vous vient cet intérêt pour ceux qu’habituellement le cinéma ne choisit pas comme héros de premier plan?
L. A. : Je ne sais pas (rires). Visiblement, je suis interpellée par la différence. Je suis aussi en train de finaliser les épisodes de la série Trop [voyez les épisodes de la série sur ICI Tou.tv Extra], qui suit une jeune femme atteinte d’un trouble de santé mentale. Peut-être que je veux tendre la main vers l’autre, parce que je crois qu’on a tous à apprendre l’un de l’autre, moi la première, mais je fais toujours attention d’essayer de faire des films avec, et pas autour de… Quand je pense à Gabrielle, tous les acteurs m’ont tellement appris sur l’humain, la vie, et je pense, de ce qu’ils me disent, que c’est réciproque. Je trouve ça beau.
Puis, les nouvelles, les médias font que tout a l’air noir, tout a l’air d’aller mal tout le temps, mais on ne donne pas assez d’espoir, je trouve. On voit les problèmes d’anxiété, de dépression, de suicide… Mais est-ce qu’on peut essayer aussi de tendre la main et de donner de l’espoir? De revenir à l’humain, à ce profond désir et besoin d’aimer et d’être aimé.
Si je pense au personnage d’Andrée, c’est un peu ça. Elle se fait dire : « Tu as le droit d’exister, d’aimer, d’être ce que tu es, même si ce n’est pas parfait, et non, ce n’est pas trop tard. »
Il pleuvait des oiseaux, en salle le 13 septembre. La bande-annonce (source : YouTube)
