Michel Jean et son roman Kukum : raconter, expliquer et émouvoir

Avec son roman Kukum, Prix littéraire France-Québec 2020, le journaliste et auteur innu Michel Jean raconte les conséquences de la vie sédentaire imposée à son peuple et comble les lacunes de nos cours d’histoire.
Un texte de Carmen Bourque
La vie sédentaire forcée
Kukum, qui veut dire grand-mère
, s’inspire de la vie de l’arrière-grand-mère de l’auteur, Almanda, une femme blanche qui a choisi d’adopter le mode de vie de la communauté innue en épousant à 16 ans Thomas Siméon.
Ce que je voulais vraiment raconter, c’était la sédentarisation forcée des Autochtones. Les gens ne savent pas comment ça s’est fait. On pense en général, au Québec, que les Autochtones ont toujours vécu sur les réserves. […] Ça ne fait pas 200 ans. […] C’est arrivé au 20e siècle.

Connaître l’histoire pour mieux se comprendre
Michel Jean déplore notre méconnaissance de l’histoire et la tient en partie responsable de l’incompréhension entre les Autochtones et les non-Autochtones :
Au Québec, l’histoire, ça commence en 1492 avec Christophe Colomb et en 1534 avec Jacques Cartier. Mais avant ça, ça n’existe pas, l’histoire du Canada. Pourtant, les gens étaient là depuis 15 000 ans. Il y a quand même quelque chose à dire, il me semble.
Après la parution d’un roman précédent, Le vent en parle encore, qui traite des pensionnats autochtones, une jeune femme de 18 ans lui a écrit :
Monsieur Jean, je vous remercie d’avoir écrit ce livre-là, parce que moi, les ex-pensionnaires, je ne les aime pas. Maintenant, je comprends pourquoi ils sont comme ça.
S’assimiler pour survivre
L’auteur regrette de ne pas savoir parler la langue de ses ancêtres. Lorsque sa mère, une Innue, a marié son père, un Blanc, elle a dû quitter sa communauté et a perdu son statut d’Autochtone. Les grands-parents de Michel Jean ont vécu la même situation. Leur réflexe a été de s’assimiler.
Toute ma jeunesse, je me suis posé plein de questions. J’étais très proche de ma grand-mère Janelle. […] C’est une blessure de plus de ne pas savoir sa langue. J’aurais aimé ça aussi [apprendre] plein de choses dans le bois. J’ai été dans le bois avec ma grand-mère, elle m’a montré comment trouver la racine de savoyane. C’est comme une petite partie de ce que j’aurais pu apprendre. C’était comme des questions sans réponse en moi et qui vont rester, d’une certaine manière, sans réponse.
Toucher le cœur avec la littérature
L’auteur croit profondément que les romans sont la porte d’entrée idéale pour expliquer ce qui est inconnu et toucher le cœur :
Quand tu prends un roman, tu racontes une histoire. […] Les gens vivent les émotions à travers les personnages. Tu n’as pas besoin de les convaincre. Ils ressentent. Ça, c’est la grande force de la littérature. On rejoint moins de gens qu’en télé, mais les gens qu’on rejoint, on les rejoint d’une autre manière.
Pleurer devant la télévision
Michel Jean rappelle qu’il est le seul journaliste autochtone qu’on peut voir à la télé au Québec, et souligne l’importance pour les jeunes de savoir que leur vécu est digne d’intérêt.

Quand j’ai vu Natasha Kanapé Fontaine dans Unité 9, j’étais dans mon salon et je pleurais. Je me disais : “Wow, c’est quand même extraordinaire.” Une comédienne autochtone, qui joue le rôle d’une Autochtone, dans une grande série populaire, moi, je trouve que c’était génial. Le problème, c’est que les Autochtones ne sont pas présents dans l’espace public.
Regarder l’entrevue avec Michel Jean à Tout le monde en parle :
Tout le monde en parle, dimanche 20 h