ChroniquePierre Lafontaine passe à l’Est et entraînera les nageurs chinois

Pierre Lafontaine
Photo : The Canadian Press / Darryl Dyck
Pierre Lafontaine, qui a été un pilier du système de natation canadien au cours des 20 dernières années, est de retour sur la scène internationale. La Chine vient de lui confier un poste d’entraîneur national afin de peaufiner sa structure et la préparation de son équipe en vue des Jeux olympiques de Paris. Voilà une nouvelle qui risque de faire jaser dans les milieux sportifs canadiens.
Le nouvel entraîneur de l’équipe chinoise est entré en poste le 1er mai. Il se trouve déjà à Hangzhou, où se déroulent les sélections nationales en vue des prochains Championnats du monde et des Jeux asiatiques.
Les dirigeants du programme chinois m’ont approché en janvier dernier, puis à nouveau en février. Mais j’avais décliné leurs offres parce que j’estimais que les conditions gagnantes n’étaient pas réunies. On a beau t’offrir un bon salaire, ça ne donne rien d’y aller si on ne met pas en place les conditions nécessaires pour gagner.
Puis, au début de mars, ils m’ont rappelé pour savoir ce dont j’avais besoin en matière d’équipement et de soutien. Et trois jours plus tard, ils m’ont dit : "OK, on te le donne"
, raconte l’entraîneur de 66 ans.
Pierre Lafontaine était entraîneur dans un club canadien à la fin des années 1980 lorsqu’il s’est exilé aux États-Unis pour développer les athlètes d’un club, à Phoenix, en Arizona. Au début des années 2000, il est devenu entraîneur au Centre de développement national australien. Et après la débâcle canadienne aux Jeux d’Athènes, en 2004, il est revenu au pays à titre d’entraîneur et de directeur général de Natation Canada, poste qu’il a occupé jusqu’en 2013.
La création du Centre national de Toronto et l’embauche de l’entraîneur Ben Titley, qui ont propulsé le pays parmi les puissances mondiales de la natation, figurent parmi ses réalisations.
Tour à tour, Lafontaine s’est ensuite retrouvé à la tête du sport universitaire canadien, de Ski de fond Canada et de Cyclisme Canada. Depuis quelques années, il était de retour dans le monde de la natation. Il entraînait les nageurs de l’Université Carleton et du club d’Ottawa quand le programme chinois l’a sollicité.
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Je serai basé au Centre national chinois, qui se trouve à Pékin. La Chine opère aussi un autre centre national, qui est situé en altitude. Je vais entraîner quatre ou cinq athlètes de l’équipe nationale, et un autre de mes mandats consistera à aider à réaligner la structure de haute performance.
Il y a un gros bassin de population en Chine, mais ce n’est pas tout le monde qui a accès à une piscine. Je veux les aider à établir un système de haut en bas au sein duquel on fera du développement par groupes d’âge
, explique Lafontaine.
Cela dit, même si on parvient à créer une structure parfaite, ça ne donne rien si les gens n’y adhèrent pas par conviction. Mon mandat doit prendre fin en décembre 2024. J’espère que mon mandarin sera suffisamment bon à ce moment-là pour me permettre de "vendre" cette structure sans l’aide d’un interprète
, ajoute-t-il en riant.
Les relations politiques entre le Canada et la Chine sont tendues depuis quelques années. Sur la scène mondiale, le niveau de tension est aussi élevé, et la Chine fait constamment la manchette pour des questions d’ingérence et de respect des droits de la personne. Cet aspect de l’équation a-t-il fait partie de sa réflexion avant d’accepter le poste?
Je suis engagé pour faire une structure de sport et c’est là que je vais consacrer toute mon énergie. Je ne suis là pour aucun enjeu ou situation politique
, répond-il.

Pierre Lafontaine en 2008, avec l'équipe canadienne aux Jeux olympiques de Pékin
Photo : The Canadian Press / Paul Chiasson
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Dans le programme national chinois, Pierre Lafontaine se joint à deux autres entraîneurs étrangers renommés : l’Américain Mark Schubert et l’Australien Denis Cotterell.
Schubert a été l’entraîneur en chef de l’équipe américaine de 2006 à 2010. Il a fait partie des équipes d’entraîneurs américains à sept Jeux olympiques consécutifs entre 1984 et 2008. Quant à Cotterell, il est membre du Temple de la renommée du sport australien, ce qui n’est pas peu dire lorsqu’on sait que le sport national de ce pays est la natation. Cotterell a notamment été l’entraîneur de Grant Hackett, qui a été le meilleur nageur de 1500 m de la planète dans les années 2000.
J’ai connu Denis Cotterell quand je travaillais en Australie et j’ai connu Mark Schubert quand je travaillais aux États-Unis. Nous allons chacun diriger un groupe d’athlètes tout en collaborant avec des entraîneurs chinois. Bref, nous ferons du mentorat. Ça ne donne rien de venir travailler ici et de repartir sans avoir contribué au développement des entraîneurs
, estime Pierre Lafontaine.
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Les Jeux de Paris s’amorceront dans 15 mois. Visiblement, les Chinois mettent le paquet pour maximiser leurs chances de médailles.
La Chine a remporté six médailles aux derniers Jeux et ils veulent vraiment s’améliorer. C’est la raison pour laquelle ils sollicitent l’aide d’entraîneurs étrangers. À voir les talents et les spécimens génétiques qui nagent ici, je pense que la Chine pourrait éventuellement – et je sais que ce n’est pas facile – devenir l’un des trois premiers pays au monde dans ce sport.
L’équipe masculine est très forte en ce moment. Du côté masculin, ce sont des Chinois qui sont premiers au monde au 100 m libre et au 100 m brasse. Et au 200 m libre, c’est un Chinois qui détient la 3e place. L’équipe féminine est un peu plus loin, mais il nous reste 12 mois avant les qualifications olympiques et 15 mois avant les Jeux
, rappelle Pierre Lafontaine.
À l’écouter parler, les Chinois sont bel et bien dans leur phase de préparation finale.
C’est beau d’avoir un centre d’entraînement en altitude, mais il faut aussi préparer les athlètes en leur permettant de voir, de sentir et de goûter la France. On ne veut pas qu’ils arrivent à Paris, à l’été 2024, et qu’ils éprouvent un sentiment d’émerveillement.
Après les Championnats du monde cet été, on ira passer quelques jours à Paris avec l’équipe nationale. On va permettre aux athlètes de faire du tourisme, de voir la piscine et le village olympique. Plus ils seront à l’aise avec leur environnement, meilleures seront leurs performances aux Jeux
, conclut-il.
Pierre Lafontaine est entraîneur de l’équipe nationale de Chine. Quel choc! Il faudra sans doute quelque temps pour s’y faire.