ChroniqueLes recrues du CH, la patience et les tigres

Jean-François Houle, entraîneur du Rocket de Laval, avec les recrues du Canadien
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Le tournoi des recrues qui s’est conclu lundi à Buffalo n’avait pas du tout la même saveur qu’en 2022. Pas pour l’organisation du Canadien en tout cas.
L’an dernier, pas moins de quatre défenseurs qui portaient les couleurs du petit CH à ce tournoi (Jordan Harris, Kaiden Guhle, Arber Xhekaj et Justin Barron) avaient ensuite été admis dans le grand club et avaient disputé au moins la moitié de la saison 2022-2023 dans la LNH.
Et c’était sans compter l’attaquant Juraj Slafkovsky. Le premier choix du repêchage de 2022 avait nettement dominé dans ce tournoi et on l’avait vu décrocher un poste à Montréal quelques semaines plus tard.
La cuvée de cette année nécessitera un peu plus de patience, mais cela ne signifie pas qu’elle soit dénuée d’intérêt. Sans plus tarder, voici quelques observations inscrites dans mon carnet :
Logan Mailloux
Deux ans après le scandale entourant sa sélection, le grand défenseur a endossé le chandail tricolore pour la première fois dans ce tournoi.

Logan Mailloux
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Vendredi, son premier match (contre la redoutable cuvée des Sabres) s’est avéré très difficile. Celui de samedi face aux Bruins était meilleur, mais quand même brouillon. Puis, lundi après-midi, le vrai Mailloux a resurgi et il a disputé une excellente rencontre face aux recrues des Sénateurs.
Mailloux touche souvent à la rondelle. Il aime la faire circuler et la transporter. Cela fait en sorte qu’il commettra toujours plus de revirements que les arrières pratiquant un style steak, blé d’Inde, patates. Il est aussi particulièrement à l’aise pour manier le disque près de la ligne bleue et tenter de dénicher les meilleures lignes de tirs ou de passes. C’est une qualité qui n’est pas donnée à tous.
Bref, il possède un flair offensif évident. Il distribue de solides mises en échec à l’occasion, mais son jeu défensif nécessite un bon polissage.
Il n’a disputé que 71 rencontres au cours des deux dernières saisons. Il faut lui donner du temps.
Owen Beck
Ce choix de deuxième tour en 2022 avait constitué l’une des plus belles révélations au tournoi de l’an dernier. Le CH l’avait même rappelé d’urgence au cours de la saison, ce qui lui avait permis de disputer un premier match avec le grand club.

Owen Beck au camp des recrues
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Ces derniers jours, Beck n’a pas mal joué, mais il ne s’est pas démarqué outre mesure. Peut-être avait-il déjà la tête au vrai camp?
Sean Farrell
Après une excellente saison à Harvard, cet attaquant de petit gabarit a terminé la dernière campagne en disputant six matchs peu mémorables à Montréal.
Or, il s’est révélé presque invisible à Buffalo et lors du match de lundi, même s’il était jumelé aux deux meilleurs attaquants de la formation, Beck et Joshua Roy.
Joshua Roy
Puisqu’il est question de Roy, soulignons son excellente prestation dans ce tournoi.

Joshua Roy
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Roy n’est pas électrisant, mais il comprend le jeu et il est efficace des deux côtés de la patinoire. Il peut exceller autant en avantage numérique que pour défendre une courte avance en fin de match.
Il a été, de loin, l’attaquant le plus menaçant du Bleu-blanc-rouge contre les Sénateurs. Et il a marqué samedi face aux Bruins.
Filip Mesar
Le petit attaquant slovaque a été le 26e choix du repêchage de 2022. Il a offert un rendement correct, sans plus, à Buffalo.
Son talent de passeur lui a quand même permis de créer deux chances de marquer en fin de tournoi contre les Sens.
Dans les gradins, les observateurs ne cachaient toutefois pas leur émerveillement devant le brio de Jiri Kulich, des Sabres. Ce centre a été choisi deux rangs derrière Mesar et a inscrit 24 buts (à l’âge de 18 ans) dans la Ligue américaine la saison dernière.
Mesar est encore en plein développement, et il faut laisser la chance au coureur. Mais cette comparaison fait mal. Un peu comme celle qui s’était rapidement imposée entre Jesperi Kotkaniemi et Brady Tkachuk, il y a quelques années.
David Reinbacher
Avant de se pencher sur le cas de Reinbacher, il vaut la peine de jeter un coup d’œil à la progression de Simon Nemec.
Qui est Nemec? C’est le défenseur slovaque que les Devils du New Jersey avaient choisi au second rang du repêchage de 2022.
Au tournoi de Buffalo l’an passé, Nemec ne figurait même pas parmi les quatre meilleurs défenseurs des petits Devils. L’adaptation aux patinoires nord-américaines n’est pas vraiment évidente pour les défenseurs européens. Et le premier contact avec le hockey professionnel est encore moins évident pour un défenseur de 18 ans.
Or, les Devils ont choisi de faire jouer Nemec directement dans la Ligue américaine la saison dernière. Et au tournoi des recrues de cette année, il était littéralement transformé. C’était clairement lui le meneur de jeu des siens.
Revenons maintenant à Reinbacher, que le Canadien a choisi au cinquième rang en juin dernier.

David Reinbacher (à gauche)
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Notons au départ que les dirigeants montréalais ont très bien entouré Reinbacher en le jumelant avec William Trudeau, le meilleur défenseur de l'équipe à Buffalo. Trudeau compte toutefois une saison d’expérience dans la Ligue américaine.
Reinbacher est intelligent avec la rondelle. Ses esquives forcent les joueurs adverses à réfléchir lorsqu’ils le pourchassent. Ses lectures de jeu sont bonnes et il ne cherche jamais à compliquer les choses. Il ne tente pas de créer des jeux où il n’y en a pas, ce qui fait qu’il commet peu d’erreurs.
Il n’a pas l’instinct offensif de Mailloux, mais il peut en donner plus à l'attaque qu’il ne l’a fait ces derniers jours.
Bien qu’il ait pris 15 livres de muscles cet été, sa maturité physique n’est pas atteinte et l’aspect physique des petites patinoires nécessitera une acclimatation, particulièrement lorsqu’il se fait frapper.
La question qui tue : les dirigeants du CH devraient-ils l’envoyer à Laval pour lui permettre de suivre un chemin semblable à celui de Nemec? Pour l’instant, on semble privilégier un retour en Europe dans son cas. C’est un débat intéressant.
Florian Xhekaj
Un vieux dicton veut que la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Et Florian Xhekaj, lui, n’a visiblement pas atterri loin de son frère Arber lorsqu’il est tombé de l’arbre.
Avant le dernier repêchage, on a entendu le codirecteur du recrutement amateur du Tricolore, Nick Bobrov, dire que le cadet des Xhekaj est une licorne (un joueur rare). C’était tout un compliment pour un attaquant finalement sélectionné au quatrième tour.
À Buffalo, Xhekaj a laissé la carte de visite d’un joueur belliqueux qui aime distribuer de solides mises en échec. Lundi, il a notamment jeté les gants pour frapper au visage un adversaire qui était à genoux. Il a terminé le match avec six minutes de pénalité inutiles.
Un autre vieux dicton veut qu’il soit préférable, pour un entraîneur, de devoir tenir un tigre en laisse plutôt que de tenter de peindre des rayures sur un chat.
Saluons donc la combativité de Xhekaj. Mais puisse-t-il aussi étaler ses qualités techniques, qui ne semblent pas mauvaises.
Issac Dufort
J’ai bien aimé ce joueur invité. Âgé de 20 ans, ce porte-couleurs du Drakkar de Baie-Comeau s’est illustré de plusieurs manières durant le tournoi.
Samedi face aux Bruins, Dufort a bien réussi en attaque et a obtenu plusieurs chances de marquer. Puis lundi, il a attiré l’attention par son implication et son acharnement dans les batailles pour la rondelle. Il a aussi fait de petites choses que les entraîneurs apprécient, comme bloquer des tirs.
Contre les Sénateurs, Jean-François Houle l’a récompensé en l’utilisant dans les derniers instants du match afin de protéger la courte avance de 2-1.