Un premier March Madness à 17 ans pour la prodige québécoise Cassandre Prosper
Cassandre Prosper tente de dribbler face à la garde des Cavaliers de l'Université de Virginie dans un match de Notre Dame à South Bend, en Indiana, disputé en janvier.
Photo : Reuters / USA Today Sports/Matt Cashore
Cassandre Prosper se pince encore. À 17 ans, elle devrait encore être au secondaire, mais cette semaine, elle disputera son premier championnat universitaire de basketball féminin, le March Madness, à peine deux mois après son arrivée sur le mythique campus de l’Université Notre Dame.
Je suis tellement excitée, j’ai tellement hâte. C’est fou pour moi de penser que je vais être au March Madness et que j’étais au secondaire il y a deux mois. C’est juste fou
, raconte-t-elle, assise dans un auditorium de Notre Dame où elle vient de terminer une séance vidéo avec ses coéquipières.
Tout est allé très vite pour l’adolescente depuis qu’elle a accepté l’offre de la réputée institution de l'Indiana en novembre de faire le bond dès cette année au niveau universitaire, alors que la saison des Fighting Irish était déjà commencée.
Puisque sa scolarité se terminait avec ses derniers examens le 22 décembre, la jeune pépite de Rosemère pouvait choisir entre terminer calmement sa saison à l’Académie Capital Courts d’Ottawa, puis amorcer sa carrière dans la NCAA au début de l’automne prochain en même temps que ses coéquipières, ou faire le saut immédiatement aux États-Unis.
Après avoir été nommée joueuse de l’année au pays, joueuse par excellence du match des étoiles canadiennes et joueuse par excellence du tournoi Basketball sans frontière organisé par la NBA, et même avoir été invitée à son premier camp senior avec l’équipe nationale canadienne, et tout ça uniquement l’an dernier, Cassandre Prosper n’avait plus rien à prouver au niveau secondaire.
Le 26 décembre, elle débarquait donc à son premier entraînement à Notre Dame.
Les filles m’ont vraiment bien accueillie, toutes mes coéquipières, les entraîneurs. Je me sentais tellement bien, raconte-t-elle. Je me suis ajustée vraiment plus facilement que je pensais. Il y a tellement de nouveaux jeux à apprendre, mais je suis presque complètement ajustée.
Trois jours plus tard, elle foulait le terrain pour la première fois. Pour quatre minutes de jeu seulement, mais la glace était brisée.
Puis, pour amorcer l’année avec fracas, le 1er janvier elle jouait son premier match à domicile et déjà son entraîneuse l’utilisait davantage : 17 minutes de jeu, 7 points, 9 rebonds.
Et surtout, elle vivait un premier contact avec la foule de l’Université Notre Dame, nombreuse et passionnée, entassée dans le Pavillon Purcell. En Indiana, le basketball universitaire est roi.
C’est comme un rituel. C’est comme une religion venir voir le basket à Notre Dame. Le basketball féminin est tellement important à Notre Dame. C’est quelque chose qui me tient à cœur et c’est en partie pour ça que je suis ici, parce que le basketball féminin est tellement bien soutenu. Les fans sont incroyables. C’est presque toujours plein à nos matchs
, lance-t-elle.
C’est très différent du Canada... surtout du secondaire au Canada
, ajoute-t-elle en riant.
Il n’est pas rare qu’une joueuse recrue, surtout quand elle se joint à son équipe en pleine saison, réchauffe le banc plus souvent qu’à son tour lors de sa première année dans une université de pointe comme Notre Dame.
Et c’est ce qui s’est produit ensuite… pour quatre matchs, lors desquels elle a été utilisée sporadiquement par son entraîneuse, Niele Ivey.
Mais depuis le 22 janvier, même si elle n’est pas de la formation partante, Cassandre Prosper joue en moyenne pendant 26 des 40 minutes que dure chaque match.
Je ne pense pas que c’était le plan que je joue autant dès le début, avoue-t-elle. Mon entraîneuse voulait me faire rentrer petit peu par petit peu pour ne pas que je perde ma confiance, mais moi, je lui ai dit que j’étais prête : "Tout ce que tu veux je fasse, je vais le faire."
La blessure de sa coéquipière de dernière année Dara Mabrey, dont la sœur Marina est une joueuse étoile de la WNBA, a certainement contribué à lui ouvrir davantage la porte. Mais ses performances ont vite confirmé ce qu’elle avait affirmé à son entraîneuse : elle était prête.
« Elle croit en moi et en mon potentiel, dans ce que j’apporte au basket et à l’équipe. Je pense que le fait d’avoir une entraîneuse qui a tellement confiance en moi, ça me donne confiance sur le terrain aussi. »
Une affaire de famille
Ses parents, Gaétan Prosper et Guylaine Blanchette, ont aussi été des étoiles du basketball universitaire québécois, notamment avec les Stingers de Concordia. Sa mère est même passée par la première division aux États-Unis, au Manhattan College.
Or, quand on lui demande si elle a pu profiter des conseils de ses parents basketteurs dans cette transition rapide vers la NCAA, eux qui ont aussi été ses entraîneurs à Laval il y a quelques années, Cassandre Prosper insiste : bien sûr qu’ils ont contribué, mais c’est surtout vers son frère qu’elle s’est tournée.
Il est passé à travers tout ce que je passe à travers maintenant
, explique-t-elle.
C’est qu’en quittant le pays à 17 ans pour les États-Unis, Cassandre Prosper suit en quelque sorte les traces d’Olivier-Maxence, qui est parti au même âge il y a quatre ans pour l’Académie du basketball de la NBA à Mexico où il était coéquipier d’un autre Montréalais, un certain Bennedict Mathurin.
Comme sa sœur, Olivier-Maxence sera de la grande danse du printemps universitaire. Son équipe, l’Université Marquette, victorieuse samedi du championnat de la division Big East, fait partie de la demi-douzaine d’équipes aspirantes au titre national, selon les experts américains.
Ses conseils les plus importants n’ont toutefois pas porté sur la façon de se comporter avec ses coéquipières ou en match, mais bien de se faire rapidement des amis hors de la bulle sportive.
Avoir des connaissances, c'est très important, surtout à l'extérieur du basket, parce que tu es toujours avec tes coéquipières tout le temps, tout le temps, répète-t-elle. Si tu rates des classes parce que tu as besoin d’aller à un tournoi, comme le March Madness, il y a des gens qui peuvent t'aider en classe pour avoir les notes...
Malgré leurs horaires passablement chargés, ils s’appellent régulièrement, surtout par FaceTime
prend-elle le temps de souligner.
« C'est lui qui me disait : "Tu dois m'appeler plus souvent." Parce que moi, je suis tellement occupée, mais, maintenant, je prends vraiment ça à cœur de l'appeler plus souvent. C’est ma pause de l'école, de basket. Parler à mon frère, ça me permet de décompresser, de parler, de blaguer. »
Pour la fratrie, séparée par des milliers de kilomètres depuis quelques années, l’arrivée de Cassandre à Notre Dame les rapproche grandement. C’est que le campus situé à South Bend, en Indiana, n’est qu’à trois heures de voiture de celui de Marquette, une université privée de Milwaukee, au Wisconsin.
Mes parents peuvent venir voir un match. Après ça, ils peuvent aller voir mon frère juste à côté. C'est vraiment bien d’être plus proche que quand j’étais au Canada!
Ambition Paris 2024
Gagner un championnat national et plus tard accéder à la WNBA font bien sûr partie des objectifs de Cassandre Prosper. Mais dès l’été prochain, elle pourrait revêtir le maillot de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques de Paris.
Ça fait tellement longtemps que j’en rêve, dit-elle avec toute la fraîcheur de ses 17 ans. Je pense que c’est quelque chose qui peut arriver. Juste le fait que je pourrais aller aux Olympiques à 19 ans [elle est née en juin, NDLR], c’est fou. Je n’ai pas les mots pour l’exprimer encore, mais ça se peut.
Ce ne serait pas une première non plus. À Tokyo à l’été 2021, le Canada avait dans sa formation une autre joueuse de 19 ans, Aaliyah Edwards.
Le nouvel entraîneur de l’équipe canadienne, l’Espagnol Victor Lapeña, avait convié Cassandre Prosper en août dernier au camp de l’équipe nationale, avant la Coupe du monde, avec 14 autres joueuses, dont les vétéranes expérimentées de la WNBA, Natalie Achonwa, Bridget Carleton et Kia Nurse. La jeune prodige n’a ultimement pas été retenue pour le tournoi, mais elle sait maintenant ce sur quoi elle doit travailler d’ici à l’an prochain.
Je pense que je dois définitivement maturer physiquement, assure-t-elle. Ici à Notre Dame, je réalise déjà ce que c'est de jouer contre des femmes qui sont deux, trois ou quatre ans plus vieilles que moi. C’est comme quand j'étais allée au camp de l'équipe senior et que je réalisais que je jouais contre des filles de la WNBA et qui jouent pro en Europe et tout. C'est une grosse différence.
Mais le plus d'expérience que j'ai avec l'université et l'équipe senior, le plus que je vais m'améliorer
, poursuit-elle.
Surtout, le Canada a très peu, ou même pas du tout, de joueuses ayant le profil de Cassandre Prosper.
Une garde athlétique, imposante à sa position, avec d’excellentes qualités défensives et une rapidité hors du commun. Rien d’étonnant sur ce dernier point, puisque Cassandre Prosper était un espoir de l’athlétisme québécois, étant même la sprinteuse la plus rapide de la province dans son groupe d’âge au primaire.
Et celle qui a délaissé le sprint parce qu’elle préférait l’intensité et la fraternité du sport d’équipe vivra dans les prochains jours l’un des événements où ces deux éléments sont toujours présents. Au March Madness, chaque match est à élimination directe et la route du championnat national est toujours parsemée de surprises et d’amères déceptions.
« Je suis tellement excitée. Wow, j'ai tellement hâte! J'essaie de relaxer un peu parce que je sais comme je suis quand je viens trop excitée et je ne veux pas avoir cette excitation sur le terrain. Mais je suis vraiment excitée. Le but, c'est de gagner, de gagner tout. On est assez bonnes. Je ne doute pas de mon équipe. »
Notre Dame a conclu la saison au 11e rang du classement national américain et au 1er rang de sa division avec une fiche de 25 victoires contre 5 défaites, et a été classé 3e tête de série de sa région au March Madness. Les Fighting Irish joueront leur premier match du March Madness vendredi contre Southern Utah (14e). Le même jour dans le tournoi masculin, Olivier-Maxence Prosper jouera avec Marquette (2e) contre Vermont(15e).
Peu importe la durée de son parcours au March Madness, Cassandre Prosper retrouvera ensuite les bancs de Notre Dame pour compléter sa première session universitaire. Puis cet été, direction la Grèce et la Croatie avec les Fighting Irish pour une première tournée internationale.
Pas mal pour une fille qui pourrait encore être au secondaire...