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Ça date pas d’hier vous invite à voyager dans le temps et les archives pour faire le pont entre l’actualité d’hier et d'aujourd'hui. Les enjeux ont-ils tant changé? À vous de le découvrir!
Catherine Lachaussée
Aussi passionnée que curieuse, Catherine Lachaussée a fait sa marque à la barre de nombreuses émissions de radio et de télévision à Radio-Canada avant de plonger avec enthousiasme dans ce nouveau projet web qui réunit deux de ses grandes passions : l’actualité et l’histoire.
Le fascinant passé des Irlandais, du Cap-Blanc au Vieux-Québec
Impossible d'oublier le cap sur la rue Champlain. Il sert de cour arrière à une bonne partie des maisons. Photo : Radio-Canada/Catherine Lachaussée
L’héritage irlandais est toujours très présent à Québec, même s’il est parfois bien caché. Le Vieux-Québec et la rue Champlain, dans le Cap-Blanc, sont particulièrement riches en surprises, comme le montre ce voyage photographique placé sous le signe de la Saint-Patrick.
Un texte de Catherine Lachaussée
Les décorations maritimes et les lanternes près des portes contribuent au cachet bien particulier de la rue Champlain. Photo : Courtoisie / Jacques Fortin
Un héritage bien vivant
S’il y a un endroit où l’héritage irlandais demeure bien vivant à Québec, c’est sans doute sur la rue Champlain, à ne pas confondre avec le boulevard du même nom, ni la rue du Petit-Champlain!
L'artère, encaissée entre le fleuve et la falaise, serpente sur plus d’un kilomètre à travers le Cap-Blanc. Le secteur a un cachet unique, qui tranche avec l’atmosphère touristique du Vieux-Port voisin.
Les nombreuses sculptures de bateau qui décorent les façades et les lanternes installées près des portes donnent l’impression de marcher dans une petite ville côtière. Or, les familles irlandaises qui y résident encore sont nombreuses, m’apprend John O'Connor, secrétaire-trésorier au Irish Heritage Quebec.
Des Dinan, des Heard, des Delaney et des O’Connell y habitent toujours, et la vie de quartier s’y poursuit, après plus de 150 ans.
La Hayden's Wexford House affiche sa fonction de gîte comme au 19e siècle, avec son remarquable lettrage. Photo : Radio-Canada/Catherine Lachaussée
Un vrai secteur patrimonial
Plusieurs maisons de la rue Champlain datent des années 1860, à l’époque où s’est construit une grande partie du Vieux-Québec. On y retrouve le même style de maisons mitoyennes et les mêmes façades de maçonnerie que sur les rues Sainte-Ursule, Ferland ou Hébert.
Les propriétaires, moins fortunés, ont cependant eu recours à la brique plutôt qu'à la pierre, précise le consultant en architecture Martin Dubois.
La brique venait souvent des Îles britanniques et servait de lest aux bateaux qui venaient s'approvisionner en bois à Québec. On en trouvait à profusion sur les quais. Les gens n'avaient qu'à se servir.
Certains immeubles ont retrouvé la même vocation que dans le passé, comme la Hayden’s House, qui était une auberge en 1880.
Plusieurs maisons de la rue Champlain rappellent celles d'autres anciens quartiers ouvriers de la Ville de Québec Photo : Radio-Canada/Catherine Lachaussée
Un quartier façonné par le fleuve
La présence des Irlandais dans le Cap-Blanc est ancienne. Elle a pris de l'ampleur en 1847, à l’époque où ils étaient nombreux à immigrer et travailler dans le port de Québec.
Ils contrôlaient complètement le port. Le syndicat qu'ils ont créé a été le plus gros du Canada, il a compté plus de 2000 membres.
La rue Champlain et la rue du Petit-Champlain ne formaient qu'une seule artère autrefois. On y trouvait la même communauté irlandaise. On a commencé à distinguer la petite rue Champlain de la grande en 1874.
Des trèfles ornent la façade de l'ancienne caserne numéro 6 de la rue Champlain. Photo : Courtoisie / Jacques Fortin
Des trèfles sur la caserne de pompiers
L’ancien poste de police et de pompiers no 6 de la Ville de Québec a été construit en 1912 d’après les plans de Harry et Edward Staveley. La devise gaélique de la caserne, Faugh-a-balla, signifiait dégagez le chemin, révèle Marianna O’Gallagher dans un livre consacré aux Irlandais de Québec.
On peut d'ailleurs admirer une belle série de trèfles gravés en façade. À trois feuilles, pas à quatre bien sûr, comme tout bon trèfle qui se respecte, précise John O’Connor.
Le fameux escalier du Cap-Blanc. L'école située à côté a changé de vocation. Photo : Courtoisie / Jacques Fortin
Un escalier pour les écoliers
Vous êtes un adepte des montées athlétiques dans l’escalier du Cap-Blanc? Dites-vous que des générations d’enfants irlandais l’ont gravi avant vous. Ils l’empruntaient tous les jours pour se rendre à l’école Saint-Patrick, située dans le quartier Montcalm, sur l’avenue de Salaberry.
L'école des plus jeunes était située au pied de l’escalier et a conservé l'allure qu'elle avait à sa construction en 1862. C'était aussi une chapelle. L'immeuble a été converti en condos aujourd’hui.
L'Irlandais Patrick Murphy a sauvé des dizaines de personnes de la noyade au 19e siècle. Photo : Irish Heritage Quebec/Courtoisie / Famille de Patrick Murphy
Des héros et des drames
La vie des Irlandais du Cap-Blanc n'a pas été qu'un long fleuve tranquille, et certains héros mériteraient de sortir de l’ombre, comme le sauveteur Patrick Murphy, qui aura évité la noyade à 37 personnes au fil des ans.
Les journaux en parlaient avec admiration à la fin du 19e siècle. Résident de la rue Champlain, il y tenait aussi un restaurant-bar. Son décès a fait l’objet d’un article élogieux dans Le Devoir, en 1911.
Les éboulements de la falaise du Cap-Blanc ont été meurtriers dans le secteur de la rue du Petit-Champlain, où vivait autrefois la même communauté irlandaise que sur la rue Champlain. Photo : Archives de la Ville de Québec/Tous droits réservés
Un tragique éboulement de la falaise a aussi fait 75 blessés et tué 45 personnes en 1889, dont une majorité d’Irlandais, tous enterrés au cimetière Saint-Patrick.
Beaucoup des maisons situées le long de la falaise avaient déjà été éliminées à l'époque, rappelle John O'Connor. Il aura fallu ce drame pour que la falaise et les fondations de la terrasse Dufferin soient solidifiées. On connaissait pourtant la dangerosité du secteur depuis longtemps.
L'ancienne église Saint-Patrick, conçue selon les plans de Charles Baillargé, abrite un laboratoire de recherche de l'Hôtel-Dieu aujourd'hui. Photo : Courtoisie / Jacques Fortin
La première église
Le Vieux-Québec aussi a été marqué par les Irlandais.
Ils y ont construit leur première église. Mais ils l'auront attendue longtemps.
On les a promenés des années, de la chapelle de la rue D'Auteuil à la messe de 8h de la Cathédrale puis aux célébrations de Notre-Dame-des-Victoires
L’église Saint-Patrick a été terminée en 1833 sur la rue McMahon et l’école Saint-Patrick a été construite juste en face, avant de migrer dans le quartier Montcalm.
La rue McMahon s’appelait la rue Sainte-Hélène autrefois. Comme les rues Saint-Patrick et McWilliam ainsi que la côte Dinan, elle a été renommée en hommage aux Irlandais. McMahon aura été le premier curé de l'église.
Bernard Leonard a occupé plusieurs locaux dans le Vieux-Québec, dont celui-ci au coeur de la rue Saint-Jean. Photo : Radio-Canada/Catherine Lachaussée
Un nom qui s’affiche en pleine rue Saint-Jean
En passant sur la rue Saint-Jean, entre deux pubs irlandais, vous remarquerez un nom inscrit en grosses lettres: celui de l'Irlandais Bernard Leonard. C’est là que se trouvait son commerce en 1879.
90% des gens ne le voient pas, raconte O’Connor. C’est tout à fait exact. À moins de lever la tête, on peut passer devant des centaines de fois sans le voir.
Leonard a eu plusieurs vies et a été marquant pour le Québec. Il a d’abord été un grand artisan. On lui doit des murales et certains des plus beaux vitraux des églises et des chapelles de la Ville. On en retrouve jusqu’à Chicoutimi et Cacouna.
Puis il a bifurqué dans le secteur des assurances et fondé l’Industrielle, dont il a été le premier président de 1905 à 1922. La compagnie a fusionné pour devenir l’Industrielle Alliance en 1987.
Québec a compté deux maires Irlandais, du temps où la communauté représentait le quart des habitants de la ville. Photo : Radio-Canada/Guillaume Croteau-Langevin
Des Irlandais à l’Hôtel de ville
Les Irlandais représentaient le quart de la population de Québec au tournant des années 1860 et ont occupé toutes les fonctions. Des Walsch ont été policiers de pères en fils, ou jardiniers. Les Evoy ont tenu une bouquinerie sur la rue Saint-Jean , et les McWilliam ont régalé la ville avec leurs pâtisseries.
Des Irlandais ont étudié et enseigné au Séminaire, et une Irlandaise, sœur McLaughlin, a été une supérieure marquante de l’histoire des Ursulines de Québec au 19e siècle.
Québec a aussi eu deux maires Irlandais: Charles Alleyn, (1854) et Owen Murphy (1874-1878). Et plusieurs conseillers très influents.
La maison Boswell, à l'angle de la rue Saint-Denis, près de la Citadelle. Photo : Radio-Canada/Catherine Lachaussée
La maison d’un riche brasseur
On le sait, les Irlandais et la bière font bon ménage, et la bière Boswell a marqué un chapitre important dans l’histoire brassicole de la capitale. La marque a été vendue à Dow, qui a disparu après un retentissant scandale d’empoisonnements, et la brasserie Boswell de la Côte du Palais n’est plus qu’un lointain souvenir. Mais la maison de Joseph K.Boswell, au coin des rue de la Porte et Saint-Denis, est toujours là avec sa belle façade néo-classique plongée dans l’ombre.
Les symboles du trèfle (à droite), de la rose, du chardon et de la feuille d'érable (en bas) sont intégrés à la structure des kiosques de la terrasse Dufferin. Photo : Courtoisie / Jacques Fortin
Des trèfles jusque sur la terrasse
Les hommages à l’histoire irlandaise peuvent facilement passer inaperçus. On en a un bel exemple sur la terrasse Dufferin. Un regard attentif à la dentelle métallique qui soutient le toit des kiosques permet de voir des trèfles entremêlés à d'autres symboles associés à la population de Québec: la rose anglaise, le chardon écossais et la feuille d’érable canadienne.
Et vous, êtes-vous plus chardon? Ou un peu de tout?
Si vous êtes un Aubry, un Morin ou un Sylvain, il est possible qu'un O'Brien, un Moran ou un Sullivan se cache dans votre arbre généalogique. La Nouvelle-France comptait déjà une bonne centaine de familles irlandaises au 17e siècle et beaucoup se sont fondues à la population francophone au fil du temps.
La porte Saint-Louis aussi témoigne d'un héritage irlandais insoupçonné. Photo : Radio-Canada
Même la porte Saint-Louis!
Le fait est peu connu, mais la Porte Saint-Louis a été conçue par un trio formé par Charles Baillargé, Frédérick Temple et un architecte formé à Belfast, William Lynn, dont l’influence a été déterminante.
La porte a été construite en 1878. Elle en a remplacé une autre, qui était plus étroite.
Lynn, un spécialiste des constructions militaires médiévales, avait aussi des plans pour reconstruire le Château Saint-Louis et la porte Saint-Jean, mais ces projets ne se sont jamais concrétisés.
Le cimetière Saint-Patrick, un autre joyau du patrimoine irlandais, à Sillery. Photo : Radio-Canada
Un éloquent rappel du passé
En retrait du chemin Saint-Louis, dans Sillery, le cimetière Saint-Patrick permet de saisir l'ampleur de la présence irlandaise à Québec.
On y trouve des centaines de tombes, autant d'ouvriers que de notables. Les deux maires Irlandais de Québec y reposent, ainsi que le hockeyeur Patrick Paddy Moran, qui gardait les buts des Bulldogs autrefois.
On y a aussi enterré 23 victimes du naufrage tragique de l’Empress of Ireland, survenu près de Rimouski en 1914.
L’'endroit, à l'abri de l'agitation de la ville, offre une splendide percée vers le fleuve, comme pour rappeler l’importance qu’il aura eu dans la vie de tant de ces gens.
Sources:
John O'Connor (Irish Heritage Quebec)
La Ville de Québec
Le consultant en architecture Martin Dubois (Patri-Arch)
Les historiens Jean-François Caron ("Curiosités de Québec") et Réjean Lemoine