ChroniqueSubventionner les Kings de Los Angeles, quelle épouvantable idée

Les Kings de Los Angeles lors d'un match face au Canadien en mars 2023.
Photo : usa today sports / Kiyoshi Mio
Le gouvernement Legault s’est engagé à verser une subvention de 5 à 7 millions de dollars pour permettre aux Kings de Los Angeles de disputer deux matchs préparatoires à Québec en octobre 2024. C’est Dominique Ollivier qui doit être contente.
Juste au moment où l’ex-présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal était devenue le symbole de la mauvaise gestion des fonds publics, le ministre des Finances Eric Girard a trouvé le moyen de pousser le bouchon un peu plus loin, mardi, en annonçant l’octroi de cette subvention surréaliste.
Cela dit, avant de m'étendre sur la subvention aux Kings de Los Angeles, permettez-moi de faire une petite mise en contexte en vous parlant du Tournoi international pee-wee de Québec.
Le Tournoi pee-wee est une véritable institution sportive, et pas seulement pour la capitale, mais pour l’ensemble du Québec. À preuve, l'événement vient d’ailleurs d’être admis au Panthéon des sports du Québec. Cette compétition jouit d’une réputation extrêmement enviable sur la scène internationale. C’est sans doute le tournoi de hockey mineur le plus connu dans le monde.
Chaque année, il attire quelque 200 000 spectateurs et génère environ 23 000 nuitées dans les hôtels de la région. Les études que le comité organisateur est obligé de commander tous les trois ans font état de retombées économiques de 14,4 millions.
Bref, le Tournoi pee-wee de Québec génère une manne touristique exceptionnelle. Il vaut de l’or pour la région de la Capitale-Nationale. Compte tenu de cet apport exceptionnel, combien croyez-vous que les organisateurs obtiennent en subventions du gouvernement du Québec? Environ 250 000 $ par année.

Luc Robitaille, président des Kings de Los Angeles (2e à partir de la gauche) entouré de Martin Tremblay (à gauche), de Gestev, d'Eric Girard, ministre des Finances du Québec, et de Jonathan Julien (à droite), ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale
Photo : Radio-Canada
Sachant cela, comment le ministre Girard peut-il justifier le versement de 5 à 7 millions de dollars à une équipe de la LNH pour tenir quatre jours de camp d’entraînement et deux matchs préparatoires à Québec?
On s’entend, personne à l’étranger ne planifiera ses vacances de 2024 pour les faire coïncider avec des matchs préparatoires opposant les Kings aux Bruins de Boston et aux Panthers de la Floride. Et encore moins au début du mois d’octobre!
Et comme ces matchs attireront en quasi-totalité des amateurs de hockey locaux, ils ne généreront ni tourisme ni retombées économiques. Cette subvention équivaut donc à jeter 5 à 7 millions par la fenêtre.
En conférence de presse, le ministre Girard a expliqué qu’il évalue les dépenses relatives à la présence des Kings quelque part entre 9 et 10 millions de dollars. En conséquence, il s’est engagé à couvrir l’excédent entre les dépenses et les revenus que généreront les deux matchs préparatoires. L’organisation de ces rencontres sera faite par une filiale de Québecor.
En d’autres mots, le ministre des Finances du Québec estime que c’est une bonne idée de dépenser entre 5 et 7 millions de fonds publics pour soutenir deux non-événements qui coûteront 9 ou 10 millions à organiser et qui ne généreront que des recettes de 3 à 5 millions.
On croit rêver.
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Et quelles seront ces dépenses que l’argent des contribuables servira à couvrir?
On parle évidemment des frais de transport et d’hébergement des Kings.
Par ailleurs, l’équipe de la Californie obtiendra une généreuse compensation financière pour remplacer les recettes aux guichets qu’elle aurait empochées si ces matchs préparatoires avaient été présentés à son domicile, lequel sera en rénovation l’automne prochain. Juste là, on parle de 5 millions de dollars américains.
Il est aussi à prévoir que les Bruins et les Panthers auront droit à une compensation financière pour se rendre à Québec. Les Panthers, qui attirent très peu de spectateurs même en saison, ont pris part à une rencontre du concours Kraft Hockeyville, en Nouvelle-Écosse, lors du dernier camp d’entraînement. Ils étaient là parce que c’était plus payant pour eux de jouer à Sydney que dans leur propre amphithéâtre.

Le président des Kings de Los Angeles, Luc Robitaille, et le ministre des Finances du Québec, Eric Girard
Photo : The Canadian Press / Jacques Boissinot
Le plus sérieusement du monde, le ministre des Finances a comparé la subvention finançant la visite des Kings aux subventions qui sont versées au Grand Prix du Canada ou à la présentation de la Coupe des Présidents, le prestigieux tournoi international de golf par équipe qui sera présenté au Club Royal Montréal en 2024.
Les lecteurs de cette chronique savent que je suis contre toute subvention accordée à des organisations de sport professionnel, que ce soit pour construire un stade, un amphithéâtre ou n’importe quelle autre raison. Les citoyens n’en sortent jamais gagnants.
Malgré cela, il est facile de comprendre que le ministre se discrédite grandement en comparant le plus gros événement touristique au Canada (le Grand Prix) avec la visite de quatre jours des Kings de Los Angeles.
On dirait un type brandissant fièrement une vessie à sa sortie d’une luxueuse boutique de lanternes.
Le ministre Girard a par ailleurs tenté de justifier cette indéfendable subvention (faite sans analyse de retombées économiques) en arguant que le Centre Vidéotron est une infrastructure exceptionnelle
et qu’il est important de la montrer et de s’en servir
.
Quand on connaît l’histoire du Centre Vidéotron, il est difficile de ne pas tomber à la renverse.
Sa construction a déjà coûté 370 millions de dollars aux Québécois. Et depuis son ouverture, les contribuables de la Ville de Québec ont épongé plusieurs millions pour couvrir une partie des déficits d’exploitation déclarés par la filiale de Québecor assurant la gestion de l’amphithéâtre.
Si on doit en plus commencer à subventionner à perte la présentation de matchs de hockey sans intérêt dans ce même amphithéâtre, les contribuables québécois ne sont pas sortis du bois.