ChroniqueLa présence russe aux JO de Paris divise plus que jamais
À un peu plus d'un an de la cérémonie d'ouverture, tous les scénarios sont sur la table, même le boycottage.

L’Ukraine tente de constituer une coalition contre la présence des athlètes russes aux Jeux olympiques de Paris en 2024.(Photo d'archives)
Photo : AFP / LIONEL BONAVENTURE
L’assemblée générale de l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été (ASOIF) s'est tenue mercredi, à Lausanne, sur fond de divergences. La question de la présence des athlètes russes et bélarusses aux prochains Jeux était au cœur des débats.
La déclaration du président de l’ASOIF, Francesco Ricci Bitti, est loin d’être rassurante. Chaque sport a son opinion. Selon moi, nous sommes loin d’un consensus et c’est même utopique de croire qu’on y arrivera
, a-t-il dit.
Nous avons demandé à plusieurs intervenants dans les fédérations internationales, et même à la présidence de l’ASOIF, de commenter, mais le silence est de mise.
Dans ce contexte, Radio-Canada Sports a discuté avec le spécialiste des questions olympiques, le consultant Armand de Rendinger, qui entrevoit plusieurs scénarios possibles.
Premier scénario : il n’y aura pas de Russes, car ils ne se seront pas qualifiés. Il y a aussi la possibilité que les athlètes russes et bélarusses qui se sont qualifiés montrent patte blanche et signent un document qui les déclare hostiles à la guerre. Ils pourront alors participer sous bannière neutre. Et il y a le dernier scénario, celui de l’exclusion pure et simple.
Il faut savoir que chaque fédération internationale est indépendante du CIO et est libre de ses décisions et de ses mouvements. Le surf et le badminton ont maintenu l’exclusion. La très puissante Fédération internationale d'athlétisme maintient aussi l’exclusion pure et simple. Depuis quelques mois, son président, Sebastian Coe, est entré dans une partie de bras de fer avec le président du CIO, Thomas Bach.

Le président du CIO Thomas Bach et le président de World Athletics Sebastian Coe
Photo : Getty Images / Alexander Hassenstein
Aurait-il des velléités de le remplacer après son dernier mandat à la tête du mouvement olympique? C’est une possibilité à envisager, malgré l’âge de Coe.
La menace d'un boycottage est bien réelle
Pour le spécialiste des questions olympiques, la menace d’un boycottage de certains pays est envisageable,
Il y a déjà des pays qui ont fait part de leur intention de boycotter si les athlètes russes et bélarusses se présentent à Paris. La Pologne en est l'exemple.
Il faut rappeler que la Pologne a interdit aux athlètes russes et bélarusses d’entrer sur son territoire pour les Jeux européens, qui auront lieu à Cracovie du 21 juin au 2 juillet. Certaines épreuves y seront qualificatives pour les prochains JO.
Alors, dans ce cadre, que fera le président français Emmanuel Macron, qui a déclaré qu’il prendrait cet été sa décision sur la venue ou non des athlètes bannis?
Sur cette question, Armand de Rendinger est clair.
Il pourrait interdire l’accès aux Russes et aux Bélarusses, mais il ne le fera pas, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une grande partie de la billetterie a été achetée par des Russes ou des pays amis. De plus, Macron se réfugiera derrière les valeurs universelles de la France, celle, entre autres, de la terre d’accueil, pour défendre sa position. Il va effectivement sacrifier les valeurs humaines au profit du commerce olympique. Il se rangera derrière les positions du CIO, l'enjeu économique et politique étant trop grand.
Selon le spécialiste, il faut s'attendre à des débats houleux à l’Assemblée nationale sur la question. Et tout cela dans un contexte où il n’y a plus de capitaine dans le navire olympique français, après la démission de sa présidente Brigitte Henriques.

L'équipe olympique russe d'escrime à Tokyo
Photo : afp via getty images / FABRICE COFFRINI
Certaines fédérations, comme celles d'escrime, de triathlon ou de tir, ont déjà réintégré les athlètes bannis. D’ailleurs, les Championnats d’Europe d’escrime, qui sont qualificatifs pour les Jeux olympiques, devaient se tenir à Cracovie. Devant le danger
tel que décrit par le président de la Fédération internationale que les Russes et Bélarusses n’obtiennent pas de visas, on les a déplacés en Bulgarie, un pays sous influence russe.
Si les divisions persistent entre les fédérations internationales, on peut effectivement s’attendre à des Jeux olympiques à plusieurs vitesses. Des tireurs en escrime et en tir, des coureurs en triathlon, mais pas de pelouse ou de piste, pas plus que de planches ou de moineaux, pour les Russes et Bélarusses.
Un nuage noir plane donc au-dessus du mouvement olympique. Les prochains mois seront déterminants si l'on veut réellement le dissiper.
La devise de Paris 2024 est Ouvrons grands les Jeux
. La crainte que des portes se ferment est pourtant bien réelle.