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Un an plus tard, ce qui a changé dans le hockey junior canadien

Éclaboussé par de nombreux scandales depuis un an, le monde du hockey devra changer pour survivre.

Dans le noir, des partisans imperceptibles font la file pour accéder à une boutique qui vend des produits dérivés de Hockey Canada.

Des spectateurs font la file pour accéder à une boutique de Hockey Canada.

Photo : The Canadian Press / Darren Calabrese

L’image du hockey junior a été ternie au pays quand des allégations d’agressions sexuelles et d’initiations dégradantes ont fait surface à plusieurs reprises ces 12 derniers mois. La perception de la population envers son sport national a changé, l’image de marque de Hockey Canada a été grandement affaiblie et il existe maintenant une certaine méfiance du public envers les grandes institutions qui régissent le hockey junior.

La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, est catégorique : pour survivre, le hockey junior doit changer.

Il existe une crise de confiance en ce moment, et beaucoup de parents hésitent à inscrire leur enfant au hockey, ou ne veulent tout simplement plus, a-t-elle relaté en entrevue à Radio-Canada Sports. Les changements en cours, c’est une question de pérennité pour le sport.

Le directeur général de la Ligue de développement M18 AAA, Yanick Gagné, constate aussi une baisse d’inscriptions, mais qui est surtout attribuable aux contrecoups de la pandémie, pour l’instant, dit-il.

Néanmoins, il est conscient que les responsables des organisations sportives ont le mandat de réhabiliter un sport qui en a pris pour son rhume cette dernière année.

Je vous dirais que oui, on se fait poser un peu plus de questions par les parents. Mais c’est une question de culture en général de la société qui évolue. Ça a commencé avant que les histoires chez Hockey Canada sortent. Les parents sont plus soucieux et veulent davantage être rassurés.

Une citation de Yanick Gagné, directeur général de la Ligue de développement M18 AAA

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Il insiste sur l’importance d’établir des liens de communication forts avec les parents qui seraient encore réticents à venir cogner à la porte des différents intervenants du M18, de peur de nuire à leurs enfants.

Les parents ont souvent l’impression que, s'ils posent trop de questions, ça va nuire à l’avancement de leur enfant. On est ailleurs aujourd’hui. Ce genre de pensée doit être éliminée. Ils doivent se sentir à l’aise de venir poser des questions s’ils souhaitent être rassurés que leur enfant se trouve bel et bien dans un environnement positif, dans lequel il peut s’épanouir.

Benoit Séguin, professeur à l’Université d’Ottawa, est spécialisé en gestion et en marketing du sport.

Selon lui, le risque de voir des enfants s’éloigner des patinoires est bien réel.

C’est un danger pour Hockey Canada. On parle d’accusations et d’allégations graves, autant les histoires d’agressions sexuelles que celles sur les initiations dégradantes. Si les parents sentent que les fédérations ont mal géré la situation et que la sécurité des jeunes n’est pas assurée, c’est un enjeu. Mais ce n’est pas propre au hockey. Plusieurs sports sont sur la corde raide et on sent que, désormais, les fédérations sportives seront tenues plus responsables de leurs gestes.

Une femme en col roulé et veston donne une entrevue.

Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports

Photo : Société Radio-Canada

D’où la nécessité, pour la ministre St-Onge, de voir les organisations agir rapidement. Et ça commence par Hockey Canada. Ils doivent redorer l’image et entreprendre des gestes concrets pour montrer que ce qui s’est produit par le passé, ça ne se reproduira plus.

Ce qui a changé dans la structure

À Hockey Canada, la majorité des changements ont été provoqués par la publication d’un rapport de l’ancien juge Thomas Cromwell portant sur sa gouvernance. Il plaidait d’abord pour une refonte complète de la haute direction.

Le juge Cromwell estimait qu’il valait mieux pour Hockey Canada de faire table rase et de repartir sur de nouvelles bases avec de nouveaux administrateurs. Il a aussi recommandé que le processus de recrutement des administrateurs soit revu.

Un nouveau conseil d’administration a été formé en décembre, avec à sa tête un nouveau président, Hugh L. Fraser. Le poste de directeur général est occupé de façon intérimaire par Pat McLaughlin.

Souriant, il tient une médaille d'or à côté d'un joueur enveloppé dans un drapeau canadien.

Le nouveau président du conseil d'administration de Hockey Canada, Hugh L. Fraser

Photo : The Canadian Press / Darren Calabrese

Il reste encore beaucoup de travail à faire, conçoit Pascale St-Onge, qui est tout de même satisfaite de l’arrivée des nouveaux visages autour de la table. Les personnes nouvellement en place sont vraiment engagées dans le changement. J’ai discuté à plusieurs reprises avec le président et les administrateurs, ainsi qu’avec les personnes embauchées dans des postes clés et qui auront le mandat d’amener ce changement. Le conseil est là pour une période d’un an pour entamer des réformes. Ce sera important aussi de voir la prochaine vague de personnes qui va arriver et de voir qui sera engagé à titre de nouveau directeur général dans les prochaines semaines.

Depuis leur arrivée en poste, le financement de Hockey Canada par Ottawa a été rétabli. Mais pour conserver cette aide financière, la fédération devra suivre certains barèmes imposés par le gouvernement, en ce qui a trait à la composition des conseils d’administration.

  • La taille des conseils d’administration devra être fonctionnelle, donc être composé de 5 à 15 membres (l’idéal étant de 7 à 11 membres);

  • Au moins 40 % des administrateurs des C. A. devraient être indépendants (ne recevoir aucun avantage matériel et être libre de conflits d’intérêts);

  • Le C. A. devrait être composé, au maximum, de 60 % d’administrateurs du même genre;

  • Au moins un représentant des athlètes devra siéger au conseil d’administration ou, du moins, être observateur;

  • Le président du C. A. devrait être élu par les administrateurs et être indépendant.

Le gouvernement a réformé son système sportif dans le but d’uniformiser les pratiques en matière de gouvernance et de rendre plus transparentes et imputables les fédérations qu’elle finance. Il impose certaines règles tirées du nouveau Code de gouvernance du sport canadien présenté plus tôt ce mois-ci.

Notamment, l’obligation de publier des états financiers détaillés sur le site Internet que des parents pourront consulter et utiliser pour poser des questions en ce qui a trait aux droits d'inscription.

Plus les gens ont accès à l’information, plus il y a de redditions de compte, le mieux c’est. C’est primordial et ça fait partie de l’une des nouvelles obligations qui vont peser sur toutes les fédérations.

Une citation de Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports

La ministre St-Onge croit aussi que l'imposition d'une plus grande transparence financière auprès des organisations aurait aidé à découvrir plus rapidement l’existence de fonds dédiés aux agressions sexuelles, par exemple.

Le juge Cromwell exigeait aussi, dans son rapport, une plus grande transparence. Il demandait une refonte des règlements administratifs, notamment pour la publication de procès-verbaux pour chaque réunion.

Ce qui a changé dans les vestiaires

Le comportement des hockeyeurs sur la glace, mais surtout en dehors de celle-ci, a aussi été décrié ces derniers mois en raison des histoires d'intimidation et de harcèlement qui ont fait les manchettes au pays.

Un changement de culture s’impose selon les différents intervenants du milieu.

Une meilleure éducation, ça fait assurément partie de la solution, plaide la ministre St-Onge.

Yanick Gagné, qui a aussi travaillé pour Hockey Canada et pour Hockey Québec avant de se joindre à la Ligue M18, estime qu’un travail de fond est en cours depuis un moment déjà auprès des jeunes.

On n'a pas attendu que ces histoires-là sortent, on essaie de prévoir un coup à l’avance, et pas juste d’être en réaction.

Les initiations sont interdites depuis longtemps dans le circuit. Tous les athlètes doivent également signer des formulaires d’engagement en début de saison, et des formations données par un ancien policier sur les responsabilités légales qui incombent aux joueurs sont offertes chaque année.

Lui et ses collègues cherchent à bonifier l’offre et sont en pourparlers avec le programme Groupe Respect, mené par les ex-hockeyeurs Sheldon Kennedy et Bruno Gervais.

Yanick Gagné souhaite aussi que l’on encadre mieux les entraîneurs.

On a eu une formation complète sur une journée, donnée par l’organisme Pour 3 Points, sur la relation joueurs-entraîneurs. Les générations sont différentes. Ce n’est pas toujours facile pour les entraîneurs ou les équipes de travailler dans ça. Il y a les parents d'impliqués. Il faut se maintenir à la page.

Les joueurs devront aussi prochainement signer un nouveau code portant précisément sur la maltraitance et l’intégrité en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs.

La Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) va aussi instaurer un code du vestiaire pour mettre fin aux rituels d'initiation violents et dégradants dès la saison 2023-2024.

Le commissaire Gilles Courteau, qui a été poussé à la démission, en a fait l’annonce peu avant son départ.

Il avait avoué ne pas avoir lu le détail d’un rapport visant des comportements inappropriés dans sa ligue avant de se présenter lors d’une commission parlementaire sur le sujet.

En commission, la ministre québécoise responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest, avait également déploré que le système de plaintes en place dans la LHJMQ ne soit pas indépendant.

Mario Cecchini lors du point de presse qui annonce sa nomination au titre de commissaire de la LHJMQ.

Le nouveau commissaire de la LHJMQ, Mario Cecchini

Photo : Radio-Canada

Le nouveau président de la LHJMQ, Mario Cecchini, a depuis dévoilé qu’un nouveau mécanisme de réception des plaintes serait mis en place dès la prochaine saison. Les personnes qui auraient vécu de l’intimidation pourront se rapporter à une personne tierce qui n’entretient pas de lien avec la ligue.

Les fédérations nationales qui reçoivent du financement du gouvernement fédéral devront aussi adhérer au programme Sports Sans Abus, qui vise à contrer la maltraitance dans le sport. Hockey Canada est devenu signataire du protocole en octobre.

À l’échelle nationale, les possibles victimes peuvent maintenant se tourner vers le Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS), un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes et de donner des sanctions au besoin.

Il faut faire connaître l’existence du bureau, maintenant, qui existe depuis seulement un an si on veut briser la culture du silence, avance la ministre St-Onge.

Ce qui a changé dans l’imaginaire collectif

Après un tournoi mitigé à Edmonton, tenu en plein été en raison de la pandémie de COVID-19, Hockey Canada a renoué en grand avec son public à Halifax lors du dernier mondial junior, en décembre 2022.

En Alberta, à peine 4400 spectateurs étaient présents en moyenne pour les matchs du Canada, en excluant la grande finale. Le président de la Fédération internationale de hockey (IIHF), Luc Tardif, avait déclaré que les scandales dans le hockey junior avaient certainement eu un effet dissuasif sur le public. Les principaux commanditaires s’étaient également retirés du projet.

Des partisans nombreux applaudissent Shane Wright, qui soulève un trophée.

Les partisans étaient nombreux à Halifax et à Moncton, lors du dernier mondial junior.

Photo : The Canadian Press / Darren Calabrese

À Halifax, même si les logos des grandes enseignes ne figuraient pas sur les bandes, les partisans étaient de retour dans les gradins et arboraient fièrement le chandail de l’unifolié.

Pour la grande finale, remportée par le Canada, des billets étaient remis en vente par des acheteurs pour plusieurs dizaines de milliers de dollars.

C’est là qu’on voit que la marque de Hockey Canada était faite forte, estime le professeur Benoit Séguin. C’est une marque qui est implantée dans la culture canadienne. Ça aide à traverser les tempêtes. Ça a donné de la marge de manœuvre à l’organisation.

Il s’étonne d’ailleurs de voir que les administrateurs ont persisté longtemps à ne pas vouloir démissionner afin de sauver leur image personnelle, quitte à nuire à celle de la fédération qui s’est construite sur des décennies. Il rappelle que la réputation d’une organisation est un actif primordial.

L’expert en marketing croit que ce sera bientôt aux commanditaires de rentrer au bercail.

Sur le site web, le nom des grosses compagnies est encore là. Les commanditaires n’ont pas quitté le navire, ils ont juste retiré certains investissements ciblés sur le programme masculin. Je m’attends à ce qu’elles reviennent bientôt.

Un partisan, qui ne peut être identifié, porte un chandail avec le logo de Hockey Canada.

L'écusson de Hockey Canada a été éclaboussé, depuis un an, mais les partisans continuent de le porter.

Photo : The Canadian Press / Darren Calabrese

Celui qui enseigne à l’Université d’Ottawa ne croit pas que les commanditaires seront tentés de délaisser le hockey pour d’autres sports. Il y a des scandales dans d’autres sports aussi, rappelle-t-il. Le hockey, ça attire encore beaucoup de monde. Les commanditaires ont un retour sur leur investissement.

Mais je crois que les commanditaires qui ne regardaient pas ça de trop près avant vont être plus attentifs aux fédérations à qui elles donnent de l’argent. Ce ne sera plus un chèque en blanc. Elles voudront s’assurer que ces fédérations sont responsables de leur geste, que leurs investissements sont entre bonnes mains.

Une citation de Benoit Séguin, professeur à l'Université d'Ottawa spécialisé en marketing du sport

Selon lui, les entreprises ont même maintenant un rôle social à jouer.

Les administrateurs ont démissionné quand les grandes compagnies ont cessé de donner de l’argent. Quand le gouvernement a gelé les fonds, il n’y a pas eu de changement concret. Les entreprises peuvent jouer ce rôle-là, maintenant, de tenir responsables les fédérations.

De financer seulement les programmes féminins ou de parahockey n’est pas une position tenable et constructive à long terme, selon lui.

Hockey Canada ne va pas délaisser son programme masculin, c’est sa vache à lait. Ce sont des millions en produits dérivés. À la fin, il y a un bottom line [une ligne calculant revenus et dépenses dans un budget], un certain montant total avec lequel Hockey Canada peut jouer pour continuer à financer son programme masculin. Je m’attends de toute façon à ce que les commanditaires reviennent au hockey masculin, au mondial junior. Par contre, la fédération n'est pas sortie de cette crise. On attend encore les rapports d’enquête.

Quatre enquêtes sont en effet en cours, du côté de la Fédération internationale de hockey, de Hockey Canada, de la Ligue nationale de hockey et de la police de London, afin de faire la lumière sur les allégations d’agressions sexuelles visant des membres de l’édition 2018 de l’équipe junior canadienne.

La police d’Halifax enquête aussi au sujet d’une vidéo captée lors d’un viol collectif présumé il y a près de deux décennies. Elle connaîtrait les noms de deux joueurs impliqués.

En mars dernier, Hockey Canada a annoncé que les joueurs de l'équipe du mondial junior de 2018 ne seront pas considérés pour les compétitions internationales jusqu'à la fin de l'enquête sur une agression sexuelle présumée impliquant des membres de l'équipe.

Un bandeau annonçant le balado de Radio-Canada Sports : Tellement hockey

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