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Elle prend une pause les mains sur les câbles dans un ring

Marie-Pier Houle - Je me suis relevée

« Certains me connaissent uniquement à cause de ce qui s’est passé sur le ring il y a un peu plus d’un an. »

Signé par Marie-Pier Houle

L’autrice est une boxeuse du Groupe Yvon Michel. Elle a une fiche de 7-0-1, avec 2 K.-O. Le 1er décembre, elle montera sur le ring à la Place Bell pour le combat le plus important de sa carrière.

Je vivrai toute ma vie avec les conséquences et je garderai toujours une place pour Jeanette dans mon cœur. Mais je crois que je peux aussi poursuivre ma route et continuer à construire ma carrière de boxeuse. À l’avenir, quand les gens entendront le nom de Marie-Pier Houle, j’espère qu’il résonnera à leurs oreilles pour tous les combats que j’aurai menés, et non un seul.

Je vais toujours défendre la boxe. Ça sort tellement de monde de toutes sortes de mauvaises situations, beaucoup plus que ça en cause. Ça peut être quelque chose de très positif dans la vie d’un grand nombre de gens.

J’en suis moi-même le parfait exemple. La boxe m’a aidée à traverser plusieurs choses. On y reviendra.

C’est vrai que la boxe cause parfois des événements malheureux. Ça peut entraîner des blessures et très rarement des décès, comme on l’a vu à la suite de mon combat du mois d’août 2021. L’arbitre a arrêté l’affrontement au quatrième round après avoir constaté que mon adversaire, Jeanette Zacarias Zapata, était en difficulté. Malheureusement, elle est décédée quelques jours plus tard à l’hôpital des suites de ses blessures. C’est terrible et ça ne devrait jamais arriver.

Ce chapitre de ma vie et de ma carrière restera à jamais gravé dans ma mémoire. Cependant, je refuse de laisser cet événement me définir. Je suis une boxeuse et j’ai des objectifs et des rêves en tête. C’est de ça que je veux maintenant parler.

On a passé le premier anniversaire de l’événement. Je comprends que les journalistes en ont reparlé. Quand j’ai participé récemment à l’enregistrement de l’émission Sportives, point final! (Nouvelle fenêtre) sur le thème des sports extrêmes, j’aurais dû me douter qu’on reviendrait sur le sujet, mais ça me fait toujours un petit choc. Et bientôt, je vais tout simplement refuser de répondre aux questions à ce sujet.

Elle donne un coup de sa main droite.

Marie-Pier Houle à l'entraînement.

Photo : Radio-Canada / Arianne Bergeron

Je me suis battue à trois reprises depuis cet événement. Chaque fois, je l’ai fait en toute connaissance des risques. Comme Jeanette l’avait fait en août 2021.

Quand on est boxeur et qu’on monte dans un ring, on remet notre vie entre les mains de notre équipe.

Il faut que j’aie une confiance infinie en eux, parce que si quelque chose ne va pas comme on le voudrait, c’est mon équipe qui va jeter l’éponge. Si je reviens dans mon coin entre les rounds et que je ne suis pas là mentalement, c’est mon entraîneur qui devra m’arrêter. Même si ma tête de cochon ne veut pas, car il est là pour me protéger contre moi-même.

Elle se repose après avoir frappé sur un sac.

Marie-Pier Houle

Photo : Radio-Canada / Arianne Bergeron


J’ai travaillé tellement fort pour être où je suis actuellement. J’ai un bon entourage et un bon promoteur. Si j’étais avec une équipe en laquelle je n’ai pas confiance, ce serait différent. Mais je considère que ce que la boxe m’a apporté jusqu’à présent justifie les dangers qui en font partie.

Beaucoup de gens ont été surpris à mon retour. Mes trois derniers combats ont été remportés par décision unanime. Nombreux sont ceux qui s’attendaient à ce que j’échoue, à ce que je craque. J’aurais pu, mais c’est mal me connaître.

La boxe est ma passion et ces victoires m’ont prouvé que j’étais capable de me relever, même avec un genou au sol.

Au quotidien, je suis une personne qui rit tout le temps, qui aime la vie et qui profite de chaque moment. La boxe, c’est mon antidépresseur et je suis reconnaissante d’avoir retrouvé la Marie d’avant.

Elle rigole avec son entraîneur.

Marie-Pier Houle à l'entraînement.

Photo : Radio-Canada / Arianne Bergeron


Je vous ai dit un peu plus tôt que la boxe m’avait permis de traverser beaucoup de choses…

Le décès de Jeanette s’est inscrit dans une longue enfilade d’événements déchirants pour moi. Disons que 2020 et 2021 ont été des années assez éprouvantes sur le plan personnel.

En janvier, mon père s’est enlevé la vie. Au mois de mars, ma mère a eu un diagnostic de cancer du sein. Début 2021, le bureau de mon conjoint a été ravagé par un incendie, puis en août 2021, il y a eu le fameux événement. Ajoutez à cela la COVID et toutes les annulations de combats… On dirait que chaque mois, il se passait quelque chose. Ça fait environ un an qu’il n’y a pas eu d’obstacle dans ma vie et disons que ça fait du bien!

Ironiquement, c’est la boxe qui m’a donné la force de m’en sortir.

Quand j’ai commencé à boxer à 14 ans, j’étais une enfant qui pleurait tout le temps, particulièrement en présence de mon père.

C’était un homme qui avait des problèmes de santé mentale. Son comportement n’était pas toujours facile à suivre. Il ne savait pas comment réagir face à la petite fille braillarde que j’étais. J’avais de la difficulté à lui parler.

Puis, j’ai appris à me battre. Dans un gymnase, avec l’encadrement de professionnels. Ça m’a permis de développer la force de caractère qu’il me manquait. Avec la confiance que j’ai gagnée au fil des ans, j’avais réussi à construire une relation avec lui.

La boxe est un sport avec des mentalités dures. Si ce n’est pas fait pour tout le monde, ça peut être bénéfique pour des gens qui ont besoin de se faire brasser un peu, de s’endurcir. Comme moi. Ça m’a donné une force mentale de feu!

Ma mère me le dit tout le temps, ce sport m’a transformée. Au début, elle ne voulait rien savoir. Mais aujourd’hui, elle est ma plus grande admiratrice et elle assiste à tous mes combats.


Récemment, j’ai fait un pas de plus vers mon but ultime : obtenir un titre de championne du monde!

Je me suis hissée au 11e rang du WBC et au 7e de la WBA. Ça me motive énormément et ça me confirme que je suis de retour plus forte que jamais.

Je sais maintenant que j’aurai l’occasion de relever un important défi le 1er décembre à la Place Bell à Laval. Ce soir-là, nous serons trois femmes (six si l’on compte les adversaires!) à nous battre sur la carte du Groupe Yvon Michel. La boxe féminine est en plein essor et je suis plus que fière de faire partie de cet engouement!

On dit toujours à l’annonce d’un combat que ce sera le combat le plus important de ma carrière. Cette fois, on ne peut choisir meilleur mot puisque j’aurai la chance de me battre pour une première ceinture. En gagnant ce titre, je me rapprocherai encore plus d’une chance de me battre en championnat du monde et ainsi d’atteindre mon objectif absolu : devenir championne du monde!

Malgré tout, une grande confiance m’habite puisque j'ai la conviction que ma passion est toujours aussi vive et que je mérite d’être heureuse.

Une boxeuse au repos pendant un entraînement.

Marie-Pier Houle

Photo : Radio-Canada / Arianne Bergeron

Des extraits de ce texte ont été tirés de l’épisode Femmes et sports extrêmes : le goût du risque, du balado Sportives, point final! (Nouvelle fenêtre), auquel a participé Marie-Pier Houle.

Propos recueillis par Jacinthe Taillon

Photo d'entête par Arianne Bergeron/Radio-Canada