4 films-chocs à découvrir aux Rencontres internationales du documentaire

Le festival consacré au documentaire se tiendra à Montréal du 9 au 19 novembre. Nous avons déniché quatre pépites dans sa programmation
Le réel sous toutes ses formes. Dans des œuvres qui le transforment, le révèlent, le font résonner en nous. Le documentaire, plus qu’un similireportage, fait du vrai sa matière première pour mieux nous aider à comprendre et à maîtriser le monde qui nous entoure. C’est lui que les 20es Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) célèbrent.
Au sein des 142 films qui composent la programmation cette année, nous avons retenu 4 films phares, aussi percutants qu’émouvants.

La parole libérée
Elles sont ingénieures, traductrices, comédiennes… Elles vivent en France ou en Belgique. Et elles sont toutes noires. Par un dispositif ultrasimple (entrevues sur le modèle têtes parlantes, montage rapide, sans musique), Amandine Gay a récolté leurs observations, nombreuses et riches, sur ce qu’est être une femme noire dans nos sociétés occidentales. À mille lieues de l’expression toute faite pour les manchettes de journaux, le racisme s’incarne alors dans leurs récits, touchant autant l’enfance que l’emploi, la sexualité que l’apparence, la dépression que la religion, et illustrant à toutes les étapes de leur vie une discrimination, réelle ou symbolique, qu’elles ont pu subir. D’une lucidité implacable, suscitant une émotion aussi forte que la réflexion qu’il provoque, Ouvrir la voix fait honneur à une des plus belles fonctions du documentaire : faire connaître la réalité d’une expérience humaine. Un coup de cœur.

L’enfance en danger
Si le sigle DPJ est connu de tous, rares sont ceux qui savent exactement ce que les travailleurs de la Direction de la protection de la jeunesse font et voient. Ados en fugue, bébés secoués, consommation de drogue ou d’alcool, abus, problèmes de santé mentale… Durant un an, alors que la DPJ prenait en charge 486 enfants (dont 52 % ont été placés), Guillaume Sylvestre (Secondaire V, Sauvage) a pu les suivre, dans la plus pure tradition du cinéma direct (sans commentaire ni entrevues, montage réduit au minimum), dans les domiciles ou les foyers, au tribunal ou dans leurs bureaux face à des parents défaillants et des enfants perdus (dont les visages sont évidemment floutés). Sans que DPJ le manipule, le cœur se serre vite devant ces situations iniques, intenables, et devant les décisions, parfois cornéliennes, qui doivent être prises. Délicat mais lucide, franc mais sans misérabilisme, le film donne alors aussi à voir toute la patience, l’écoute et la compréhension dont ces hommes et ces femmes doivent faire preuve au quotidien, alors que chacun de leurs choix modifie profondément le destin des jeunes dont ils s’occupent. Le réel dans ce qu’il peut avoir de plus difficile et de plus touchant.

Les femmes dans l’œil du cyclone
« Si tu pars, qui va nous aider? » crie une première, au bord des larmes. « Emmène ma fille avec toi, au moins elle sera en sécurité », ajoute une autre en désignant sa petite fille haute comme trois pommes. Les habitantes de Bukavu, en République démocratique du Congo sont désespérées, car la colonelle de police Honorine, chef de la brigade contre les violences sexuelles et pour la protection de l’enfance, qui, jusque-là, les aidait à faire face à leurs insupportables quotidiens, est mutée à Kisangani. Mais ailleurs aussi, la situation est triste et violente à pleurer. Et la policière doit toujours entendre les mêmes horreurs, doublées de cicatrices laissées par la guerre, et répéter les mêmes mots, ceux qui aident les victimes à briser le silence et à trouver la détermination et le soutien nécessaires pour porter plainte. Dans un geste de cinéma direct renversant, particulièrement ces temps-ci, en étant aussi intime que politique, le cinéaste Dieudo Hamadi (Examen d’État) refuse de baisser les yeux devant la cruauté, mais fond aussi dans son regard une lueur d’espoir : celle que savent insuffler des femmes comme Maman Colonelle, aussi courageuse que forte, aussi solide qu’inspirante.

L’inhumanité dans les yeux
En 1981, Issei Sagawa, étudiant japonais en littérature comparée à Paris, tue et dévore, après l’avoir démembrée, une jeune Hollandaise avant d’être jugé mentalement irresponsable et de retourner au Japon. Aujourd’hui malade et plus qu’affaibli, pris en charge par son frère qui mutile régulièrement son propre bras droit, il se raconte par bribes troublantes, éprouvantes, inquiétantes. Si avec Leviathan, en 2012, Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor avaient épaté en montrant l’expérience de la vie sur un chalutier en haute mer, ils poussent dans Caniba une coche plus loin leur cinéma immersif, fait de plans ultradécoupés, de très gros plans sensoriels, de séquences hors foyer déstabilisantes. Car cette fois, le mouvement a presque disparu, la brutalité s’est invitée dans chaque plan, et c’est un homme dont l’humanité nous échappe constamment qu’ils nous font approcher, comme l’on s’approcherait d’un monstre terrible. L’expérience, évidemment hors du commun, choquante et étouffante, fait frissonner. Comme seul le réel le peut véritablement.
En plus
La programmation des 20es RIDM