Adam Fantilli, la quête d’équilibre
Le surdoué de 18 ans est pressenti pour être repêché au 2e ou 3e rang cet été, derrière Connor Bedard.

Adam Fantilli
Photo : La Presse canadienne / Jason E. Miczek
ANN ARBOR, Michigan - Le 6 janvier 2023, au lendemain de la finale du mondial junior remportée par les Canadiens, Adam Fantilli s’est présenté à l’aéroport, la médaille d’or bien visible au cou.
Un peu ostentatoire, rien de dramatique, si ce n’est que plusieurs de ses rivaux américains, battus en demi-finale, la médaille de bronze enfouie au fond des valises, l’attendaient pour monter dans le même vol.
Rutger McGroarty grince des dents en racontant l’anecdote.
Celle-là, elle est difficile… difficile d’en parler
, lance le grand ami et coéquipier de Fantilli à l’Université du Michigan.
Tu lui rappelles souvent la chose, Adam?
Aussi souvent que possible. J’affrontais huit anciens ou actuels coéquipiers dans ce match. Je me promenais avec ma médaille d’or et j’essayais de me la jouer mauvais garçon
, raconte Fantilli.
Ce vilain garnement avait connu un tournoi en demi-teinte à Halifax, passé en bonne partie à l’aile gauche du quatrième trio, mais il y a eu ce but en demi-finales contre les États-Unis qui donnait l’avance 3-2 au Canada à ce moment. Ce fut finalement le but vainqueur.
Ce but qu’il a marqué… J’aurais aimé être dans ses souliers pour savoir ce que ça fait de marquer comme ça devant ton public
, ajoute McGroarty, des étoiles dans les yeux.
À la lumière de notre enquête approfondie sur le jeune homme, fin février, à quelques jours du début des éliminatoires dans la NCAA, on s’aperçoit que c’est un peu ça, Adam Fantilli.
Un mélange de bravade et de talent brut. Un désir de vaincre aussi qui lui fait parfois perdre la tête.

Adam Fantilli célèbre son but en demi-finales du Championnat mondial de hockey junior contre les États-Unis.
Photo : The Canadian Press / Darren Calabrese
Deux jours avant notre arrivée, plus d’une trentaine de recruteurs s’étaient massés au Yost Ice Arena d’Ann Arbor pour épier le duel entre Michigan et Notre Dame, Fantilli étant celui qui les faisait accourir principalement.
Avant la fin de la première période, son match était terminé. Il s’est fait expulser. On s’est regardés et on s’est dit : "Come on". J’avais le goût de partir
, se souvient un de nos espions déçu du déplacement inutile.
J’imagine qu’ils l’ont énervé un peu et il a perdu son sang-froid
, laisse tomber son frère, Luca, également porte-étendard des Wolverines du Michigan.
Mise en échec illégale à la tête, inconduite de partie, match terminé. C’était la deuxième fois de la saison que Fantilli se faisait expulser d’une rencontre. Au total, il a purgé 67 minutes de punition en 36 rencontres. Au prorata d’une campagne de 82 matchs, ça lui en ferait 153.
Pour ce que ça vaut, Patrick Maroon a été le plus indiscipliné dans la LNH cette année avec 150 minutes au cachot.
C’est un peu une tête brûlée et je suis plus posé. Alors, oui, parfois, il faut que je l’aide à se calmer un peu.
Mais le frangin arrive immédiatement à se rescousse. S’il perd patience parfois, c’est qu’il a ce désir de gagner que les équipes vont aimer.
Je pense même que ce sera ultimement à son avantage
, d’ajouter Luca.
Adam, lui, assure qu’il doit comprendre
qu’il recevra un peu plus d’attention
en raison de son statut de jeune surdoué. Car surdoué, il l’est. Au-delà de son tempérament bouillant, le buteur de Nobleton, en Ontario, vient de guider son équipe en demi-finale nationale après une saison de 65 points en 36 matchs, dont 30 buts. Des statistiques qui le placent au 1er rang d’à peu près toutes les catégories et qui lui ont valu le titre de joueur de l’année dans la NCAA et le trophée Hobey-Baker qui va avec.
Les deux autres recrues universitaires de 18 ans à l’avoir soulevé dans l’histoire? Paul Kariya et Jack Eichel.
Aux yeux de son entraîneur Brandon Naurato, on parle ici d’un prodige.
C’est un espoir parfait parce que personne n’est parfait
, fait valoir le jeune entraîneur.
Mais encore?
Il a l’attitude et tous les attributs physiques pour devenir un joueur de concession
, poursuit Naurato.
N’empêche que cette quête d’équilibre peut prendre du temps. La maturité ne se quantifie pas et s’acquiert à différents rythmes selon le personnage. En théorie, Fantilli en a compris l’essence.
Je suis à mon mieux quand je réussis à rester sur le bord du précipice sans jamais basculer du mauvais côté. J’essaie de trouver la ligne, d’y rester et de ne pas la traverser.
La quête d’une vie parfois.
Le bémol
Il y a consensus autour des trois meilleurs espoirs du prochain repêchage, nous assure un dépisteur d’une équipe de l’ouest.
Pour à peu près tout le monde
, précise-t-il.
Connor Bedard fait l’unanimité au 1er rang, puis on se questionne à l’arrière, paraît-il, pour savoir qui de Fantilli ou du grand Suédois Leo Carlsson aura le privilège d’être son dauphin.
Fantilli a un gabarit avantageux, un instinct de marqueur, un bon tir, de l’acharnement. C’est le portrait d’ensemble dressé par trois recruteurs et un de ces anciens entraîneurs qui, en toute honnêteté, rappelle qu’il ne l’a pas dirigé longtemps.
Le seul point d’interrogation parfois : son sens du jeu.
C’est son défaut le plus important
, nous dit cet entraîneur.
Un autre recruteur nuance le portrait.
Est-ce que c’est une lacune parce qu’il ne voit pas le jeu ou c’est parce qu’il se dit qu’il sera capable de tout faire par lui-même? Je pense qu’il en fait trop parfois et là, on dirait qu’il n’en a pas.
Dans tous les cas, si le CH veut avoir la chance de lui mettre la main au collet, il aura besoin d’un coup de pouce du destin. Ses chances d’obtenir le second choix de l’encan s’élèvent à 8,8 %.
On s’apprête à quitter les allées du magnifique Yost Ice Arena, bâti il y a tout juste 100 ans pour accueillir d’abord l’équipe de basketball, lorsqu’un vénérable personnage capte notre attention.
Le bon vieux Red Berenson, ancien vainqueur de la Coupe Stanley avec le Canadien en 1965, entraîneur de l’année dans la LNH en 1981 et patron du programme de l’Université du Michigan pendant 33 ans, grignote son maïs soufflé, pensif, les yeux rivés sur Fantilli et sa bande.
Pas le choix de lui poser une question.
Red?
Youhou, Red! Alors, cet Adam?
Il ne te fait pas te lever de ton siège comme Jean Béliveau ou Guy Lafleur, mais ce sera un grand joueur
, laisse-t-il tomber.
Merci, Red.