Le trésor d’ICI Tou.tv : Mademoiselle de Joncquières, d’Emmanuel Mouret

Chaque vendredi, nous vous faisons découvrir un petit bijou de la programmation cinéma d'ICI Tou.tv.
L’amour, le désir, la séduction… Bien sûr, ces sujets sont inépuisables. Mais Emmanuel Mouret, lui, en a presque fait une obsession, les abordant constamment (L’art d’aimer, Fais-moi plaisir, Caprice…) en modulant avec art ses vibratos et ses élans, mais toujours sous le prisme d’une passion qui inéluctablement s’abîme dans le quotidien et la routine.
Et comment se renouvelle une obsession? En changeant de décor, semble répondre son plus récent film, Mademoiselle de Joncquières, où le cinéaste français plonge certes encore une fois dans les eaux troubles des passions amoureuses, mais aussi dans une version historique et en costumes, une première pour lui.
Adaptant un extrait de Jacques et le fataliste, de Diderot, Mouret nous embobine en effet cette fois grâce à Mme de la Pommeraye, veuve, qui finit par céder, après des mois de cour, aux avances du marquis Arcis, libertin assumé. Ce qui devait arriver arrivera, puisque ledit marquis, après deux ans, lui brisera le cœur, ce qu’une femme de son tempérament ne peut accepter sans se venger.

Non, Mouret n’a pas les moyens des grandes fresques historiques où les décors et la direction artistique épatent par leur précision et leur naturel. Et oui, son naturalisme épuré presque à l’excès et sa photographie un peu blanche, malgré des costumes magnifiques – d’ailleurs récompensés par un César en 2019 –, accentuent paradoxalement l’artificialité un peu terne de la reconstitution.
Un problème? Pas vraiment. Car Mademoiselle de Joncquières trouve ailleurs, et sans peine, sa modernité et sa vérité grâce à une écriture formidable, rendue merveilleusement vivante par des comédiens inattendus (Edouard Baer et Cécile de France, habituellement plus utilisés pour leur fraîcheur et leur contemporanéité). Mais aussi, et peut-être surtout, grâce à l’atemporalité de son propos.
Car si Mademoiselle de Joncquières évoque les tourments du sentiment, il le fait en épousant une perspective résolument contemporaine : celle de la vengeance au féminin, rendue d’autant plus complexe qu’elle se fait au nom de l’honneur des femmes… au détriment d’une femme! C’est un angle particulièrement bien choisi en ces temps de #MeToo où la revanche des femmes fait peur autant qu’elle galvanise.
Complexe, ambivalent, pudique aussi (le sens des ellipses de Mouret est admirable), ce conte moral sans une once de manichéisme et qui force à la réflexion a en outre l’intelligence de rejouer la partition des Liaisons dangereuses, le souffre et le stupre en moins, la dimension humaine en plus. Vive l’amour, à n’importe quelle époque!
Découvrez Mademoiselle de Joncquières sur ICI Tou.tv Extra. La bande-annonce (source : YouTube).
