Anne Émond et sa Jeune Juliette

Le film de la cinéaste sort en salle vendredi 9 août
Le secondaire, une jeune fille « enrobée » – comme le dit gentiment son père –, une meilleure amie avec qui elle adore trouver tout poche, un garçon qui la fait rêver, quelques mots en surimpression à l’écran et l’été qui arrive : voilà les ingrédients qu’a touillés Anne Émond pour s’aventurer du côté de la comédie d’ado dans son quatrième film. Nous l’avons rencontrée.
Après Nuit #1 ou Nelly, des drames assez intenses, c’est assez étonnant de vous voir aller vers une comédie…
Anne Émond : Je crois que j’en avais inconsciemment besoin après Nuit #1, Les êtres chers et Nelly, trois films très denses. Particulièrement Nelly. Ça m’a pris du temps à m’en remettre, de baigner dans cet univers-là aussi longtemps. En même temps, ça s’est fait naturellement aussi. Je ne me suis pas dit : « Je vais faire une comédie pour le fun. »
Quand j’étais plus jeune, je pesais 75 livres de plus que maintenant, mon corps était différent et je me suis toujours dit qu’un jour, j’allais en parler
Au fil des années, j’ai pensé que ça pourrait être un drame, à la 1:54, mais je me suis ravisée. La meilleure façon d’en parler, c’était par l’humour et la légèreté, parce que des fois, ça se termine bien! Quand je repense à cette période, je ne suis pas traumatisée. Je suis devenue une jolie femme avec plein de potentiel, et c’est le cas de bien des gens. Ce n’est pas parce que tu n’es pas à ton meilleur à 14 ans qu’à 25, ça ne va pas aller mieux.

Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’adolescence? Au-delà de la comédie, on voit, dans votre film, beaucoup de solitude et de cruauté…
A. É. : Il y a une partie de moi qui a eu envie de revisiter ma propre adolescence. J’avais une seule amie, j’étais grosse, ce n’était pas facile. En même temps, j’avais une grande vie intérieure et je me racontais bien des histoires, comme Juliette. Mais j’étais low profile [effacée], quand on m’écœurait, je ne répondais pas, je devenais toute rouge et je m’en allais. Juliette, elle, répond, elle a de la répartie, de la personnalité.
Sans rire, c’est un peu comme une revanche, ce film!
C’est un peu bébé, mais il y a eu un peu de ça (rires). Je me souviens bien de quelque chose qui m’est arrivé. Ma seule amie, en secondaire 1, était restée à la maison, malade, et j’étais à l’agora, en bas des marches, seule. Je lisais un gros livre. Un gars est arrivé et m’a donné un coup de pied, mon livre a revolé. Je me souviens de l’état dans lequel ça m’a mise, mon cœur a débattu. Et mon grand frère, qui était vraiment gentil, m’avait dit : « Va lire à la bibliothèque si tu veux lire, mais pas là, tu vas te faire niaiser, c’est sûr. » C’est tellement cave! Mais ça arrive, ça existe. Oui, il y a de la cruauté, de la méchanceté. Je sais qu’Alexane [l’actrice du film] a dû changer d’école, par exemple.
Parlant d’Alexane Jamieson, comment l’avez-vous trouvée?
A.E.: Le choix de l’actrice était vraiment une grosse décision. Ça a été difficile. Il y a eu beaucoup d’auditions. On a même essayé de faire du casting sauvage à La Ronde et au Dairy Queen. Mais sans exception, toutes les filles de 15 ans disaient non. C’est normal. Qui veut être choisie parce qu’elle est ronde? Alexane était dans une agence, elle avait fait un peu de télé, de théâtre, et j’ai senti qu’elle pouvait le faire. Parce que je lui ai dit : « Il va falloir que tu montres ton gras, que tu te fasses insulter... » et elle me répondait : « Je suis déjà passée à travers tout ça! » J’ai senti que ça ne la détruirait pas, faire ce film, au contraire. J’avais des doutes, parce que si je la trouvais très bonne, je pensais qu’elle devait être plus grosse. On l’a fait engraisser un petit peu, avec une nutritionniste.

Au nombre de vos collaborateurs et collaboratrices, on trouve le directeur photo Olivier Gossot. C’est son premier long-métrage, mais on avait pu voir son travail dans Fauve, le court de Jérémy Comte nommé aux Oscar…
A.E.: Pour ce film, j’ai eu envie de m’entourer de jeunes. Les Louanges fait la musique. L’équipe, c’est toute une bande de jeunes. Je voulais ça parce que je pensais que ça allait amener une super énergie au film. Tous les courts que je voyais depuis 3 ans et que je trouvais beaux, c’était Olivier Gossot au générique. On s’est rencontrés et c’était parfait. Pour vrai, je ne peux plus imaginer faire un film sans lui! Ça a été une magnifique collaboration. Jeune Juliette, ce n’est pas le film pour briller au niveau de la direction photo et il a accepté tout le côté low key [sombre] du film. On a tourné en 35 mm pour avoir une image un peu vintage, avec du grain.
Et puis, on tournait à Rosemère dans la lumière du mois d’août avec des ados pas à leur meilleur : ça ne pouvait pas être plus laid (rires). Le 35 mm nous donnait un cachet, une chance pour pas que ça ait l’air d’un vidéo corporatif de Laval!
Une dernière petite question : que diriez-vous aujourd’hui à l’adolescente que vous étiez?
A.E. : Je lui dirais : « Ça ne va pas toujours être comme ça! Mais en même temps, garde ça, tes fabulations. Entretiens ton imagination débridée! »
Jeune Juliette, en salle le 9 août. La bande-annonce (source : YouTube)
