Annabel Soutar, l’étincelle à l’origine de J’aime Hydro

La dramaturge et productrice Annabel Soutar nous a initiés au théâtre documentaire. Celle qui n'a pas peur du conflit et qui prône une diversité des voix souhaite un théâtre plus démocratique et moins formel.
Un texte de Carmen Bourque
Le théâtre, lieu de rassemblement
En entrevue à Tout le monde en parle dimanche, Annabel Soutar a défini sa vision du théâtre.
Je crois que ça doit être moins cher, ça doit être moins intellectuel, moins formel. Je crois que les gens peuvent manger du pop-corn dans les théâtres, boire de la bière, hurler pendant le spectacle, se sentir en connexion avec la scène. […] Je crois que le théâtre existe pour nous rassembler dans le présent, pour créer une démocratie plus puissante, plus humaine, et ça me manque au théâtre, souvent.
La femme de théâtre ne veut surtout pas faire la morale ou donner de leçons.
Je crois que c’est quelque chose que les gens ont pensé du théâtre documentaire, qu’on est là pour éduquer. Mais au contraire, je crois que c’est de mettre en contact les différentes voix de la société pour mieux s’écouter.
La pièce L’assemblée
C’est cette diversité de voix qu’on trouve dans la pièce L’assemblée, où des femmes de culture différente discutent de la question identitaire. On y parle de signes religieux, d’immigration et de féminisme. Les dialogues des comédiennes sont tirés d’entrevues menées au préalable sur les questions traitées dans la pièce.
Ce qu’on veut faire avec cette pièce, c’est de laisser de la place à cette confrontation au lieu rester dans nos silos et de ne pas avoir de contact. Je crois que ce qu’on veut faire dans le théâtre documentaire, c’est innover dans le dialogue public, ne pas avoir peur de l’autre et laisser de la place au conflit.
La question de l’appartenance
À titre d’anglophone qui travaille en français au Québec, Annabel aimerait un jour écrire une pièce sur la question de l’appartenance. Même si elle est née au Québec, on lui demande encore d’où elle vient.
Je pense qu’un jour, je vais devoir aborder ça dans une pièce de théâtre documentaire, mais après avoir eu la confiance du monde parce que je ne veux pas non plus attaquer ou accuser des gens. Je suis bien ici à Montréal, j’aime travailler en français, mais je veux avoir une conversation avec les francophones vis-à-vis de mon appartenance ici.
S’interroger sur la violence
Ces temps-ci, Annabel accompagne deux comédiens, Jean-Marc Dalphond et Marie-Joanne Boucher, dans la création de la pièce Projet Polytechnique, qui se penche sur la violence dans la société.
On veut comprendre pourquoi et comment est-ce qu’on peut changer notre façon de communiquer en société pour éviter la violence. Je crois qu’il y a beaucoup de gens qui ne se sont pas nécessairement prononcés sur la chose [le meurtre de 14 femmes il y a 30 ans à l’École Polytechnique], beaucoup d’hommes qui nous ont approchés pour dire : “ Je suis prêt à parler maintenant de cette chose ” qui est un féminicide.
À savoir s’il faut recueillir les témoignages de misogynes pour mener à bien cette pièce, voici ce qu’Annabel en pense :
Je crois qu’il faut aller là. […] Il faut aller dialoguer avec le diable. Moi je crois que si l'on veut comprendre la violence, il faut être en contact avec la violence. Ça ne veut pas dire que la pièce va défendre ces gens-là, mais on va laisser la place pour se prononcer.
Le théâtre d’Annabel Soutar
Annabel Soutar a commencé à proposer des pièces de théâtre documentaire en 1990. Parmi celles-ci : Freddy, qui traite de profilage racial, Grain(s), à propos des OGM, et Tout inclus, sur les résidences pour personnes âgées. C’est Annabel qui a incité la comédienne Christine Beaulieu à écrire J’aime Hydro, une pièce qui interroge la relation des Québécois et Québécoises avec leur société d’État.
Regardez l’entrevue avec Annabel Soutar :
Pour en savoir plus
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- Théâtre documentaire : L'assemblée, un polaroid de la polarisation
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