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Chronique

La F1 à Monaco sous la pluie, c’est l’enfer

Une monoplace négocie l'épingle du circuit de Monaco, sur une piste humide.

Sergio Pérez dans les rues de Monte-Carlo pendant le Grand Prix

Photo : Getty Images / SEBASTIEN BOZON

Qui pense au Grand Prix de Monaco pense à l’extravagance du rendez-vous. Mais si la pluie tombe, n'existe plus que la peur de frapper le rail et de se faire mal.

Chaque printemps, la principauté ferme ses rues, installe ses gradins et prépare les garages des équipes de F1, toujours à l’étroit, il faut le dire, malgré les gros efforts de l'Automobile club de Monaco.

C’est le grand prix le plus tape-à-l’œil du calendrier... en attendant la présentation du premier Grand Prix de Las Vegas, prévu du 16 au 18 novembre.

Une monoplace négocie la sortie d'une chicane. Il y a plein de spectateurs dans les gradins autour de la piste.

Charles Leclerc à Monaco

Photo : Getty Images / Eric Alonso

Le Grand Prix de Monaco, c’est aussi le grand prix le plus anachronique du calendrier, tant le tourniquet monégasque n’est plus adapté (depuis longtemps) aux monoplaces modernes. Chaque année, on croise les doigts.

Avec Liberty Media aux commandes, la F1 se métamorphose, s’éloigne de ses racines et s’aventure dans des terres économiquement plus rentables. Le Grand Prix de Monaco n’est plus un rendez-vous incontournable aux yeux du groupe Formula One.

Aujourd’hui, Monaco ne passerait pas l’examen d’entrée, disait le directeur de l’équipe Red Bull Christian Horner en 2022. Monte-Carlo paie un tarif annuel très inférieur à la moyenne, et il est impossible de dépasser sur le circuit. Donc, la F1 s’accommode de Monte-Carlo en raison de sa place historique dans le calendrier. Ça s’arrête là.

« Je crois que la F1 doit évoluer. Si vous n’avancez pas, vous reculez, et cela s’applique à tous les aspects de notre sport. »

— Une citation de  Christian Horner, directeur de l'équipe Red Bull
Trois hommes discutent dans un garage, dont un en combinaison de pilote, il y a des écrans derrière eux et des casques.

Christian Horner, Max Verstappen et Helmut Marko dans le garage Red Bull

Photo : Getty Images / Mark Thompson

Malgré l’exiguïté des lieux, Monaco a signé une prolongation de son contrat avec la F1 jusqu’en 2025.

Donc, pour encore trois éditions au moins, les pilotes auront l’occasion d’épingler cette épreuve mythique à leur palmarès avec le prestige qui y est attaché. Gilles Villeneuve a ajouté Monaco à son palmarès en 1981 dans une Ferrari 126 CK surpuissante et brutale dans les changements de rapports de boîte.

Deux monoplaces se suivent sur le circuit de Monaco dans le virage de la Rascasse.

Gilles Villeneuve devance la Renault de René Arnoux.

Photo : Getty Images / GERARD FOUET

Fernando Alonso l'a gagné deux fois, Max Verstappen en 2021 et Lewis Hamilton trois fois, dont la dernière en 2019.

Au-delà du spectacle sportif, le Grand Prix de Monaco, c’est aussi l’occasion pour les équipes d’inviter commanditaires et gens d’affaires dans un décor et un faste qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les palais flottants amarrés dans le port sont loués à prix d’or pour avoir une vue imprenable sur le circuit.

L’équipe Red Bull apporte depuis 2005 sa propre plateforme flottante de 800 tonnes, appelée Energy Station, assemblée en Italie et installée dans le port pour le week-end, avec sa piscine au dernier étage. Une équipe de 120 personnes y travaille, et plus de 5500 repas sont servis durant le week-end.

Vue générale du port de Monaco avec la plateforme flottante de l'équipe Red Bull et des bateaux amarrés autour.

La plateforme flottante de l'équipe Red Bull à Monaco

Photo : Getty Images / Clive Mason

Beau temps obligé

Encore faut-il qu’il fasse beau, que le soleil se reflète dans les eaux chaudes de la Méditerranée, qu’on puisse ouvrir les terrasses et les parasols, car la magie de Monaco est directement liée à la météo.

Dès les premières gouttes de pluie, les abonnés du jet set trouvent refuge ailleurs, dans d’autres événements mondains, mais les équipes de F1 doivent, elles, continuer à travailler.

Des hommes en combinaison tirent des piles de pneus sous la pluie.

Dans les puits de Monaco, les mécaniciens tirent des trains de pneus sous la pluie.

Photo : Getty Images / CHRISTIAN BRUNA

Il semble que la pluie qui a forcé l’annulation du Grand Prix d’Émilie-Romagne ait poursuivi son chemin jusqu’au rocher monégasque. Les prévisions ne sont pas très optimistes pour le week-end.

Tous les pilotes vous le diront, Monaco sous la pluie, c’est l’enfer pendant 78 tours.

La moindre erreur les envoie dans les rails de sécurité, car il n’y a presque pas d’échappatoire. Et quand, en plus, il fait frais (comme ce que la météo prévoit ce week-end), les pilotes perdent toute adhérence avec des pneus qui ont du mal à monter en température.

Les roues avant sont croches.

Le Canadien Nicholas Latifi glisse sur le bitume détrempé du circuit de Monaco et frappe le rail de sécurité.

Photo : Getty Images / Eric Alonso

L’adhérence est primordiale dans ces conditions. Or, rouler avec des pneus froids, c’est comme rouler sur de la glace. C’est pour cela que les équipes utilisent des couvertures chauffantes dans les garages pour les réchauffer.

Sauf que pour des questions d’économie d’argent et de consommation d’énergie, la FIA a décidé d’interdire les couvertures chauffantes pour les pneus pluie, les intermédiaires (bande verte) et ceux pour forte pluie (bande bleue) dès ce week-end à Monaco.

Il est difficile de comprendre cette décision, car pour les pneus lisses sur piste sèche, les couvertures chauffantes ne seront interdites que l'an prochain.

Les couvertures chauffantes ont le grand avantage de faire monter à la même température les deux parties du pneu, soit la bande de roulement (qui touche au bitume) et la carcasse (l’intérieur du pneu). Sans couverture chauffante, les deux parties du pneu ne montent pas tout de suite à la même température. La bande de roulement se réchauffe beaucoup plus vite, ce qui complique la tâche des pilotes. Surtout à Monaco.

Des mécaniciens manipulent des pneus avec leurs couvertures chauffantes.

Des mécaniciens sortent des garages des pneus enveloppés dans leurs couvertures chauffantes.

Photo : Getty Images / Pedro Pardo

En piste, les pilotes devront être extrêmement prudents. D'autant que certaines équipes ont prévu d'évaluer de nouvelles composantes mécaniques et aérodynamiques.

Traditionnellement, c’est lors du premier grand prix européen que les équipes présentent la première évolution significative de leurs monoplaces. Or, en raison de l’annulation du Grand Prix d’Émilie-Romagne, le premier grand prix européen, c’est Monaco.

Le danger d'évoluer à Monaco

L'équipe Mercedes-Benz a annoncé qu’elle apportera à Monaco une évolution de sa W14, avec des modifications importantes : un nouveau fond plat, une carrosserie redessinée et une nouvelle suspension avant.

Il est dans les puits.

Lewis Hamilton dans la Mercedes-Benz W14

Photo : Getty Images / Mark Thompson

La décision de Mercedes-Benz d’apporter à Monte-Carlo une version B de sa W14 met énormément de pression sur les épaules de ses pilotes. Ils n’auront aucun droit à l’erreur.

Ils ne voudront pas risquer d’endommager les nouvelles pièces de leur monoplace durant les essais libres et de compromettre leur week-end. Il est bien connu que la position sur la grille de départ est primordiale à Monaco tant il est difficile de doubler.

Or, s’il y a un circuit où le pilote doit avoir totalement confiance en ses moyens, c’est bien là. Le pilote doit faire corps avec sa monoplace pour pouvoir se concentrer uniquement sur son pilotage, tour après tour.

Rappelons qu’à Monaco, un tour dure à peu près 70 secondes et exige 50 changements de vitesse. Le Grand Prix est disputé sur 78 tours, ça fait donc 3900 changements de vitesse.

Lewis Hamilton et George Russell pourront-ils ce week-end se concentrer sur leur pilotage? Si les nouvelles composantes ne leur conviennent pas, ils risquent de rouler sur des œufs.

Qu'est-ce qui explique cette décision audacieuse de Mercedes-Benz? Selon les chiffres de la chaîne britannique Sky Sports, depuis le début de saison, la marque allemande n’a pu faire progresser sa monoplace que de 5 centièmes de seconde par rapport à la Red Bull RB19, la référence. La W14 accuse encore un retard d'une demi-seconde.

Par comparaison, Aston Martin est l’équipe la plus proche de Red Bull, à 3 dixièmes de seconde, et sa progression depuis le début de la saison est évaluée à un dixième.

Pour Hamilton s’ajoute une autre difficulté : la saison folle a déjà commencé et les rumeurs l’envoient chez Ferrari en 2024 dans un échange avec Charles Leclerc. Ces rumeurs prennent de l’ampleur. Ferrari lui offrirait 67 millions de dollars selon certaines sources.

Lewis Hamilton en gros plan, habillé en civil, avec des lunettes de soleil, regarde par terre.

Lewis Hamilton

Photo : Getty Images / Clive Mason

La presse spécialisée sera sur les talons du Britannique pour savoir quels sont ses plans.

La décision de Mercedes-Benz d'apporter une W14 largement modifiée (en dehors des réglages spécifiques à Monaco) est d’autant plus étonnante qu’une semaine après, ce sera le Grand Prix d’Espagne, au circuit Catalunya de Barcelone qui a très longtemps servi de piste d’essais (hors et en saison) pour les équipes.

Pourquoi risquer d’endommager les nouvelles composantes dans les rues de Monaco une semaine avant l’Espagne? Pourquoi ne pas attendre une semaine de plus? Pour les commentateurs britanniques, c’est un geste désespéré de Mercedes-Benz qui tente de rattraper le terrain perdu sur Red Bull.

Fernando Alonso optimiste

Avec Mercedes-Benz en mode prudence, Aston Martin aura une carte à jouer, avec deux atouts dans son jeu.

Fernando Alonso sait quoi faire pour gagner, il l’a fait en 2006 et en 2007 avec Renault. Il a aussi mis sa monoplace dans le rail sous la pluie, comme en 2008 au neuvième tour. Il saura donc quoi faire pour éviter les rails.

Une monoplace touche le rail sur un circuit détrempé.

Sur une piste détrempée, à Monaco en 2008, Fernando Alonso frappe le rail.

Photo : TSN / Formula One

De plus, l’AMR23 a montré son efficacité en motricité, soit sa capacité à réaccélérer en sortie de virage. Ce sera certainement un avantage. Dans les virages lents, les deux équipes qui se rapprochent le plus de Red Bull sont Alpine-Renault et Aston Martin, à moins de 4 dixièmes de seconde de la référence.

C’est pour cela qu’Alonso est persuadé de pouvoir se battre pour la victoire à Monaco. Encore faut-il qu'il se place bien sur la grille de départ, ce qui n'est pas assuré.

Il roule sur un circuit au milieu du désert, on voit des rochers en avant-plan.

Fernando Alonso dans l'AMR23

Photo : Getty Images / Clive Mason

L’AMR23 s’est montrée compétitive surtout en configuration course, moins en configuration de qualification sur un tour lancé. L’Espagnol devra aller chercher le maximum de sa monoplace pour se hisser dans le top 4 en qualification, soit les deux premières rangées de la grille de départ.

Une seule équipe devance Red Bull au chrono dans les virages lents, c’est Ferrari par 2 dixièmes de seconde. Et ce n'est que ça à Monaco.

Charles Leclerc pourra-t-il en profiter pour aller chercher la pole position, si importante dans les rues de Monte-Carlo? S’il y arrive, ce serait une troisième position de tête d’affilée sur le rocher. Mais en course, le Monégasque n’a jamais eu de succès sur son terrain de jeu, avec comme seul résultat, une 4e place en 2022 en quatre participations (trois abandons).

Au-delà du top 4 en qualification, point de salut à Monaco. Aston Martin le sait, Mercedes-Benz aussi. Mais la pluie a ce pouvoir de niveler les performances et de donner une chance aux plus courageux. Les pilotes rouleront en espérant que l'enfer soit pour les autres.

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