Se souvenir du drame de Polytechnique, 30 ans plus tard

La tuerie de Polytechnique, le 6 décembre 1989, a laissé une profonde cicatrice dans la société québécoise. Il n'a fallu au tueur que 19 minutes pour assassiner 14 jeunes femmes et pour blesser autant d'autres victimes. À la veille du 30e anniversaire de cet attentat antiféministe, désormais reconnu comme tel, le documentaire Polytechnique : ce qu'il reste du 6 décembre, réalisé par Judith Plamondon revient sur les événements avec des victimes et des témoins.
Comment raconter Polytechnique à nos enfants? Comment mettre des mots sur le traumatisme qui persiste? Dans un récit narré par la comédienne Karine Vanasse, ce documentaire s’attarde à raconter, minute par minute, ce jour de décembre 1989.
On dit que la tuerie de Polytechnique, c’est comme le 11 septembre 2001, chacune se souvient où elle était au moment du cataclysme. Comme si un tel événement nous coulait dans le béton
Regardez le documentaire
Des témoignages poignants
« C’était un matin excitant où ça commençait à goûter la fin de mes études. J’avais mis mon beau tailleur neuf, qui était mon premier. J’étais habillée en madame et j’étais bien fière »
, raconte Nathalie Provost, l’une des survivantes, qui a été gravement blessée dans la tuerie. Elle était étudiante en génie mécanique.

Les hommes présents dans le documentaire témoignent de l’horreur qu’ils ont vécue et de leur grande impuissance alors que le tueur Marc Lépine avait séparé les hommes et les femmes.
Comme il y avait un bouchon à la porte, il n’y avait rien à faire, je ne pouvais pas avancer, j’ai regardé les filles, je l’ai regardé. Puis je me disais : “Qu’est-ce qu’il y aurait à faire? Qu’est-ce qu’on pourrait dire?” Je ne me sentais pas la présence d’esprit pour affronter ça. Je ne voyais pas du tout ce que je pourrais lui dire. C’était aussi la peur de faire dégénérer les choses, de dire la mauvaise chose. C’est pour ça que je suis sorti à ce moment-là.
Asmaa Mansour a été atteinte de trois balles dans le corps ce 6 décembre 1989, dont l’une à bout portant.
À ce moment-là, on ne savait pas qu’il ciblait des femmes, tout le monde avait peur pour sa vie. Aussi bien les gars que les filles.

L’histoire de Pierre Leclair est aussi tragique, sa fille Maryse figurait parmi les victimes. Il était officier de direction et responsable des communications au SPVM. Il est entré dans l’édifice pour aller aux nouvelles et revenir en donner aux journalistes. Il n’est jamais revenu. « En tournant le coin dans le corridor, j’ai vu ma fille à terre tout de suite. Je l’ai reconnue instantanément »
, raconte-t-il.
Il raconte le quotidien après la mort de sa fille dans le documentaire.

Outre les personnes survivantes, des témoins et des proches de victimes, le documentaire donne la parole à des personnalités qui avaient des rôles actifs dans les médias ou la société en 1989 : Francine Pelletier était chroniqueuse à La Presse, Monique Simard, vice-présidente de la CSN, Charles Tisseyre, chef d’antenne du Téléjournal, et Christine St-Pierre, journaliste à l’époque.
Reconnaître le crime antiféministe
Dans le documentaire, on revient sur le fait que le drame n’a pas été immédiatement qualifié d’attentat antiféministe. D'ailleurs, pour ce 30e anniversaire, la Ville de Montréal va remplacer la plaque commémorant l’événement pour y souligner l’antiféminisme du geste du tueur.
Stéphane Chayer, qui était présent dans la première classe ciblée par le tueur, revient sur sa perception du drame. Charles Tisseyre fait aussi une confession émouvante.
Le documentaire inclut également des images du film Polytechnique, réalisé par Denis Villeneuve en 2009, avec Karine Vanasse et Maxim Gaudette.

Polytechnique : ce qu'il reste du 6 décembre est diffusé le mardi 3 décembre à 21 h sur ICI Télé et le mercredi 4 décembre à 20 h sur ICI RDI. Il sera aussi sur ICI Tou.tv.
Le 30e anniversaire à Radio-Canada
Le 6 décembre 2019, ICI RDI diffusera dès 16 h 30 la commémoration en direct du belvédère du Mont-Royal à Montréal. On suivra l’ensemble de la cérémonie, en suivant les heures exactes de la tuerie, alors qu’on observera une minute de silence et que 14 faisceaux lumineux seront allumés un peu partout au pays, à quelques secondes d’intervalle, en rappel du nom des victimes. Julie Drolet animera l’émission avec le concours de nos journalistes auprès des familles, de nombreuses personnalités ainsi que des représentants et représentantes de 14 universités canadiennes qui se joignent à cette commémoration.
Plus tôt dans la journée, à 11 h 30 sur ICI RDI, Isabelle Richer consacrera son émission au rappel de cet attentat meurtrier.
Par ailleurs, Alain Crevier rencontre deux survivantes, chacune à leur manière, de la tragédie, dans son nouveau balado Être : Nathalie Provost et Monique Lépine, mère de l’auteur de la tuerie de Polytechnique.