Deux matchs pour revoir la « vraie » équipe canadienne de soccer

L'équipe canadienne de Bev Priestman n'a plus joué depuis son élimination à la Coupe du monde.
Photo : afp via getty images / WILLIAM WEST
KINGSTON, Jamaïque — Depuis 52 jours, l’image qu’évoque une mention de l’équipe féminine canadienne de soccer est celle d’une équipe vaincue. Un groupe d’athlètes de haut niveau engouffré par une marée verte et dorée qui fête, au son d’artistes locaux émergents du nom de Sia et d'AC/DC, une victoire d’une ampleur inespérée.
Mais depuis ce catastrophique 4-0 contre l’Australie qui a mis fin à leur Coupe du monde, les Canadiennes ont eu le temps de faire le vide dans leur tête. Le début d’une nouvelle saison, pour celles qui sont établies en Europe, ou encore la dernière ligne droite de la campagne en Amérique du Nord donnent l’occasion de passer rapidement à autre chose.
Vendredi, au stade national de la Jamaïque, les Rouges ont la chance de se retrouver. Elles l’ont fait, au sens propre, il y a quelques jours déjà. C’était en Floride, où elles ont tenu leurs séances d’entraînement jusqu’à la dernière, celle de jeudi matin, avant de s’envoler pour Kingston.
Ici, elles voudront se retrouver, au sens figuré. Retrouver l’essence de cette équipe, cette sélection championne des Jeux olympiques, dans le premier des deux matchs qui établiront si elles pourront défendre leur titre à Paris ou non.
C’est dans le creux de notre ventre, on sent encore cette défaite, mais c’est après une déception qu’on peut faire le plus de dégâts, a soutenu la sélectionneuse Bev Priestman, jeudi, en conférence de presse. Je crois bien que ce groupe est plus affamé que jamais, justement en raison de ce revers.
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Rares sont les entraîneuses qui vont dire publiquement de leurs athlètes qu’elles se traînent les pieds à l’entraînement, encore moins à 24 heures d’une échéance si cruciale. Il n’y a donc rien de bien surprenant à ce que Priestman affirme avoir remarqué une progression nette à l’entraînement. Toujours est-il qu’elle semblait fort sincère.
Peut-être était-ce la présence de Janine Beckie, de retour parmi les siennes après six mois de convalescence, mais purement à des fins d’intégration
selon l’équipe. Quoi qu’il en soit, Beckie, pendant qu’elle se remettait de sa rupture du ligament croisé antérieur, est devenue plus que jamais un phare pour son équipe, qui pouvait compter sur elle pour assumer des responsabilités accrues dans les pourparlers avec la fédération nationale.
Beckie n’a pas voyagé en Jamaïque, et elle n’est pas la seule joueuse d’expérience qui manque à l’appel. En y ajoutant la retraite internationale de Sophie Schmidt et l’absence d'Allysha Chapman, l’expérience collective est amputée de 424 sélections.
C’est à toutes les autres d’apporter leur leadership, a rappelé Priestman. Quelques vétéranes ne sont pas ici, mais il y a tout un groupe de joueuses d’expérience qui pourront se faire entendre et qui seront peut-être plus à l’aise de le faire.
Une joueuse convoquée dans cette équipe est une joueuse à qui on accorde le droit d’être une leader.
Les Canadiennes ont gagné les neuf matchs qu’elles ont joués jusqu’ici contre les Jamaïcaines, mais il est légitime de se demander qui sont les favorites. Toutes championnes olympiques qu’elles sont, les représentantes de l’unifolié préféreraient oublier leur Coupe du monde, tandis que les Jamaïcaines ont accédé aux huitièmes de finale avec une performance héroïque contre le Brésil pour conclure la phase de groupe.
La dernière fois que le Canada a affronté la Jamaïque, en demi-finale du Championnat W de 2022, la remarquable attaquante Bunny Shaw n’avait pas joué, a souligné Priestman. Elle s’attend pleinement à ce que la vedette de Manchester City soit en action au stade national, vendredi. La dynamique du match sera tout autre.
À la Coupe du monde, elles ont montré une vraie résilience. C’est une équipe vraiment difficile à déjouer, et leur mentalité jouera un rôle dans ce match. Je sais qu’après avoir vécu de si grandes émotions, un groupe est plein de confiance
, a-t-elle ajouté.
Du côté jamaïcain, la journée de jeudi n’aura pas permis d’apprendre grand-chose.
L’équipe, disait-on, devait s’entraîner au stade national en fin d’après-midi, mais les joueuses se sont plutôt contentées d’une visite de reconnaissance qui n’aura même pas duré cinq minutes. Tout juste a-t-on su que deux des enfants du directeur des opérations du stade habitent au Canada et que l’aéroport de Toronto n’a pas la cote dans cette famille.

Les joueuses de l'équipe jamaïcaine ont rapidement foulé le terrain du stade national de Kingston, jeudi.
Photo : Radio-Canada / Olivier Tremblay
Des 23 joueuses qui ont participé au Mondial, le sélectionneur Lorne Donaldson en a retenu 20 pour cette série aller-retour, qui pourrait bien être sa dernière dans ce poste. Donaldson est sans contrat après le deuxième match prévu mardi, selon ce qu’il a déclaré au quotidien jamaïcain The Gleaner.
La bonne nouvelle, cette semaine, a été cette annonce du Comité olympique national, qui prévoit un investissement de 25 millions de dollars jamaïcains (environ 217 000 $ CA) dans le programme féminin.
En conférence de presse, le président de la Fédération jamaïcaine de soccer en a profité pour indiquer que des billets pour le match de vendredi seraient remis à des associations sportives locales pour faire en sorte que l’équipe soit adéquatement soutenue contre le Canada, selon ce qu’a rapporté le Jamaican Observer. La salle comble prévue mardi au BMO Field, visiblement, fait son effet en Jamaïque.
On sent que les gens parlent du match, c’est ce à quoi je m’attends, a soutenu Priestman. Ils vont être derrière cette équipe qui les a probablement rendus fiers à la Coupe du monde […] Ce sera important de rester solidaires, très unies, et de nous mettre à l’abri à certains moments.
Priestman ne croyait pas si bien dire : précisément 20 minutes après qu’elle eut prononcé ces mots, on pouvait sentir un séisme en Jamaïque.