De Blainville au Brésil, l’étonnant parcours de Kelly Chiavaro

Kelly Chiavaro évolue pour le club de Flamengo, au Brésil.
Photo : Instagram/Kelly Chiavaro
Kelly Chiavaro n’a peut-être pas eu le cheminement le plus conventionnel, mais il y a toujours eu cette ambition chez elle de devenir une joueuse professionnelle de soccer. Grâce à sa détermination et à sa passion, la Québécoise réalise aujourd’hui son rêve au Brésil.
Si elle a pratiqué une multitude de sports pendant son enfance, le soccer est rapidement devenu sa priorité. Celle qui est notamment ceinture noire en kung-fu a eu un véritable coup de cœur pour la position de gardienne de but.
C’était à mon tour d’aller dans les buts et il y avait un tir de pénalité. Je l'avais arrêté et j’avais tripé, raconte-t-elle en entrevue à Radio-Canada Sports. J’étais toute contente. C’est là que j’ai décidé que je serais gardienne de but, et rien d’autre.
Sa passion est aussi devenue en quelque sorte celle de son père. Ses parents ont tout fait pour lui permettre d’aller au bout de ses rêves.
Ils ont vu que j’aimais vraiment ça et que je voulais vraiment continuer dans le soccer, alors mon père m’emmenait les samedis soirs à des entraînements privés avec plein d'entraîneurs à travers Montréal
, se remémore-t-elle.
« On manquait nos soupers de famille. C'était la grosse guerre parce que mes grands-parents ne comprenaient pas pourquoi je n’étais pas là. Mais je faisais des entraînements et c’est vraiment comme ça que je me suis développée. »
Elle a fini par quitter son équipe à Blainville pour faire le saut au niveau AAA pour le club de Lakeshore. Parallèlement, elle s’entraînait avec l’équipe du Québec et faisait partie du Centre national de haute performance (CNHP).
C’est étrange parce que mon groupe d’âge au CNHP, on a tellement bien fait. On a gagné le championnat canadien deux fois. Avec Lakeshore, on a gagné le championnat canadien aussi et il n’y a aucune de nous dans l’équipe nationale, on n’a jamais été appelées. On a comme été oubliées
, remarque-t-elle.
Kelly Chiavaro rêvait de jouer dans une université américaine. Si, aujourd’hui, les athlètes peuvent bénéficier du soutien d’agences afin de dénicher la meilleure occasion, la situation était tout autre il y a quelques années à peine.
Après le CNHP, c'était soit que tu arrêtais de jouer ou tu allais aux États-Unis. Je faisais mes recherches, je suis allée à différentes écoles faire des camps. J’ai envoyé un courriel à l'Université Colgate, à New York. On m'a répondu en 20 minutes, me disant que leur gardienne partante ne pouvait plus jouer, qu’elle avait une commotion cérébrale et qu’elle prenait sa retraite. Ils avaient besoin d’une gardienne maintenant. Ç’a vraiment bien adonné
, dit-elle.
Il y a le talent, il y a la détermination, mais la Québécoise a toujours su qu’il y avait une partie qui relevait de la chance. Particulièrement à titre de gardienne.
Je pense que j’ai envoyé au-dessus de 500 courriels à des écoles. On me disait d'être patiente. À Colgate, ç'a vraiment été un coup de cœur, honnêtement, quand j'y suis allée. J’étais tombée en amour avec le campus. C'était un bon équilibre entre l'athlétique et l'académique. Ma mère a vraiment poussé pour l'académique. Mon rêve était d’aller à Florida State, mais pour elle, c'est vraiment important d'avoir une bonne base.
Après quatre ans à évoluer dans la NCAA, il n’était pas question pour Kelly Chiavaro de s’arrêter là. N’ayant pas opté pour une université prestigieuse, elle était bien consciente qu’elle risquait d’être désavantagée lorsque viendrait le temps de dénicher un premier contrat professionnel. Pour la première fois, elle a donc fait appel à une agence qui lui a permis de conclure une entente en Israël.
Ce n’est pas une ligue très forte. Je dirais que sur huit équipes, la moitié, c’est de la qualité. C’est cependant une bonne transition entre les États-Unis et l’Europe. Il y a de plus en plus de joueuses qui ne font pas le repêchage de la NWSL ou qui ne viennent pas de grandes universités qui vont en Israël pour ensuite aller en Europe
, explique-t-elle.
Elle a par la suite pris le chemin de l’Italie, plus précisément à Naples. Détentrice d’un passeport italien en raison des origines de son père, elle avait toujours rêvé d’y jouer professionnellement.
Ç’a été un peu difficile parce que l'équipe a été reléguée et je n'ai pas vraiment joué, confie-t-elle. On m’a dit que j’étais jeune, que c'était ma première année. J'avais un entraîneur de gardien de but vraiment extraordinaire. J'ai toujours été très bonne techniquement, mais je venais de passer quatre ans sans entraîneur de gardien de but à l’université, donc ça m’a désavantagée.
À la fin de l’année, le club de Naples a été relégué en deuxième division. Si la majorité des joueuses ont alors quitté l'équipe à la recherche d'un nouvel emploi, Kelly Chiavaro était prête à rester. Elle croyait en ce projet, mais lorsqu’elle a reçu une offre du club brésilien de Flamengo, elle n’a pas pu la refuser.
La première division brésilienne n’est assurément pas le circuit féminin le plus connu à l’échelle internationale, mais la footballeuse assure que le niveau de jeu présenté impressionne.
Honnêtement, la qualité de la ligue brésilienne est meilleure que la ligue italienne. Les filles sont bonnes, elles sont tactiques, elles sont vraiment bonnes techniquement. Avant, je ne savais même pas qu’il y avait une ligue professionnelle ici. Et quand je suis arrivée, j’ai été agréablement surprise
, affirme-t-elle de son domicile à Rio de Janeiro.
« Nous jouons toutes les semaines dans les stades de soccer masculin. Ce sont des stades vraiment beaux, extraordinaires. C'est comme un rêve. Ici, les gens viennent nous voir jouer. La base de supporteurs de Flamengo, je n’ai jamais vu ça auparavant. »
La Québécoise soutient qu’entre 10 000 et 15 000 amateurs ont l’habitude d’assister aux matchs. La saison est longue. Elle s'amorce en février pour se conclure en novembre ou en décembre, mais les conditions offertes en valent la peine.
Il y a des filles dans mon équipe qui font facilement 10 000 $ par mois, souligne-t-elle. Ce ne sont pas tous les clubs qui sont comme ça. Flamengo, c'est tellement un gros club, surtout du côté masculin, donc ils investissent dans les femmes. Je peux vivre avec ce que je fais au Brésil sans problème.
Le gazon, puis le sable
Grâce à son passeport italien, Kelly Chiavaro a pu se joindre à l’équipe italienne de soccer de plage afin de participer aux Jeux européens. C'est une expérience que peu de personnes ont l'occasion de vivre. D’avoir le maillot, l'hymne national, puis de représenter ma famille, ç'a été incroyable.
Elle aurait évidemment rêvé de faire partie de l’équipe canadienne, mais sans trop savoir pourquoi, elle n’a jamais eu sa chance. Et depuis qu’elle a représenté l’Italie sur la scène internationale, à moins qu’elle ne puisse profiter d’une dérogation dont elle ignore elle-même l’existence, elle n’aurait pas le droit de porter le maillot unifolié en compétition.
Fidèle à elle-même, elle s’est donc fixé un nouvel objectif. La joueuse de 26 ans vise un poste avec la sélection italienne de soccer sur gazon.
« C'est sûr qu'en Italie, en ce moment, les gardiennes de but sont plus âgées. La sélection a besoin de changement. Le problème, c’est que l’entraîneuse voudrait que toutes les joueuses de l'équipe nationale jouent en Italie. Elle veut que la ligue italienne continue de grandir. Pour le moment, ça va être extrêmement difficile pour moi ici, au Brésil, parce qu'ils regardent juste les filles en Italie. Je reste persuadée que, dans le futur, il va y avoir d'autres occasions. »
Ses aspirations sont grandes, mais pour le moment, elle veut prendre le temps de se faire un nom, d’apprivoiser sa nouvelle vie d'athlète professionnelle.
Je veux que les équipes prennent un risque, qu’elles me disent : "J’ai confiance en toi, vas-y." Je veux montrer ce que j'ai parce que je sais que je suis capable. Je sais que j'ai le talent pour vraiment développer, puis pousser ma carrière.
Même si elle se plaît beaucoup dans sa nouvelle vie brésilienne, Kelly Chiavaro ne cache pas qu’elle aimerait un jour renouer avec l'Europe pour se produire dans une grande ligue.
Ça ne m'est jamais passé par la tête d'aller aux États-Unis, assure-t-elle, en faisant référence à la NWSL. C'est certain que dans le futur, ça me rapprocherait de la maison.
Ce que j’aimerais vraiment, ce serait d’éventuellement de retourner en Europe. L’Angleterre m’a toujours attirée. Et il va aussi y avoir la ligue au Canada, donc pourquoi ne pas un jour revenir à la maison.
À lire aussi :
- Choc des générations entre Evelyne Viens et Amy Walsh
- [ Balado Tellement Soccer] Le Canada qualifié pour la Gold Cup
- [PODIUM] Une ligue pour nos championnes