Le cerveau derrière les ligues simulées

Les remises de trophées de la LNH en 2017
Photo : Getty Images / Ethan Miller
Se placer dans la chaise du directeur général et derrière le banc de sa propre équipe de hockey, c’est ce que propose un logiciel utilisé partout dans le monde, mais qui a été créé au Québec. À Laval, plus précisément.
Il existe plusieurs logiciels qui permettent à des amateurs de simuler des résultats sportifs, de mettre en opposition différentes équipes, montées de toutes pièces par des apprentis directeurs généraux.
Au baseball, la série Out of the Park jouit d’une grande popularité. Le jeu est même utilisé par des clubs du baseball majeur pour simuler des résultats, dans le but d’exposer des gérants à divers scénarios et de les aider à explorer les décisions possibles, par exemple.
Ces simulateurs reposent sur des équations mathématiques, qui se nourrissent de données tirées du réel. Au hockey, le logiciel le plus souvent utilisé est STHS, qui existe depuis presque 20 ans.
Son créateur, Simon Tremblay, l’a mis au point lorsqu’il habitait toujours chez ses parents. Aujourd’hui, il distribue des licences de l’Asie à l’Australie en passant par l’Europe. Mais la majorité des quelque 275 licences actives ont été achetées au Canada et aux États-Unis.

Exemple d'une équipe dans une ligue simulée
Photo : Capture d'écran
Ces licences permettent aux propriétaires de mettre en place leur propre circuit et de le paramétrer à leur goût. Ils peuvent ensuite permettre à un groupe de directeurs généraux (habituellement une trentaine) de donner vie à une ligue simulée. Ce sont donc plusieurs milliers de personnes qui s’adonnent à ce plaisir virtuel, année après année.
Ça existait avant moi. C’était un autre logiciel, mais il y avait des fichiers corrompus, des bogues. Ça datait de 1997. Et en septembre 2005, je n’avais rien à faire, il n’y avait rien à la télé. J’ai décidé que j’allais lancer mon propre logiciel, explique celui qui a appris la programmation au cégep. Je travaillais de 8 à 5, je vivais chez mes parents et je travaillais là-dessus le soir, comme hobby. Mais ç'a vraiment marché rapidement, les gens m’écrivaient pour me donner des idées.
Presque 20 ans plus tard, le succès ne s’essouffle pas. Une véritable communauté s’est bâtie autour du logiciel, et des personnes continuent de lui envoyer des suggestions pour peaufiner le programme et l’algorithme qui le soutiennent. Mais cela reste un passe-temps pour le Lavallois.
C’est vraiment un hobby pour moi, relate celui qui travaille en cybersécurité. L’intérêt, c’est que contrairement aux licences EA Sports, tu n'as pas besoin de payer 90 $ chaque année pour jouer. C’est un petit montant que tout le monde se partage, ça ne revient pas cher pour des heures de plaisir. Et ça crée des liens forts, des gens qui se rencontrent en ligne et qui vont faire leur repêchage dans un restaurant, devenir amis.
Des amateurs qui prennent ça au sérieux, et qui font face aux mêmes contraintes que les directeurs généraux professionnels. Le système salarial de la LNH est vraiment compliqué, mais notre système le reproduit, dollar pour dollar. Ça ajoute au réalisme de la chose.
Des questions de chiffres
Il est plus facile de mettre au point un simulateur de baseball, étant donné la nature plus prédictible du sport et l’abondance de statistiques qui l’encadrent. Le hockey étant un sport plus imprévisible, il est difficile de le reproduire uniquement avec des séries de chiffres.
C’est pour ça que dans le logiciel, il y a une portion aléatoire assez importante. Ce qui détermine le résultat, ce sont des mathématiques, mais avec une notion aléatoire qui va pondérer les données. C’est mon plaisir, des gens qui me disent : "J’ai monté un club boosté, mais je perds." Comme Boston dans la vie.
La création du logiciel a nécessité tout un travail de calculs pour offrir des résultats qui présentent des résumés de match détaillés, séquence par séquence et le plus près possible de la réalité.

Fenêtre présentant le résultat d'un match simulé.
Photo : Capture d'écran
Je prends des valeurs barèmes tirées de la LNH, disons que c'est 3,14 buts par match. Je fais ensuite des séries de tests pour arriver à un résultat, à la fin de la saison, le plus près de ça, en calibrant chaque valeur, chaque fois. Je m'arrange pour que ça corresponde. Je fais ça pour le pourcentage de buts inscrits sans assistance, inscrits par un défenseur, le nombre d'arrêts par match, etc. On arrive à quelque chose de fidèle.
Dans la LNH, même les meilleurs centres dans le cercle des mises en jeu ont un taux de réussite de, genre, 55 %. Donc, je ne peux pas donner trop d'importance aux attributs des meilleurs joueurs de centre. Dans le simulateur, je rajoute une plus grande variabilité aléatoire ici, par exemple.
Après, c'est un ensemble de séquences qui va déterminer le résultat. Un joueur obtient la rondelle. Est-ce qu'il fait une passe? Est-ce qu'il est bon pour faire des passes? Est-ce qu'il patine? Est-ce que l'adversaire sur la glace en même temps que lui est plus rapide? On y inclut les rebonds malchanceux. L'enchaînement de décisions va décider des scénarios, grâce à la machine.
Le code précis qui régit cette machine, Simon Tremblay le protège jalousement, sachant très bien que tout le succès de son entreprise repose sur là-dessus. Le plaisir, c'est d'y aller par essai et erreur et de le découvrir petit à petit. C'est la clé de la matrice.