Ce que Régis Labeaume et Pierre-Yves Lord pensent vraiment de Québec

« Ça prenait bien la métropole pour réunir deux gars de la capitale! » Effectivement, même si Régis Labeaume et Pierre-Yves Lord habitent tous les deux Québec – leur ville adorée –, ils ne se rencontrent que très rarement. C’est dans un restaurant montréalais à L’autre midi de la table d’à côté qu’ils brisent la glace en abordant, avec franchise et émotion, les réalités entourant l’adoption, l’identité, le racisme et la vie politique.

La ville de Québec tatouée sur le cœur
Pour l’ancien maire de Québec Régis Labeaume et l’animateur Pierre-Yves Lord, Québec est une oasis de tranquillité qui leur permet de se sentir bien chez eux lorsqu’ils y sont. Ils partagent aussi le même sentiment par rapport à ce lieu : « C’est un gros village! »
Les deux invités reconnaissent toutefois que cette ville manque parfois de mixité. « C’est une ville blanche, d’obédience judéo-chrétienne et parlant français, [avec des gens] tous habillés en Simons », affirme avec une pointe d’humour Régis Labeaume. Pierre-Yves Lord est du même avis, mais selon lui, il y a 20 ou 30 ans, il n’aurait pas été possible de tenir ces propos, même s’ils étaient d’une criante vérité.
On était com-plex-és, ça nous faisait chier d’être la petite ville; on avait le complexe montréalais… qu’on a perdu parce que maintenant, on s’en tape.
Selon l’ancien maire, lorsque les radios poubelles ont perdu leur influence sur la population et que les gens ont repris le dessus, les choses se sont calmées et la ville en a profité.
L’absence de modèles noirs pour Pierre-Yves Lord
Est-ce que le fait d’être Noir dans une ville blanche a fait en sorte que Pierre-Yves Lord s’est révolté dans sa jeune adolescence? À cette question que lui pose Régis Labeaume, Pierre-Yves Lord répond que c’est une réalité qui a assurément nourri sa colère. Né en Haïti et adopté à l’âge de 11 mois, il a grandi dans une famille aimante, mais sans modèle noir sur qui se fier.
Je n’avais pas de grand frère haïtien pour m’expliquer c’est quoi être Black et rentrer au secondaire. Je n’avais pas de tante pour m’expliquer comment me débrouiller pour faire ma place dans un milieu où on va vouloir jouer du coude avec moi sur ma différence.
Pour contrer cette absence, c’est plus tard dans sa vie de jeune adulte que Pierre-Yves Lord s’est bâti une représentativité inspirante et à la carte
pour pouvoir affirmer son identité. De son côté, étant lui-même papa d’une fille adoptive, Régis Labeaume est très sensible à cette question identitaire : « Je me suis déjà dit que si j’étais un Noir à Québec, puis que j’avais 16 ans, il est bien possible que je crisserais le feu à une couple de chars. »
Faire de la politique autrement
En politique, Régis Labeaume est comme un poisson dans l’eau. Il considère sa carrière comme une revanche sur la vie, puisque de son point de vue, ses parents ne l’ont jamais encouragé à persévérer dans ses études et à se projeter dans un avenir professionnel florissant. Pourtant, dès le début de sa carrière, il savait qu’il voulait être maire et qu’il utiliserait sa position de pouvoir à bon escient, pour servir sa communauté.

Toutefois, M. Labeaume a un regret, celui de ne pas en avoir fait assez pour rapprocher les communautés culturelles. Il est aujourd’hui préoccupé par la montée du racisme partout dans le monde, notamment au Québec. Selon lui, alors que la classe politique devrait paver la voie aux générations futures pour favoriser la mixité, elle l’utilise pour gagner des votes. Cet opportunisme le révolte.
Il va falloir qu’on se parle. On ne peut pas avoir Montréal d’un côté et le reste du Québec de l’autre. On ne peut pas faire encore 25 ans comme ça. Les leaders ont la responsabilité d’ouvrir la discussion [entre les communautés].
Il reste convaincu, tout comme Pierre-Yves Lord, que l’espoir réside dans les générations à venir et qu’on doit poursuivre la lutte contre la xénophobie et le racisme.
L’autre midi à la table d’à côté, dimanche à 20 h sur ICI Télé