Pas question pour les vieux de retourner dans le placard, selon Dany Turcotte

« Il y a différentes nuances de placard », lance Dany Turcotte, commentant la réalité des personnes aînées des communautés LGBTQ+. À cause de la marginalisation liée à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, sont-elles condamnées à vieillir seules? Seront-elles obligées de retourner dans le placard lorsqu’elles se retrouveront en résidence? Nous avons discuté avec Dany Turcotte de son premier documentaire, Le dernier placard : vieillir gai, réalisé par Christian Lalumière.
Un texte de Lisa Marie Noël
C’est un sujet qui lui trottait dans la tête depuis longtemps. Vieillir homo ou vieillir hétéro, est-ce différent?
Beaucoup de gens s’empêchent d’être eux-mêmes et restent semi-placardés par leurs craintes. Ils ont tellement eu de traumatismes dans leur vie. Ils ont peur de se faire intimider et ont peur de la réaction des autres, alors que ça ne serait probablement pas si pire que ça.
Les séquelles de l’exclusion et de l’isolement que ces hommes et ces femmes ont subis dans leur parcours sont réelles. On peut comprendre leur réticence à s’exposer, surtout en situation de grande vulnérabilité. Ces personnes ont vécu à l’époque où, jusqu’en 1990, être gai ou lesbienne était considéré comme une maladie mentale qu’il fallait soigner. Ça laisse des marques.
Regardez le documentaire
Le dernier placard : vieillir gai, jeudi 6 avril à 21 h
Le documentaire sera en ligne ici après la diffusion.
« Au départ, je pensais que les vieux allaient en résidences et retournaient dans le placard. Ça existe, mais il n’y a pas juste ça. J’ai compris qu’il y a toutes les nuances de placard. [...] C’est le fun de voir que ce n'est pas tout le monde qui va dans des résidences; il y a beaucoup de façons alternatives de vieillir », dit Dany Turcotte. Dans son documentaire, il visite une résidence dont 50 % de la clientèle est gaie et rencontre des ex qui ont décidé de vivre leur vieillesse en colocation de même qu’un groupe de femmes tissées serrées qui demeurent solidaires.
Le placard institutionnel
Ce n’est pas nécessairement les personnes aînées qui sont homophobes. Les établissements ont peut-être un peu de travail à faire.
Dans le documentaire, Julien Rougerie, de la Fondation Émergence, mentionne avoir contacté 1500 résidences pour personnes âgées au Québec pour leur proposer la conférence « Pour que vieillir soit gai », un programme de sensibilisation des milieux pour personnes âgées offert par la fondation.

Aucune n’a répondu favorablement sous prétexte qu’elles n’hébergeaient pas de personnes de la diversité sexuelle. Ce qui est pratiquement impossible, plaide Dany Turcotte. Ces gens retombent dans l’invisibilité. C’est un réflexe de ces générations-là pour se protéger…
, se désole-t-il.
Hommages aux générations pionnières
Dany Turcotte avoue que vieillir l’inquiète. Malgré tout, il ressort rassuré de cette expérience. Son sentiment de gratitude et de respect pour les générations qui l’ont précédé est encore plus grand.
Ce sont des gens qui ont sacrifié beaucoup de leur vie pour qu’on ait des meilleures vies, nous. Pour plusieurs personnes, ç’a été laborieux, ç’a pris 40 ans ou 50 ans pour dire qu’elles étaient gaies!
Dany Turcotte a dédié ce documentaire à Laurent McCutcheon, grand militant des droits des communautés LGBTQ+ décédé en 2019. « C’est lui qui m’a embarqué dans la lutte militante. Au début, je ne voulais pas du tout quand j’ai fait mon coming out à Tout le monde en parle. Il m'a convaincu qu’il avait besoin d’aide. Il m'a dit qu’il avait besoin de modèles. J’ai compris qu’effectivement, ça prenait des modèles. Moi, je n’en avais pas eu… »
Par ce premier documentaire – et il a plusieurs idées pour continuer –, Dany Turcotte a le mérite de mettre en lumière des réalités souvent méconnues. Je pleure chaque fois que je l’écoute. Ça m’émeut beaucoup
, dit-il.
Le mot "fierté" n’a pas été choisi pour rien.

« Je veux que le documentaire rejoigne les plus jeunes pour qu’ils sentent d'où on vient et pourquoi on appelle ça la fierté gaie. [...] C’est parce que tu pars de la honte, de l’indignité, du mépris, du rejet, et tranquillement tu gagnes ta place au soleil. Être dans la rue avec ton conjoint ou ta conjointe, dans la fête de la fierté gaie, ça veut dire beaucoup. »
Idée originale et animation : Dany Turcotte
Musique : Ariane Moffatt
Réalisation et scénarisation : Christian Lalumière
Production : Productions Bazzo TV

Compléments :
- Entrevue de Dany Turcotte à Tout le monde en parle
- Récit numérique Solo | Dany Turcotte – Tu me manques, maudit fou!
- Entrevue : Dany Turcotte et l’année qui a tout changé
- Documentaire Renaître, qui présente la vie de cinq personnes immigrantes gaies ou lesbiennes
- Balado | Le Village : meurtres, combats, fierté
- Entrevue | Des thérapies de conversion auraient lieu à Montréal, malgré leur interdiction
- Documentaire Vieillir autrement