Les dirigeants de Canada Soccer sur la sellette à Ottawa

Les joueuses canadiennes et américaines se sont rassemblées dans le rond central avant la première rencontre de la Coupe SheBelieves, en février.
Photo : Getty Images / Mike Ehrmann
Comme les dirigeants de Hockey Canada avant eux, les anciens présidents de Canada Soccer ont passé un long après-midi jeudi devant le Comité permanent du Patrimoine canadien, qui poursuit ses travaux sur la pratique sécuritaire du sport au pays.
Si, à l'origine, les gens de Canada Soccer ont été convoqués en raison des revendications de l’équipe nationale féminine sur l’équité, les questions des députés sur la gestion de la fédération ont ratissé beaucoup plus large.
Jeudi, les élus ont entendu deux anciens présidents : Victor Montagliani (maintenant président de la CONCACAF et vice-président de la FIFA), Nick Bontis (qui vient de démissionner dans la foulée des revendications de l’équipe nationale féminine), ainsi que Sean Heffernan, actuel chef des services financiers de Canada Soccer.
Le député libéral de Mont-Royal Anthony Housefather n’a pas perdu de temps. Comme les deux anciens présidents ont évoqué leur travail bénévole à la fédération, M. Housefather a demandé à Victor Montagliani combien il avait touché pour ses tâches à la FIFA et à la CONCACAF au cours de la dernière année.
Pendant que Montagliani patinait en expliquant que, pour des raisons de sécurité, la CONCACAF ne révélait pas les salaires de ses dirigeants, Housefather a avancé le chiffre de 2 millions de dollars.
Bontis s’est contenté de dire qu’il n’était pas à l’aise de révéler ces chiffres
.
L’essentiel des questions a porté sur le fameux contrat signé par Canada Soccer qui a cédé la totalité de ses droits de commandite et de diffusion à Canada Soccer Business (CSB) pour une période de 19 ans, soit de 2019 à 2037. En contrepartie, la fédération recevra une redevance annuelle fixe qui passe de 3 à 4 millions de dollars à la fin de l’entente.
Tous les députés ont exprimé des réticences sur cette entente et surtout sur sa durée. Le député conservateur de Bow River en Alberta, Martin Shields, s’est attaqué à la possibilité de renégocier l’entente qui a été évoquée à l’occasion depuis qu’elle a été rendue publique.
Le représentant de Canada Soccer, Sean Heffernan, a été forcé d’admettre que cette possibilité était bien mince, puisqu’aucune clause échappatoire n’avait été prévue.
À moins d’un défaut de paiement, il n’y en a pas.
Anthony Housefather a semblé soulever une faille dans la signature de l’entente quand il a souligné que le contrat n’avait qu’un signataire, contrairement à ce qui était prévu dans la constitution de Canada Soccer.
La recherche de l’équité
Si la signature du contrat avec CSB était au cœur des questions des députés, la répartition équitable des revenus que Canada Soccer peut aller chercher a aussi retenu l’attention du comité.
C’est probablement la conservatrice Rachael Thomas qui a le mieux résumé l’image de la fédération.
Ce qui est communiqué au public, c'est qu’il s’agit d’une organisation menée par des hommes pour des hommes. Que les femmes ne sont pas justement récompensées, pas uniquement avec un salaire égal, mais aussi des possibilités égales, un traitement égal ou des ressources égales
, a déclaré la députée de Lethbridge en Alberta.
Plusieurs députés ont posé des questions sur le fait que CSB opérait la Première Ligue canadienne, un circuit masculin, mais que le gestionnaire des droits de commandite et de diffusion de Canada Soccer n’avait pas aussi la responsabilité de gérer une ligue professionnelle féminine.
Le néo-démocrate Peter Julian a aussi tenté de vérifier l’allégation voulant que les joueuses de l’équipe nationale touchaient cinq fois moins que les hommes quand elles ont remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques de Tokyo.
Sean Heffernan n’a ni nié ni confirmé l’allégation.
Il faudrait que je vous revienne avec les calculs exacts. Avec les montants rétroactifs, je ne crois pas que ce soit le même chiffre que ce qui a été rapporté.
L’ombre de Christine Sinclair
La meilleure joueuse canadienne de l’histoire, Christine Sinclair, n’était pas à Ottawa, mais c’était comme si elle y était encore, après son témoignage devant les députés le 9 mars.
Sinclair avait alors évoqué une rencontre avec le président Nick Bontis où elle ne s’était jamais sentie plus insultée
.
Ce dernier a profité du temps qui lui était accordé en début de rencontre pour souligner qu’il avait communiqué avec la footballeuse et son agent pour présenter ses excuses.
Mercredi, la légendaire buteuse a longuement parlé du conflit entre Canada Soccer lors d’un balado de l’ancienne joueuse américaine Julie Foudy.
Canada Soccer a parié contre le succès de ses équipes nationales en échange d'une Coupe du monde. Nous sommes maintenant en position légale de faire la grève. Nous avons une fenêtre FIFA à venir dans 10 jours. À ce stade, Canada Soccer n'a même pas abordé les choses avec nous.
Pendant longtemps, nous avons été traitées à égalité avec les hommes, aussi mal qu’eux, mais sur le même pied. Mais ensuite, notre équipe masculine se qualifie pour sa première Coupe du monde en 36 ans et on leur donne tout. Nous nous sommes dit : "Hé, attendez une seconde…"
Le nom de Sinclair est revenu vers la fin de la réunion. Après s’être dit déçu des réponses de Canada Soccer, le député Julian a cité l’attaquante canadienne.
Elle a dit le 9 mars que l’approche de Canada Soccer en matière de finances reflète une culture du secret et de l’obstruction. Je crois qu’il est juste de dire que c’est vrai en matière de finance à la lueur des réponses que nous avons eues aujourd’hui
, a-t-il conclu.
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