Isabelle Racicot : « Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans un monde d'inégalités »

Isabelle Racicot le dit d'emblée dans Pour mes fils, mon silence est impossible, il s'agit de la réalisation la plus personnelle qu'elle a faite en 20 ans de carrière. Son documentaire a été un exercice difficile, motivé par sa volonté de voir ses fils grandir dans un monde plus égalitaire.
Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans un monde d'inégalités. Je ne veux pas qu'ils sentent qu'ils doivent travailler deux fois plus fort que leurs collègues blancs pour avoir les mêmes possibilités. Je ne veux pas que ça prenne deux fois plus de temps pour eux d'avoir une promotion alors qu'ils le méritaient bien avant. Je ne veux pas qu'ils sortent de la maison et se fassent arrêter pour aucune raison.
– Isabelle Racicot

Celle qui a l'habitude de mettre les autres en lumière ouvre la porte de sa maison, nous montre sa famille (Justin, Christopher et Donald) et ses amies. Elle se montre forte et tout en émotions. Elle tient à poser des gestes concrets pour que s’opère un changement de mentalité.
Tu travailles sur ton documentaire depuis quelques mois déjà. Comment te sens-tu alors que tu le présentes enfin?
Je suis fébrile, nerveuse et excitée. Je ne peux pas être plus vulnérable que ça. Ce n’est pas l’animatrice qui le présente, mais la mère en moi. Donc, c’est sûr qu’il y a quelque chose qui m’effraie un peu, car je n’ai pas tendance à faire ça. En même, j’adore les intervenants et intervenantes qui sont dans ce documentaire. Ils sont extrêmement pertinents. Ce sont des gens qui ont réfléchi beaucoup sur le sujet et ils sont éclairants. Je veux qu’on les entende davantage.
Qu’est-ce qui t’agace, par exemple des choses que tu n’as pas pu dire ou des gens que tu aurais voulu rencontrer?
Le documentaire dure 47 minutes. Moi, j’aurais pris une heure avec chacun des intervenants. Je les trouvais enrichissants, pour moi et pour ma quête. Il y a plein de gens que j’aurais voulu rencontrer. J’aurais aussi aimé explorer la santé mentale, le syndrome post-traumatique de l’esclavage et le silence; pourquoi on garde le silence parfois...

As-tu regardé ton documentaire en famille? Si oui, quelles ont été les réactions de tes proches?
Oui! On l’a écouté en famille, et mon mari s'est mis un peu chic pour le visionnement à la maison. Il est adorable! Depuis le début, mon mari me disait que j’étais capable de faire un documentaire qui allait bien vulgariser la situation et ouvrir la conversation sur le racisme. En même temps, il avait une grande inquiétude pour moi, car c’est un sujet très polarisant. Mon mari n’est pas un homme qui aime être devant la caméra, mais il a accepté de participer au documentaire, car il trouvait important de le faire pour la cause.
Le visionnement en famille était le fun. Tout le monde chez moi est à la même place. Mon mari et moi, on se dit qu’on va contribuer à la conversation. Et j’espère qu’un jour mes fils vont regarder le documentaire avec leurs enfants et se dire que les choses ont évolué.

De quoi es-tu la plus fière par rapport à ce documentaire?
Sans occulter le côté difficile de ce qu’on a vécu collectivement, je souhaite sincèrement offrir des pistes de solution, montrer ce qu’on peut changer, et le documentaire le présente bien, je pense.
Est-ce que ce documentaire a changé quelque chose en toi?
Oui! Je m’en suis rendu compte. Ça m’a beaucoup nourrie. J’ai passé mon été là-dedans et dans le mouvement Black Lives Matter. Il y a des moments dans ma vie où j’ai parfois gardé le silence, et je ne le ferai plus. Pour moi, ça sera la grande différence.
Pour mes fils, mon silence est impossible, lundi 23 novembre à 21 h sur ICI Télé
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