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Ça date pas d’hier vous invite à voyager dans le temps et les archives pour faire le pont entre l’actualité d’hier et d'aujourd'hui. Les enjeux ont-ils tant changé? À vous de le découvrir!
Catherine Lachaussée
Aussi passionnée que curieuse, Catherine Lachaussée a fait sa marque à la barre de nombreuses émissions de radio et de télévision à Radio-Canada avant de plonger avec enthousiasme dans ce nouveau projet web qui réunit deux de ses grandes passions : l’actualité et l’histoire.
La maquette Duberger : Québec en 1808… comme si vous y étiez!
La maquette Duberger est une occasion unique de découvrir Québec exactement comme elle était au début du 19e siècle. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
Aimeriez-vous voir Québec exactement comme elle était en 1808? Avec ses immeubles d’autrefois, et sans ceux construits par la suite? Ce voyage dans le temps est possible grâce à un outil unique au pays : la maquette Duberger.
Un texte de Catherine Lachaussée
Bien qu’elle demeure largement méconnue du grand public, la maquette Duberger est un vrai trésor national! C’est aussi, à sa manière, une formidable machine à voyager dans le temps.
On la doit à l’arpenteur Jean-Baptiste Duberger. Il l’a construite entre 1806 et 1808, avec l’aide de l'ingénieur militaire John By. Elle montre Québec exactement comme elle était à l'époque, alors que le gros de la ville se situait à l’intérieur des fortifications et dans les alentours immédiats.
Le spectacle offert par la maquette Duberger, foisonnante de petits détails architecturaux, est absolument unique. Photo : Radio-Canada
Sa taille impressionnante (6 m X 5 m) et son échelle (1:300), en font un outil remarquablement précis, dont on parle aussi comme d’un plan-relief. Le site est parfaitement reproduit, en trois dimensions. L’alignement de chaque maison et de chaque espace vert est fidèle à la réalité, ainsi que toutes les particularités du terrain. La maquette permet d’embrasser la ville d’un coup d’oeil, tout en appréciant une foule de petits détails.
L’historien Jean-François Caron, qui m’a accompagnée au parc de l'Artillerie pour la voir de près, souligne la maîtrise dont ont fait preuve Duberger et By pour atteindre ce degré de perfection. Rendre compte du relief avec une telle précision, ça relève non seulement de la science, mais aussi de l’art, constate-t-il, admiratif.
Mais où est passé le Château Frontenac?
Le spectacle qu'offre Québec en 1808 a beau être envoûtant, il peut s'avérer assez dépaysant, car si la topographie de la ville est facilement reconnaissable avec son cap et ses falaises, son architecture a bien changé. Le spectateur contemporain y cherche en vain ses points de repères habituels, alors que des édifices étranges semblent sortis de nulle part.
Plutôt que le château Frontenac, c'est le château Saint-Louis qui dominait Québec en 1808. À droite de l'image, on remarque aussi le Palais épiscopal, qui se trouvait en haut de la côte de la Montagne. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
Le premier bâtiment dont tout le monde remarque l’absence, c’est généralement le Château Frontenac. C'est notre icône par excellence! Mais à l’époque, il n’existe pas. Sa construction n’a commencé qu’en 1892...
Dans le même secteur, surplombant le cap, on découvre plutôt un drôle de palais d’allure médiévale : le château Saint-Louis. Perché sur les fortifications, il semble tout droit sorti d’un conte de fées. Un incendie l’a détruit en 1834. Plusieurs terrasses l’ont remplacé, dont la terrasse Dufferin, en 1878.
Quand on l’a construite [la terrasse Dufferin], on l’a assise sur les fortifications. Le mur de pierre, avec ses embrasures à canon, est encore visible de la basse-ville, explique Caron.
Un palais en haut la côte de la Montagne
À quelques pas, un édifice impressionnant trône au sommet de la côte de la Montagne : le Palais épiscopal. Il date de 1693! Déserté après les bombardements de la Conquête, il sert alors de parlement au Bas-Canada. Le parlement est reconstruit sur ce site après un premier incendie, mais un deuxième sinistre met fin à l'aventure parlementaire dans le Vieux-Québec en 1883.
Le Palais épiscopal, qui sert de parlement au Bas-Canada, domine la côte de la Montagne en 1808. On voit aussi place Royale et le secteur des traversiers sur la gauche. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
La construction du parlement actuel à l'extérieur des murs était alors en cours, et l'on y siège depuis ce temps. Le parc qui se trouve maintenant en haut de la côte de la Montagne est devenu le parc Montmorency en 1908.
Une place de l’Hôtel de Ville… sans hôtel de ville
Deux rues plus loin, la place de l’Hôtel de Ville est méconnaissable. Elle est dominée par un dôme imposant qui ne ressemble à rien de connu : c'est l’élégante halle du marché de la haute-ville.
La spectaculaire halle de marché de la haute-ville, en forme de dôme, venait d'être inaugurée en 1808. Peu appréciée des citoyens, elle a été détruite en 1815. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
Elle est alors toute récente. Le collège des Jésuites et l’ancienne basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec l’encadrent dans un ensemble harmonieux.
Tous ces bâtiments ont disparu aujourd'hui. La halle, mal-aimée des citoyens, sera démolie quelques années plus tard. La basilique, incendiée en 1922, a dû être reconstruite. Quant au collège des Jésuites, il a été détruit en 1878. L’Hôtel de Ville est venu prendre sa place en 1896.
Pas de parlement ni de place D'Youville au-delà des fortifications
Là où on s'attendrait à voir le parlement, la maquette Duberger ne montre que des champs. Un long chemin de terre, aligné avec la rue Saint-Louis, correspond bien au tracé de la Grande Allée, mais le dénuement des lieux est saisissant.
La Grande Allée n'est encore qu'un chemin de campagne en 1808. La porte Saint-Louis, très étroite, est visible en arrière-plan, avec la rue Saint-Louis derrière. Photo : Courtoisie Parcs Canada
À la place de la fontaine de Tourny se trouve un ouvrage avancé des fortifications: le ravelin Saint-Louis.
La porte Saint-Louis, méconnaissable, est tout juste assez large pour laisser passer une voiture et ses chevaux.
Plus bas, la porte Saint-Jean offre le même spectacle. Tout aussi étroite, elle débouche sur une étendue quasi déserte, jonchée de quelques maisons : l’embryon du faubourg Saint-Jean.
Un vaste cimetière à deux pas de la rue des Remparts
La quantité d’espaces verts à l’intérieur des murs est étonnante en 1808. Beaucoup de rues n’existent pas encore. Les communautés religieuses possèdent alors de vastes terrains, qui occupent une bonne partie de l’espace.
Le cimetière des Picotés se trouvait au bout des terres de l'Hôtel-Dieu, derrière la Maison Montcalm. La rue des Remparts était encore peu développée à l'époque. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
Au-delà des terres des Augustines, près de la rue des Remparts, le cimetière des Picotés était situé derrière la Maison Montcalm autrefois. On y avait enterré les victimes de l’épidémie de variole de 1702. Aujourd'hui, son emplacement est occupé par tout un pâté de maisons, formé par les rues Hamel, Saint-Flavien, Couillard et des Remparts. Quant aux picotés, ils ont trouvé le repos éternel au cimetière Saint-Patrick et au cimetière Belmont.
D'abord pour la stratégie militaire
La maquette Duberger n’a pas été construite pour le simple plaisir, mais pour des raisons de stratégie militaire. On s’en est servi pour convaincre des bailleurs de fonds, restés en Angleterre, de financer les améliorations envisagées pour la défense de Québec. On craignait notamment des attaques américaines.
Les bailleurs de fonds restés en Angleterre n’avaient sans doute aucune idée de la façon dont Québec était faite, explique l’historien Jean-François Caron. Comme l’efficacité des fortifications repose essentiellement sur la topographie et l’utilisation stratégique du territoire, c’était l’outil de vente parfait pour les ingénieurs du temps.
L’usage des plans-reliefs s’est répandu en France à partir de 1668, après que Louis XIV se soit lancé dans un programme de fortification touchant plusieurs villes. Québec, Louisbourg et Montréal feront d’ailleurs l’objet de plans-reliefs en 1720. Ils ont malheureusement été détruits en 1870, après avoir été entreposés à Paris. Les maquettes du temps étaient cependant plus petites, et leur échelle (1:600) était bien moins précise que celle de la maquette Duberger.
Un retour à Québec après un long voyage
Si la taille de la maquette Duberger demeure impressionnante, il faut savoir qu’à l’origine, elle était trois fois plus grande! Elle se rendait jusqu’à l’avenue de Bougainville, et montrait l’ensemble des plaines et les tours Martello. Il a fallu la couper en 18 sections pour l’envoyer en Angleterre. Mais au moment de l’entreposer, on a trouvé qu’elle prenait pas mal de place. Et vu que les plaines étaient de grands champs à l’époque, ça semblait moins important que le reste, alors ces sections-là ont été détruites, explique l’historien Jean-François Caron.
Beaucoup de portes des fortifications ont été éliminées avec le temps. C'est le cas de la porte du Palais, visible ici en haut de la côte du Palais, qui mène à l'Hôtel-Dieu. Photo : Courtoisie Parcs Canada/Stéphane Lamontagne
À son retour au pays, en 1908, il n’en reste plus que le tiers. Le Musée canadien de la guerre situé à Ottawa en hérite alors, jusqu’à ce que la Société Saint-Jean-Baptiste n’obtienne son rapatriement à Québec, à l’issue d’un bras de fer avec la corporation des musées nationaux.
Depuis 1981, la maquette Duberger trône au Parc de l’Artillerie. Mais l’endroit est surtout fréquenté par les touristes, ce qui est bien dommage. Les gens d’ici auraient un plaisir fou à découvrir comment leur ville s’est transformée en 200 ans.
On est vraiment chanceux de l’avoir à Québec. Ça fait des années que je l'étudie, et j’y trouve encore des petits détails que je n’avais jamais observés avant.
À vous de voir ce que vous pourriez y découvrir, quand le Parc de l’Artillerie rouvrira enfin ses portes, quelque part en mai 2021.
Sources :
Jean-François Caron, historien Le plan-relief de Québec, André Charbonneau, Parcs Canada Québecensia, Bulletin de la Société historique de Québec La banque de journaux de BAnQ