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Ça date pas d’hier vous invite à voyager dans le temps et les archives pour faire le pont entre l’actualité d’hier et d'aujourd'hui. Les enjeux ont-ils tant changé? À vous de le découvrir!
Catherine Lachaussée
Aussi passionnée que curieuse, Catherine Lachaussée a fait sa marque à la barre de nombreuses émissions de radio et de télévision à Radio-Canada avant de plonger avec enthousiasme dans ce nouveau projet web qui réunit deux de ses grandes passions : l’actualité et l’histoire.
Tremplin de ski de la Citadelle : une photo d'exception trouvée dans un album de famille
Le tremplin de ski du glacis de la Citadelle tel qu'on pouvait le voir en 1922. Du jamais vu, selon plusieurs historiens. Photo : Courtoisie / Jean Noreau/Tous droits réservés
Une photo montrant l’un des plus vieux tremplins de saut à ski de la capitale refait surface après avoir passé des décennies dans un album de famille. Apparemment très rare, elle permet de voir à quoi ressemblait le tremplin de la Citadelle, au début des années 1920.
Un texte de Catherine Lachaussée
On savait que le glacis de la Citadelle, qui surplombe la terrasse Dufferin dans le secteur de la rue Saint-Denis, était autrefois un site prisé pour le saut à ski. Quelques photos célèbres en témoignent. Mais aucune n’avait encore montré l’ensemble de la structure de bois d’où les skieurs prenaient leur envol.
Les historiens consultés sont formels : ils n’ont jamais vu ça. D’où le grand intérêt de cette photo, tirée de l’album de famille d’un résident de Québec, Jean Noreau.
L’image pourrait bien avoir été prise par son père, Paul, alors qu’il était tout jeune. Elle date de 1922.
Adolescent durant les années 1920, Paul Noreau était fou de ski comme de photo. À 14 ans, il passait autant de temps en vadrouille avec son appareil qu’à skier avec ses amis.
C'est lui qu'on voit sauter avec d’énormes mitaines sur une des images. On sent bien que son geste est un peu malhabile. Il ne devait pas avoir plus de 15 ans à l’époque, explique son fils.
Le jeune Paul Noreau, alors qu'il s'apprête à prendre son envol de la plateforme. Photo : Courtoisie / Jean Noreau/Tous droits réservés
Aujourd’hui, Jean Noreau ne peut feuilleter ces vieux albums sans un intense sentiment de nostalgie, comme son père avant lui.
Mon père était très émotif avec ces photos. Il les ressortait rarement. Maintenant, je comprends pourquoi. Ça me fait la même chose qu’à lui. Il y a beaucoup d’émotions liées à ces images.
Un site en or
Quand on plonge dans les photos du temps, on imagine sans peine le plaisir contagieux que devaient avoir les jeunes skieurs sur la butte de la Citadelle. L’endroit était vraiment bien choisi.
Le site du tremplin des années 1920, entre la Citadelle et la rue Saint-Denis. Il était tout près de la célèbre glissade, restée au même endroit qu'autrefois. Photo : BAnQ, Vue aérienne, Fonds Fairchild, vers 1925
Le mur de pierre qui court aujourd’hui au milieu de la pente n’existait pas dans les années 1920. Les skieurs pouvaient profiter de la butte au complet. L’ascension était aussi facilitée par un escalier, disparu aujourd’hui. Il permettait d’accéder directement au tremplin en partant de la terrasse Dufferin.
La glissade, située en contrebas, ajoutait sûrement à l’ambiance. Les skieurs pouvaient entendre les cris de joie venant d’en bas chaque fois qu’ils s’élançaient du tremplin.
Une autre image peu diffusée de 1921, tirée de la collection du MNBAQ, laisse entrevoir la glissade de la terrasse et des spectateurs sous la plateforme. Photo : MNBAQ, 1921 / Don de la collection Yves Beauregard/Canadian Pacific Railway
En plus d’une pente raide à souhait, on profitait aussi d’une des plus belles vues en ville. Le spectacle du fleuve, de la côte de Beaupré et du Château Frontenac, vu d’en haut du tremplin, devait être à couper le souffle.
Durant leur envol, pendant un instant, les skieurs avaient sans doute l’impression de plonger vers la basse-ville.
Un skieur donne l'impression de plonger vers la basse-ville sur cette photo de 1922. Tirée de l'album de Jean Noreau, elle concorde avec les rares images du lieu qui circulaient jusqu'à présent. Photo : Courtoisie / Jean Noreau/Tous droits réservés
Des skieurs en quête de style
Athlète et analyste du saut à ski, le Gatinois Jean Séguin est renversé par la beauté du site et des photos, même si le style des skieurs et l’allure du tremplin le laissent plutôt dubitatif.
Ça n’avait vraiment pas l’air très solide note-t-il, soulignant l’usage de madriers à l’allure chambranlante.
Aujourd’hui, ce serait complètement illégal. La table d’envol est trop plate. Ça prend un angle de 11 degrés vers le bas, sinon, le sauteur risque d’être parachuté dans les airs.
Quant au skieur suspendu dans le vide sur l’image, il ne convainc pas trop l’expert. Le gars a pas beaucoup de style! Avec la bonne technique, il aurait été plus haut. Il a l’air d’avoir un peu peur, il n’a pas pris beaucoup de hauteur et il se laisse aller, analyse-t-il.
Le toit d'un des kiosques de la terrasse Dufferin, visible derrière la structure de bois, permet de situer exactement le tremplin. À le voir, on devine qu'il était sans doute monté l'hiver, puis démonté l'été. Photo : Courtoisie / Jean Noreau/Tous droits réservés
Par contre, les skieurs ont visiblement récupéré les skis les plus larges qu’ils avaient sous la main, remarque-t-il. Et ils semblent munis de talonnières. On est loin des bottes actuelles, qui maintiennent les genoux des sauteurs à un angle de 30 degrés, mais c’était déjà un début, s’amuse Séguin.
Les débuts du saut à ski au Québec
Le ski est un sport récent à l’époque. Le Quebec Ski Club a été créé en 1907, alors que le ski commence tout juste à détrôner la raquette au Québec. Le saut a toutefois très vite fait des adeptes, tant chez les athlètes que chez les spectateurs. Si on se contente d’abord de simples buttes de neige, on passe rapidement aux choses sérieuses : les tremplins de bois.
Le tremplin des Plaines d'Abraham en 1924. On le distingue au centre de la photo, près de la tour métallique de l'usine de munitions Ross. Photo : Archives Commission des champs de bataille nationaux/Tous droits réservés
Le premier tremplin de saut de la capitale aurait été construit près de la tour Martello, à la hauteur du parc Jeanne-D’Arc, juste derrière l’usine de munitions Ros, qui se trouvait autrefois sur le site. Le ski est alors un sport urbain, et le secteur des Plaines d'Abraham demeure la destination numéro un des skieurs de la capitale.
Paul Noreau en 1921, près du tremplin des Plaines d'Abraham de la tour Martello. Les skieurs utilisaient la côte qui mène vers le kiosque Edwin-Bélanger aujourd'hui. Photo : Courtoisie /Jean Noreau/Tous droits réservés
Plusieurs compétitions de saut s’y sont déroulées. Marc Durand, le président de la Société d'histoire du sport de la capitale nationale, garde d’ailleurs précieusement chez lui une coupe gravée lors d’une compétition tenue pour un carnaval de 1924. Le gagnant, qui venait de Berlin, au New Hampshire, avait réussi un saut de 84 pieds pour l’emporter.
La coupe remise au champion de l'épreuve de saut à ski organisée sur les Plaines d'Abraham lors d'un ancien carnaval de 1924. Photo : Courtoisie / Marc Durand/Tous droits réservés
Malgré son tremplin plus modeste, des compétitions se seraient aussi tenues au glacis de la Citadelle ainsi qu’à l’ouest de la côte Saint-Sacrement, sur le site du Cégep Garneau. Un endroit si venteux qu’un compétiteur aurait déjà atterri en pleine tribune des juges après avoir dévié de sa trajectoire!
Un lieu encore prisé, 100 ans plus tard
Aujourd’hui, le tremplin de bois de la Citadelle n’est plus qu’un souvenir, mais le lieu, lui, demeure toujours prisé des casse-cous. Les planchistes toujours présents sur les lieux prouvent qu’un bon spot, ça reste un bon spot, même après 100 ans!
Philippe Tardif, Frédérik Côté et le vidéaste Ralph Samson se sont récemment réunis pour une inoubliable séance de planche à neige, exactement au même endroit que les casse-cous d'il y a 100 ans. Photo : Radio-Canada
Des tremplins de saut à ski pourraient-ils renaître au centre-ville? Selon Jean Séguin, la Fédération internationale de ski ne serait pas contre.
Des installations en secteur urbain, on adorerait ça! Le Big Air a fait la démonstration qu’on a des côtes intéressantes au centre-ville de Québec!
Les installations de saut urbain sont courantes en Scandinavie, dans des pays comme la Norvège et la Finlande. Sans cibler précisément le secteur de la Citadelle, l'ex-champion junior de saut à ski est formel : il aimerait bien voir ça un jour dans la capitale.
Un projet visant à ramener le saut à ski sur un site dont il avait disparu fait aussi son chemin à Gatineau, confirme Séguin. Une rencontre est prévue le 12 mars avec les dirigeants du centre de ski Camp Fortune, dont les tremplins ont déjà été fréquentés par des skieurs de toute la province.
Séguin ne croit pas impossible de les redévelopper aujourd’hui. Et on n'est qu'à 10 minutes en voiture de Gatineau, précise-t-il.
Autant d'idées qui plairaient sans doute à de nombreux skieurs et planchistes de Québec. Il se pourrait que l’histoire soit loin d’être terminée!
Sources:
Jean Noreau et Jean Séguin
Les historiens Hélène Quimper, Jean-François Caron, Marc Durand et Jean-Marie Lebel
La banque de journaux et d'archives de BAnQ
Des traces dans la neige (Danielle Soucy), Éditions La Presse